2020-01 : JEAN RAGNOTTI, pilote acrobate

=======================================================================================================================EASY LIFE

HISTOIRE

JEAN RAGNOTTI

Pilote acrobate

Le plus emblématique pilote Renault avait pris sa retraite sportive fin

1996 mais continué à représenter le Losange à grands coups

d’acrobaties et de sourires, un jour sur un circuit, un autre chez un agent.

« Jeannot » se retire aujourd’hui définitivement des voitures pour

profiter à 74 ans d’une retraite bien méritée.

Première voiture course

« En 1967, je suis monté jusqu’à Boulogne pour

m’acheter une R8 Gordini. J’ai couru trois années

à son volant, en amateur, alors que j’exerçais

la profession de chauffeur

routier. J’ai débuté au rallye

d’Istres avec un bon résultat à la

clé. Mais c’est le rallye suivant,

celui du Vaucluse, qui m’a permis

de marquer pour la première

fois les esprits. J’ai terminé cinquième

du classement général,

deuxième des voitures de tourisme,

mais surtout premier des

quelque 70 R8 Gordini qui étaient

engagées. »

Première course

officielle pour Renault

« Le rallye Monte-Carlo 1973, je l’ai disputé au volant

de la R12 Gordini aux couleurs de RMC. C’était

un peu l’antithèse de la R8 Gordini qui fut une école

extraordinaire pour toute une génération de pilotes.

Aussi sous-vireuse que la R8 était survireuse, la

R12 savait néanmoins faire preuve d’efficacité. »

Courses de légende

« Si je devais retenir trois courses dans ma carrière,

il y aurait d’abord ma deuxième place obtenue

au rallye Monte-Carlo 1978. Avec ma petite

R5 groupe 2 de 137 ch pour 820 kg, j’ai pu devancer

les surpuissantes Lancia Stratos et Fiat

131 Abarth en tirant le meilleur parti de mes

pneus Michelin sur des routes totalement enneigées.

Vient ensuite ma victoire en R5 Turbo au

tour de Corse 1982 : un magnifique duel avec la

Ferrari 308 GTB d’Andruet! Et, enfin, le choix qui

ne manque jamais de surprendre: ma deuxième

place au rallye du Portugal 1987 au volant de la

R11 Turbo. J’ai adoré piloter cette voiture simple

et efficace qui m’a permis de rivaliser avec les

modèles à quatre roues motrices engagés par

Lancia ou Audi. »

24 Heures du Mans

« Pour nous récompenser de notre performance

au Monte-Carlo 1978, Renault a engagé une voi-

Jean Ragnotti n’est jamais avare en photos

souvenirs parfois cocasses : ici le remake d’une

photo avec l’enfant devenu grand.

ture supplémentaire pour mon équipier Guy Fréquelin

et moi aux 24 Heures du Mans, l’année

même de sa victoire avec Jaussaud et Pironi.

C’était une course dangereuse avec les voitures

de l’époque. Mais en même temps j’appréciais

leurs exigences. Les voitures étaient fragiles et il

fallait être capable de rouler vite tout en les préservant.

Certains pilotes particulièrement doués

pour cela pouvaient alors faire la différence à eux

seuls. C’était de cas de Jacky Ickx ou d’Henri

Pescarolo. Aujourd’hui, les voitures sont tellement

solides que les pilotes sont à fond pendant

vingt-quatre heures… »

Turbo

« Avec la R5 Turbo, j’ai remporté la première victoire

d’un moteur turbocompressé en championnat

du monde des rallyes. C’était le Monte-Carlo

1981. La R5 Turbo était très délicate à piloter. Il

fallait anticiper le temps de réponse du turbo:

freiner et accélérer plus tôt pour que les chevaux

arrivent au bon moment. D’ailleurs, en 1982, on

a réduit la puissance de 292 à 272 ch pour

rendre la voiture plus exploitable. Je dois dire que

1985,

Jean Ragnotti

étrenne sa

Maxi 5 Turbo

qui fera sa

légende

auprès du

grand public.

Après sa retraite sportive, Jean Ragnotti a continué

à faire le spectacle en réalisant des acrobaties avec

sa fidèle Maxi 5 Turbo sur les WSR.

mon style de pilotage, où je suis tout le temps en

train de récupérer la voiture, m’a beaucoup servi

au volant de la R5 Turbo. »

Formule 1

« J’ai eu plusieurs fois l’occasion d’essayer des

F1. Mes chronos étaient plutôt bons, mais je

n’étais vraiment pas tenté par la routine des

courses sur circuit. J’ai toujours préféré l’ambiance

plus conviviale des rallyes… Lesquels

conviennent aussi mieux à mon style de pilotage.

J’avais fait de la monoplace au début de ma carrière,

entre 1973 et 1976, au point de susciter

l’intérêt de Ken Tyrrell, qui faisait courir des Formule

1 sous les couleurs Elf. Mais je pense qu’il

a finalement jugé mon style un peu trop acrobatique

pour la F1… »

Acrobaties et cascades

« Dans le cadre des meetings World Series by Renault,

j’ai fait des shows d’acrobaties pendant dix

ans au volant de la dernière évolution de la R5

Turbo: la Maxi. J’enchaînais les toupies pour le

plus grand plaisir des spectateurs.

42 I

JANVIER2020

1981. Sa victoire

au Monte-Carlo

entre dans

l’histoire. C’est

la première d’un

moteur turbo

en championnat

du monde.

1981. Sa victoire

au Monte-Carlo

entre dans

l’histoire. C’est

la première d’un

moteur turbo

en championnat

du monde.

1978.

Un Monte-Carlo

apocalyptique, sauf

pour Jean Ragnotti,

qui termine deuxième

au volant de sa

« planche à roulettes ».

« Le plaisir de conduire des voitures très différentes

les unes des autres passait avant l’envie de

décrocher des titres et des championnats. »

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours fait

des acrobaties au volant. J’ai appris seul au volant

de ma Renault 4CV avant même de me lancer en

compétition. Ce don m’a également permis de

faire des cascades pour le cinéma dans l’équipe

de Rémy Julienne. Et, dans la vie de tous les jours,

je peux faire un créneau d’un seul mouvement,

tout en glissade, juste avec le frein à main… »

Fidélité au Losange

« On m’a souvent demandé pourquoi je suis resté

toute ma carrière chez Renault, plutôt que de

chercher ailleurs des programmes qui m’auraient

permis de construire un plus beau palmarès.

Mais j’ai toujours été parfaitement heureux chez

Renault! Le plaisir d’y conduire des voitures très

différentes les unes des autres passait avant l’envie

de décrocher des titres et des championnats.

Ainsi les deux voitures au volant desquelles j’ai

pris le plus de plaisir sont à l’opposé l’une de

l’autre. Il y a, d’une part, la très bestiale R5 Turbo

du début des années 80, et, d’autre part, la très

efficace Clio Groupe A du début des années 90.

J’ai découvert, grâce à sa direction assistée, le

confort de conduite en course… »

Motivation

« Tout au long de ma carrière, ma motivation était

nourrie à parts égales par mon souci de ramener

un bon résultat à mon employeur, par l’envie de

m’amuser au volant — quel que soit le degré de

performance de la voiture — et, enfin, par mon

Jean Ragnotti aime

les conditions difficiles.

Il termine 2e au Portugal 1987

avec sa modeste R11 Turbo.

désir de faire plaisir aux spectateurs! Et je dois

avouer que je n’hésitais jamais à ajouter un peu

de spectacle lorsqu’ils se faisaient plus nombreux

au bord de la route… »

Réseau

« J’ai toujours pris plaisir à répondre aux invitations

du réseau, qu’il s’agisse de grandes

concessions ou d’agents. Je me souviens de

showrooms noirs de monde, de séances de dédicaces

où les gens me demandaient de signer

leur voiture plutôt qu’une photo… J’ai même

parfois réalisé des acrobaties sur les parkings.

Mais, avant le show, les bulles et les paillettes, je

passais toujours par l’atelier pour saluer toutes

les personnes qui y travaillaient. »

Négociant en virages

« Un journaliste a un jour inventé l’expression

“négociant en virages” pour parler de l’ancien pilote

Alpine Bernard Darniche. On l’a ensuite très

souvent utilisée pour ce qui me concerne, si bien

qu’elle me colle un peu à la peau. Bernard Darniche

ne m’en voudra pas de la lui avoir volée… »

PHILIPPE VERHEYDEN

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IMPRESSION : Maury. ISSN : 02955806 DÉPÔT LÉGAL : à parution

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