2019-07 : RENAULT 12, l'internationale

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HISTOIRE

D’une architecture plus moderne

que ses rivales germaniques, la R12

était plus conservatrice que la reine

R16, d’où son statut de mal-aimée

auprès les plus fervents amateurs

du Losange.

RENAULT 12

L’internationale

Il y a tout juste cinquante ans, la R12 tournait la page de la propulsion

en remplaçant la R8 et son architecture tout à l’arrière héritée de la 4CV.

Ce sans pour autant vouloir relever trop de défis technologiques.

D

ès le départ du projet, la R12 se

doit d’être une traction pour

être dans l’air du temps, assurer

une cohérence de gamme

qui s’était ouverte à cette architecture

depuis la R4 de 1962 et

répondre aux aspirations de sérénité

de conduite d’une clientèle familiale. L’autre

élément majeur qui va façonner le projet est la volonté

d’aller conquérir des marchés internationaux.

Pour ce faire, il faut une voiture traditionnelle, c’est-

à-dire tricorps, le hayon étant trop perçu comme

« utilitaire » dans la majorité des pays ciblés, d’une

robustesse à toute épreuve, de faible coût de fabrication

et simple à entretenir et réparer. Ce désir

d’ouverture aura donc un impact très concret

sur les solutions retenues pour le projet, lesquelles

apparaîtront en grand décalage avec les autres

voitures

de la gamme. Ce même si le choix de la

carrosserie tricorps avait également une logique

de couverture de gamme sur le marché français,

sachant que Renault disposait déjà d’une offre bicorps

performante avec la R16.

Accessibilité mécanique

Ainsi, alors que le moteur des premières tractions

avant de la marque se positionne à l’arrière de l’axe

des roues avant, la R12 voit son moteur implanté

en porte-à-faux avant. Cette disposition facilite l’accès

au moteur, dégage de la place à l’avant de l’habitacle

et permet d’aménager avec plus de facilité

une commande de vitesses au plancher. Cette répartition

des masses très portée sur l’avant conduira

à d’importantes variations d’assiette entre le

roulage à vide et en charge, surtout avec les

grandes flexibilités de suspension utilisées à cette

époque. Les plus anciens se souviennent des R12

« le nez au vent » et l’arrière « traînant par terre » au

moment des grands départs en vacances.

Côté châssis, le train avant reprend une solution similaire

à celle la R4 et de la R16 avec des doubles

triangles en tôle, mais les barres de torsion sont

remplacées par des classiques combinés ressorts/

amortisseurs. À l’arrière, on trouve un train rigide

inédit constitué d’une traverse en tôle. La solution

est en décalage par rapport aux berlines modernes

à roues indépendantes, mais elle est peu coûteuse,

robuste et plutôt bien adaptée par sa rusticité aux

marchés d’exportation visés. Le vrai défaut de cette

solution est essentiellement l’encombrement de la

traverse, qui limitera la profondeur du coffre et imposera

une longueur totale supérieure à celle de la R16

(+11 cm) pour offrir une habitabilité convenable.

Ce train arrière, bien que décrié par la presse nationale,

ne portera pourtant pas préjudice à la tenue

de route et au confort de la R12, jugés supérieurs

à la concurrence, même s’ils restaient en retrait de

la R16, voire de la R4.

L’originalité du

design de la R12

tient essentiellement

dans le dessin

descendant de sa

malle arrière.

Le moyeu de volant

« en accordéon » est

très caractéristique.

Les petits coussinets

noirs qui recouvrent

le bas de la planche

de bord sont en

quelque sorte les

germes de nos

airbags modernes.

42 I JUILLET2019

.

Le moteur retenu est le bien connu cinq-paliers

tout en fonte issu de la R8. Sa cylindrée est portée

à 1 289 cm3, par augmentation de l’alésage et de

la course. Il délivre désormais 60 ch SAE (54 CV

DIN). À l’intérieur, le tableau de bord est constitué

d’un mince panneau revêtu d’acier satiné, pris en

sandwich par deux bourrelets souples noirs, le

bourrelet inférieur étant constitué de grosses côtes

verticales censées limiter les blessures en cas de

choc. Sur le plan du style, le moyeu du volant en

reprendra le motif au point d’évoquer la forme d’un

accordéon, ce qui lui vaudra le surnom de volant

« Yvette Horner ».

Prix de lancement compétitif

La voiture est présentée en grande pompe au salon

de Paris en septembre 1969, en même temps que

la Peugeot 304, sa concurrente française la plus directe,

qui, sous une ligne plus conventionnelle, fait

le choix de solutions plus modernes extrapolées de

la 204. Le succès est rapidement au rendez-vous :

son design plutôt clivant mais moderne est généralement

bien accueilli. C’est une traction logeable et

confortable aux qualités routières certaines par rapport

aux propulsions classiques de la concurrence.

De surcroît, elle s’affiche à un prix de lancement très

compétitif, au niveau de celui de la Fiat 124, de la

Ford Escort et de la vieillissante Simca 1301, et environ

10 % moins chère que la Peugeot 304.

Dès l’année suivante, la gamme R12 va être complétée

par deux déclinaisons majeures : break et

Gordini. Le choix d’une carrosserie tricorps sans

aucune forme de modularité exigeait de compléter

l’offre par une version break s’adressant aux clients

privilégiant la capacité de chargement et le volume

utile. La R12 Gordini ne fera pas la même unanimité.

Il est vrai que la situation est compliquée. Si l’arrêt

programmé de la R8 ne pose pas vraiment de

problème au sein de la gamme courante, en revanche,

la disparition de la très iconique R8 Gordini

fait grincer les dents de tous les amateurs de sportives.

Autant dire que sa succession apparaît difficile.

Pour muscler la voiture, il est décidé de l’équiper

du moteur de la R16 TS porté à 113 ch DIN.

Les 18 et 19 juillet 1970, la passation de pouvoir

entre les deux générations de Gordini se tient au

Castellet. Ce sont les fameux jours G restés dans

les annales. Douze R12 Gordini sont confiées aux

meilleurs pilotes du moment pour confronter leurs

chronos avec les candidats de la coupe Gordini

1970, qui, eux, tournent avec la R8.

Mais voilà, malgré la préparation des voitures, la

R12 Gordini, disposant d’un rapport poids/puissance

défavorable, ne peut guère compter que sur

une vitesse de pointe supérieure pour compenser

ce handicap. De plus, à ce stade de développement,

la nouvelle est beaucoup trop sous-vireuse

et la R8 Gordini reste une référence en termes de

maniabilité, même si c’est au prix de figures parfois

acrobatiques qui font le bonheur des spectateurs

et sont associées à l’art même du pilotage. Heureusement,

à la fin de ces deux jours, Jean Vinatier

réussira à obtenir le meilleur chrono avec la R12

pour seulement 0,5 s, dans un style bien moins

spectaculaire. Bref, la nouvelle venue ne convainc

pas vraiment et va paradoxalement largement

contribuer à entretenir pendant longtemps le

mythe de la R8 Gordini.

Il n’en reste pas moins qu’avec 4 millions d’unités

vendues au terme de sa carrière, la R12 se positionne

loin devant la très iconique R16 (1,8 million).

Elle doit cette remarquable performance à son succès

international et à sa longévité exceptionnelle

(30 ans !), mais aussi au respect des fondamentaux

que sont une fiabilité sans faille et des coûts d’entretien

réduits. PATRICE MÉCHIN POUR RENAULT HISTOIRE

Efficace avec ses roues

avant motrices,

la R12 Gordini a battu

de justesse la R8 à

moteur arrière.

Carrière sans frontières

Dès le début, la R12 était destinée à être

vendue un peu partout dans le monde.

Sa simplicité de conception permettait un

montage ou une fabrication délocalisée. Hormis

la France avec le site de Flins, les principaux

producteurs seront la Turquie (Près de

700 000 exemplaires en vingt-huit ans),

l’Argentine (444 000 unités en vingt-quatre ans),

l’Espagne et le Portugal. Il y aura aussi le cas

spécifique du roumain Dacia, qui, bien avant le

rachat de la marque par Renault, produira sous

licence des R12 vendues sous l’appellation

Dacia 1310. Des voitures que la marque

continuera à produire sans la tutelle de Renault,

une fois le contrat expiré, pour un total de près

de deux millions d’exemplaires. Renault a même

tenté de remettre le nez à la fenêtre du marché

nord-américain, essentiellement avec la version

break de la R12 équipée du moteur de la R16 et

d’une boîte auto. Une direction trop lourde et

une climatisation trop faible, notamment,

l’empêchèrent de percer aux États-Unis, alors

que, dans le même temps, Toyota et, dans une

moindre mesure, Datsun parvinrent à conquérir

une part de marché non négligeable, avec des

produits relativement comparables mais des

directions plus légères vu qu’il s’agissait de

propulsions. Pour un panorama complet de la

production internationale, il faudrait également

comptabiliser l’Australie, l’Afrique du Sud, le

Canada, la Colombie, la Côte d’Ivoire, l’Irlande,

Madagascar et le Maroc. Au global, il s’est

vendu plus de R12 à l’international que sur le

marché français.

Pour le lancement de la R12 Gordini, Renault

avait eu l’audace d’organiser une

confrontation avec la légendaire R8 Gordini.

Avant d’être racheté par Renault, Dacia a

produit et fait évoluer la R12. Taxi increvable

dans de nombreux pays. Ici en Colombie.

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