2020-03 : RENAULT FUEGO,
Coupé à feu doux

=======================================================================================================================EASY LIFE

HISTOIRE

Le premier coupé à se doter d’un turbo

diesel, c’est lui. En atteignant 175 km/h

il pouvait revendiquer le titre

de diesel le plus rapide

du monde !

RENAULT FUEGO

Coupé à feu doux

Il y a quarante ans déjà, Renault sortait un coupé à la carrosserie

originale qui allait marquer l’histoire par son choix incroyablement

précurseur à l’époque de proposer une motorisation turbo…

diesel. Retour sur la genèse et la carrière du coupé Fuego.

R

emplaçant de la doublette R15/

R17, le coupé Renault Fuego fait

partie de ces modèles qui ont soulevé

des passions contradictoires,

aussi bien en interne chez Renault

qu’en externe auprès du public.

Jacques Cheinisse, qui était responsable

du projet, se souvient : « Je venais tout

juste de quitter Alpine. Le programme 136 qui recouvrait

la future Fuego marquait mes premiers

pas chez Renault en tant que chef de produit. Et, à

mon grand étonnement, j’ai tout de suite ressenti

comme une sorte de désintérêt, voire de mépris,

de l’intelligentsia Renault pour ce produit qui était

censé séduire par son style plutôt que par son

intelligence. »

Un coupé familial à quatre places

Nous sommes au milieu des années 70, et les Renault

emblématiques qui font la fierté du Losange

sont la R16 et la R5. Si bien que tous les modèles

qui s’éloignent de l’intelligence fonctionnelle, de la

philosophie « voiture à vivre » amorcée et incarnée

par la R16 semblent sortir du droit chemin. Mais

pas question pour autant de renoncer à la clientèle

des coupés de gamme moyenne que se disputent

à l’époque les constructeurs généralistes avec des

modèles comme l’Opel Manta ou la Ford Capri. Il

s’agit pour Renault de reprendre la base technique

de la berline R18, elle aussi en gestation et dont la

sortie est prévue deux ans avant celle de la Fuego.

« Hériter des trains roulants de la R18 n’était pas

très motivant, dans le sens où ils traînaient une

mauvaise réputation, qui n’était pas vraiment méritée.

En fait, ils étaient pour l’essentiel trop souples à

force de vouloir rivaliser avec la suspension hydraulique

de Citroën. Et il a suffi de les rigidifier pour

obtenir une tenue de route très satisfaisante, mais il

n’a pas été facile de persuader le Bureau d’études

de l’opportunité de cette démarche. Par la suite,

ces modifications ont été étendues à toute la

gamme R18 », témoigne Jacques Cheinisse.

L’étude du style commence en 1976 par une compétition

entre les différents designers maison dirigés

par Robert Opron, transfuge de chez Citroën,

où il avait notamment dessiné le luxueux coupé

SM. Il s’agit ici de dessiner un coupé familial avec

quatre vraies places. Les designers Renault rivalisent

Emblématique du design de la Fuego,

la bulle arrière sera reprise quatre plus tard,

en 1984, sur le haut de gamme R25.

Si les petites motorisations furent les

plus vendues, une version turbo

essence de 132 ch, reconnaissable à

ses jantes BBS, vint dynamiser sa fin

de carrière, à partir de 1984.

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d’abord de gouaches et ensuite de maquettes

à échelle réduite. C’est le projet du jeune

Michel Jardin qui est finalement choisi. « Élégant,

son dessin pouvait également se prévaloir d’une

bonne aérodynamique », analyse Jacques Cheinisse.

Le design de la Fuego se distingue également

par sa lunette arrière en forme de bulle.

« C’était une volonté de Bernard Hanon, qui en

appréciait

la forme sur le très confidentiel coupé

anglais Jensen Interceptor », révèle Jacques Cheinisse,

qui se souvient également de son étonnement

face aux « développements lyriques autour

des enjoliveurs de plastique noir qui ceinturaient

toute la carrosserie et auxquels Robert Opron était

particulièrement attaché.. »

Jacques Cheinisse voit dans la forme même de la

lunette-bulle une formidable opportunité de mettre

l’habitacle de la voiture en valeur. « Je voulais que

l’on puisse apprécier l’espace et le luxe de l’habitacle

comme au travers d’une vitrine. Aussi nous

avons investi plus d’argent que de coutume dans

la qualité des matériaux avec des draps et des

moquettes

de très belle facture. C’était peut-être

une coquetterie de ma part, mais quelle ne fut pas

ma stupéfaction lorsque je me suis rendu compte

que les commerciaux avaient décidé d’équiper l’ensemble

des modèles d’un cache-bagages, lequel

tuait dans l’oeuf mon intention ! »

Un lancement commercial réussi

Quoi qu’il en soit, le coupé Fuego réussit son lancement

commercial et totalisera 265 000 ventes en

six années de production, entre 1980 et 1986, dans

l’usine de Maubeuge qui produit aujourd’hui le Kangoo.

« Sa production se poursuivra encore

quelques années supplémentaires en Argentine, où

la Fuego rencontra également le succès commercial,

soutenu par de belles performances sportives

en rallye », précise, Jacques Cheinisse, l’artisan de

la victoire d’Alpine en championnat du monde des

rallyes.

Le succès commercial du coupé Fuego en France

s’est bâti avec les plus petites motorisations disponibles,

« comme trop souvent en France, où la fiscalité

semblait avoir construit une barrière infranchissable

à hauteur de 7 CV », regrette-t-il. Alors

même que l’offre des motorisations était particulièrement

riche.

Dès le lancement, trois mécaniques essence sont

proposées sous le capot de la Fuego : le Cléon

Fonte 1.4 (64 ch), le Cléon Alu 1.6 (96 ch) de la R16

et enfin le Douvrin 2.0 (110 ch) produit dans l’usine

du même nom, en partenariat avec PSA. Viendra

ensuite, en 1982, le turbo-diesel, qui fera entrer la

Fuego dans l’histoire comme le premier coupé au

monde équipé d’une motorisation diesel. « Il avait

fallu pratiquer un beau bossage dans le capot pour

le faire entrer », se souvient Jacques Cheinisse, qui

se rappelle également, à l’instar de tous les plus de

50 ans, de la fameuse campagne de publicité qui

vantait les mérites du « diesel le plus rapide du

monde », atteignant 175 km/h.

En 1984, une légère phase 2 s’accompagne d’une

nouvelle motorisation très spectaculaire : « Dans le

droit fil de la R18 essence turbo qui fut la première

à exploiter l’engagement de Renault en Formule 1

avec un moteur suralimenté, la Fuego reçoit à son

tour le 1.6 turbo fort de 132 ch », témoigne Jacques

Cheinisse. Un aboutissement technique qui sonne

un peu comme le chant du cygne des coupés de

gamme moyenne qui ne peuvent résister à la déferlante

des nouvelles GTI.

PHILIPPE VERHEYDEN POUR RENAULT HISTOIRE

En plus de sa

plate-forme, le

coupé Fuego

partageait sa

planche de bord

avec celle de

la berline R18.

Un effort important avait été fait sur la qualité

des matériaux avec notamment du velours

de très belle facture, y compris dans le coffre.

« La lunette-bulle était une opportunité de

mettre l’habitacle en valeur, comme au travers

d’une vitrine » Jacques Cheinisse, responsable du projet

C’est le jeune styliste Michel Jardin qui signa l’élégant dessin du coupé Fuego. Ici, quelques variations sur le

thème de la bulle arrière qui caractérisera la voiture.

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