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HISTOIRE
RENAULT ESTAFETTE
L’Estafette fut
lancée en 1959
avec une
gamme
complète de
quatre
carrosseries :
surélevée, tôlée,
bâchée et
« microcar ».
Quand la fonction crée
le fourgon
Première Renault à passer à la traction avant il y a tout juste soixante
ans, l’Estafette posait les bases de l’ADN des VU du Losange par sa
conception totalement orientée vers l’usage réel.
E
n 1944, la production automobile
est régie par le célèbre plan
Pons, qui, pour la sortir de son
morcellement extrême d’avant-
guerre, assigne aux principaux
constructeurs des segments bien
définis, avec interdiction d’en
sortir. Les VU sont ainsi attribués à Berliet et
Renault,
même si Citroën obtient l’autorisation
de produire le TUB, utilitaire à traction avant sorti
tout juste avant le conflit. Lequel sera remplacé
dès 1947 par le très innovant type H : traction
avant, carrosserie monocoque avec plancher
plat et tôles fines nervurées, porte latérale coulissante
et porte arrière en trois parties…
Conserver son leadership
Face à cette redoutable concurrence au sortir
de la guerre, la gamme VU de Renault se limite à
la fourgonnette Juvaquatre « Dauphinoise » de
300 kg de charge utile, et au fourgon Goélette
« 1 000 kg », d’architecture classique. Malgré
son plancher trop haut et son absence de porte
latérale, ce fourgon se vend bien grâce à sa robustesse
et aux contrats avec les administrations
: 81 654 ventes entre 1947 et 1952 contre
seulement 26 960 pour le très moderne H de Citroën
! Malgré tout, afin de conserver son leadership,
Renault estime nécessaire de développer
un fourgon moderne et compétitif de taille intermédiaire
avec une charge utile de 600 à 800 kg.
C’est le projet Estafette. Une équipe projet est
vite constituée sous l’autorité de Guy Grosset-
Grange (appelé GGG), ingénieur Arts et Métiers,
qui se rend à l’évidence que l’architecture du
Citroën
H est la bonne, malgré l’opposition du
directeur des Études d’alors, Fernand Picard,
autoproclamé père de la 4CV, qui ne jurait que
par le « tout-à-l’arrière ». Le Volkswagen Combi
type 2 est bien comme cela, mais il se vend plus
comme un transport de personnes que comme
un véritable utilitaire qui ne peut être crédible
sans un accès arrière totalement dégagé, avec
plancher plat et sans seuil. Après quelques tentatives
d’alternative, le projet démarre début
1953 sur une architecture proche de celle du H :
carrosserie autoportante, traction avant, plancher
plat, charge utile de 600 kg, volume utile de
5 m3, hayon en trois parties, porte latérale coulissante…
Grande première pour Renault, la plate-forme de
l’Estafette est non seulement en traction avant
mais aussi à quatre roues indépendantes. Un
double joint de cardan côté roue permettait un
rayon de braquage extrêmement faible (4,60 m
à gauche et 5 m à droite), gage d’une bonne
maniabilité en ville. Quant à la motorisation,
grâce à une charge utile de 600 kg et un poids
total en charge de 1 600 kg, le moteur 670
(845 cm3) de la future Dauphine semble suffisant,
moyennant un minimum d’adaptation. Il
faudra cependant dessiner une nouvelle boîte-
pont à quatre vitesses synchronisées adaptée à
cette architecture.
La conduite du projet, truffé d’innovations techniques,
a été menée de main de maître par
GGG, et on peut même dire que ce fut la première
expérience pour Renault d’une conduite
de projet exemplaire, trente-cinq ans avant l’arrivée
Destinée aux loisirs,
la version Alouette n’a pas
connu la même carrière
que le Combi de
Volkswagen.
.
des organisations projet. Au-delà des points
techniques déjà évoqués, il faut souligner parmi
les innovations la porte conducteur coulissante.
Elle permettait de faciliter l’accès au poste de
conduite, surtout en environnement contraint, et
au chauffeur de se garer au millimètre près, en
se penchant à l’extérieur du volume du véhicule.
Cela ne serait plus possible aujourd’hui, vu l’importance
prise par les normes de sécurité, mais
démontre que l’intérêt des concepteurs pour
l’usage réel du véhicule s’inscrit au plus profond
de l’ADN Renault.
Pour la version à toit surélevé (+ 29 cm, soit
1,83 m de hauteur intérieure) le choix, un peu
contraint par les installations de peinture, a été
de réaliser ce toit en composite fibre de verre/
polyester avec préformage puis fusion et polymérisation
dans une étuve.
Cette solution était économiquement viable, car
le faible investissement par rapport à la tôle
compensait
le prix de revient de fabrication, plus
élevé, surtout pour ces cadences partielles.
Cette expérience sur les composites a tracé la
voie pour les applications sur les boucliers de
R15/17 en 1971, et surtout R5 en 1972.
Après les déboires du démarrage de la Frégate,
les équipes de conception de Renault étaient
particulièrement sensibilisées aux problèmes de
qualité/fiabilité. Il fut donc décidé de décaler fortement
la mise sur le marché, afin de réaliser
d’importants tests réalistes avec des utilisateurs
professionnels réels. Dès 1955, des prototypes
et mulets sont produits pour tester la mécanique.
Après la réception aux Mines le 1er août 1956
(trois ans avant le démarrage en série), des véhicules
de présérie sont fabriqués en nombre à
partir du début 1957 pour les confier à des
clients privilégiés qui les testeront durablement
en usage réel. Inévitablement, un de ces prototypes
fera la une de l’Auto-Journal du 1er juin
1957. Bien entendu, des essais sont menés par
les équipes Renault sur toutes les latitudes, au
Liban, en Afrique, en Irak…, et plus de 2 millions
de kilomètres ont ainsi été parcourus dans des
conditions extrêmes. De plus, le nouveau centre
d’essais Renault de Lardy, près d’Arpajon, fut
le théâtre d’essais d’endurance et de mise au
point. Dans ce cadre, on s’est aperçu tardivement
que, vu la répartition des masses, l’arrière
du véhicule se soulevait en cas de violent coup
de frein à vide. La correction fut faite par le montage
d’un lest de 20 kg à l’arrière, ce qui n’est
pas très high-tech, mais efficace…
Une gamme complète proposée
Dès la révélation de l’Estafette à l’été 1959, une
gamme complète est proposée à la clientèle :
fourgon « normal », fourgon à pavillon surélevé,
plateau à ridelles bâché, microcar (8 + 1 places),
et enfin une version « zone bleue » (qui a failli
s’appeler Trafic) avec une charge utile limitée à
500 kg pour satisfaire un règlement limitant les
capacités de charge des véhicules de livraison
dans des centres-villes…
Viendront ensuite (1961) une plate-forme cabine
pour développer les adaptations de carrossier et
une version Alouette (7 + 1places), qui permet
de transformer le fourgon utilitaire en transport
de personnes (et bagages) pour le week-end.
Une préfiguration des monoplaces ? Au salon de
Paris 1959, qui constitue le vrai lancement commercial
de l’Estafette, Renault prévoit toute une
série d’animations, dont un championnat de
France des conducteurs-livreurs. Le vainqueur
repartira au volant d’une Estafette, non sans
avoir claqué la bise à Miss Paris et à Miss Estafette…
Des essais sont évidemment prévus et
proposés à la clientèle sur le parcours même de
la finale. Maintenant qu’elle est connue et reconnue,
l’Estafette peut commencer sa brillante
carrière, qui durera vingt et un ans pour une production
totale de 533 209 véhicules. Elle sera
remplacée par le Trafic (tiens, tiens…) dont le
projet sera piloté par GGG et un certain Gilles
Guilloteau. Cinq G à eux deux : l’Histoire s’accélère
? YVES DUBREIL, RENAULT HISTOIRE
Si le fourgon Goélette
(à l’arrière-plan)
lancé juste après-
guerre avait su séduire
les professionnels par
sa fiabilité, l’Estafette
s’est révélée infiniment
plus pratique.
Le nom Estafette
désigne un militaire
chargé de la
distribution des
messages. Le fourgon
excellait dans
celle des colis avec
arrêts fréquents.
L’Estafette mena une brillante
carrière vingt et un ans durant
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