2018-09 : INNOVATION - Quand Renault impose la sécurité réelle

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HISTOIRE

INNOVATION

Quand Renault impose

la sécurité réelle

Pionnier dans le domaine de la sécurité, Renault a toujours

fait preuve d’une démarche personnelle privilégiant

l’expérience à la norme arbitraire, pour offrir la meilleure

sécurité à tous les usagers, dans tous les cas de figure.

L

L

a renaissance de Renault après la

guerre, dans le contexte politique

très particulier de la Libération, en

a fait très rapidement une vitrine et

un laboratoire social. C’est à ce

titre que Pierre Lefaucheux embauche

Alain Wisner, médecin et

ergonome, début novembre 1954 pour qu’il travaille

sur les conditions de travail des ouvriers et

sur la conception de voitures plus sûres. C’est

dans cette perspective que le Laboratoire de

physiologie et de biomécanique est créé fin

1954. Claude Tarrière, qui deviendra « Monsieur

sécurité » chez Renault, le rejoint en 1959 et

remplacera Alain Wisner à son départ en 1962.

Ce laboratoire développera l’ergonomie dans

deux grandes directions, celle des conditions de

travail — avec une étude remarquable sur la pénibilité

des postes de travail en fin des années 60

— et celle de l’ergonomie de conduite, qui nous

intéresse plus spécifiquement ici. Elle comprend

notamment la vigilance et la biomécanique des

chocs, autrement dit la sécurité active et la sécurité

passive des automobiles. Né sous l’égide de

Renault, ce laboratoire sera ensuite partagé avec

Peugeot dans le cadre de « l’Association » à partir

de 1966.

Omniprésent dans notre vie quotidienne, le souci

de la sécurité routière n’en a pas toujours été un.

Il a fallu un électrochoc médiatique outre-Atlantique

pour que le grand public prenne conscience

de l’importance de cet enjeu. Fin novembre 1965,

Ralph Nader, un jeune avocat américain, publie

un livre, Unsafe at any speed, où il dénonce la

passivité et le laxisme des pouvoirs politiques et

des « Big Three » (General Motors, Ford et

Chrysler) vis-à-vis du problème de la sécurité

routière. Il dénonce en particulier la Chevrolet

Corvair pour sa tenue de route hasardeuse et

son freinage défaillant, et la Ford Pinto pour la

localisation dangereuse de son réservoir… dans

le pare-chocs arrière! Le scandale est énorme,

surtout lorsqu’on apprend que le faisait surveiller

étroitement l’avocat dans le but de compro-

La Renault Laguna II

est la première voiture

à s’être vu octroyer

5 étoiles par

l’EuroNCAP.

mettre sa réputation. Mais Ralph Nader persiste

et signe. À partir des statistiques, il va lister les

types de blessures suivant la partie de la voiture

heurtée par le corps: tableau de bord, volant,

pare-brise… Très vite, il pointe du doigt la problématique

de l’éjection des occupants lors d’un

accident et relève à cet égard l’utilité des ceintures,

soulignant la bien meilleure efficacité des

ceintures trois points par rapport aux simples

ventrales dérivées de l’aviation. Il remet en cause

les châssis en X dans les cas de choc latéral, et

complète le tout par une attaque en règle sur la

pollution des gaz d’échappement causant le

« smog » sur la région de Los Angeles.

L’État américain, ne pouvant rester sans rien

faire, crée une administration dédiée à la sécurité

routière: la NHTSA (National Highway Traffic Safety

Administration).

Des réglementations arbitraires

Sans attendre de mieux connaître et comprendre

les accidents réels, les nombreux ingénieurs recrutés

vont commencer à proposer des réglementations

arbitraires, des normes de dessin

non reliées à l’obtention d’une performance

mesurable…

Pendant ce même temps, un colonel de l’armée

de l’air — J.P. Stapp — fait des expérimentations

spectaculaires au sol sur les limites de la résistance

des humains aux fortes accélérations. Il

réunit tous les ans une conférence internationale

pour recueillir un maximum d’informations sur ce

sujet. Grâce à la masse d’informations recueillies

par ses enquêtes sur les accidents réels dans le

cadre du laboratoire Renault, Claude Tarrière va

devenir un participant actif de ces conférences,

grâce également à un prototype de véhicule de

sécurité, le BRV, qui sera testé avec succès à

80 km/h contre une barrière fixe dans un laboratoire

américain.

Devant la menace de voir naître une réglementation

plus rigide qu’efficace, inspirée par l’offre

américaine, le directeur du bureau d’études Renault,

Yves Georges, convainc sa direction de

mettre en place des moyens importants pour

comprendre ce qui se passe exactement lors

des accidents. Cela afin de définir des solutions

efficaces pour protéger vraiment les occupants.

Une petite équipe de hautes compétences (sous

l’autorité de Philippe Ventre et de Jacques

Lacambre) est mise en place pour traiter ce

problème de connaissance et de compréhension

de ce qui se passe réellement dans les accidents

de la route.

Parmi les conclusions initiales, elle souligne

Avant de disposer de mannequins suffisamment

représentatifs, Renault n’a pas hésité à utiliser de

vrais cadavres pour étudier l’impact des chocs sur

le corps humain.

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SEPTEMBRE2018

.

Renault a embauché un médecin pour travailler

sur la sécurité de ses véhicules dès 1954

Crédibilité

outre-Atlantique

Renault a participé au programme américain

ESV (Experimental Safety Vehicles) et présenté

dans ce cadre, en 1974, le prototype BRV (Basic

Research Vehicle). Il regroupait toutes les

avancées du constructeur français en matière

de sécurité et fut confié aux mains

intransigeantes du NHTSA, qui lui fit passer

l’épreuve du crashtest. Les excellents résultats

du test réalisé à 80km/h contre un mur à 30°

permirent au Losange d’être reconnu et admis

comme un interlocuteur sérieux.

qu’on peut trouver des personnes tuées dans

des véhicules peu déformés et inversement, des

blessés légers dans des véhicules détruits; que

le choc purement frontal est rare, et les chocs

décalés sont plus sévères car les structures sont

sollicitées partiellement; que beaucoup de blessures

peuvent être invalidantes sans être mortelles

(genoux, pieds…) même si l’impact à la

tête demeure le plus préoccupant. Enfin, l’importance

du pare-brise feuilleté apparaît très vite.

Théorie et expérimentation

Un énorme travail théorique et expérimental va

être développé par Renault pour comprendre les

causes réelles des blessures graves et des cas

de mortalité. Le constructeur s’équipe à Lardy

d’un centre d’essais d’impacts, référence internationale.

Renault y réalise ses crash-tests sans

oublier d’y évaluer la compatibilité entre véhi-

Lardy est depuis

toujours à la pointe

du progrès pour

reproduire les

accidents en

laboratoire. Ici, une

préparation au

choc entre R15 et

R17, en 1974.

La R5 paraît frêle par rapport

à l’énorme Ford Zephir.

cules de gabarits très différents. Une petite R5

(d’origine et puis renforcée) est notamment

crashée contre une Ford Zephir, très raide et

deux fois plus lourde (voir photos ci-dessus)!

Par ailleurs, Renault utilise une particularité d’une

loi française, autorisant à faire de son vivant don

de son corps à la science, pour mieux modéliser

la biomécanique du corps humain et ainsi améliorer

la représentativité des modèles. Autrement

dit, il s’agit de faire des crash-tests avec des cadavres

spécialement préparés par les équipes

médicales placés dans les voitures. Une pratique

parfaitement cadrée qui a fait grincer des dents

et valu une agitation temporaire dans la presse à

scandale de l’époque (Le Meilleur), mais qui a

très certainement contribué à sauver des vies.

Dès la fin des années 60, le laboratoire commence

une étude détaillée et multidisciplinaire

des accidents réels avec trois dossiers: l’en

quête sur place par la gendarmerie, le volet médical

(en particulier par l’hôpital de Garches) pour

tous les occupants et enfin le dossier technique

fait par les ingénieurs spécialisés de Lardy.

10000 accidents analysés!

Cette enquête colossale (plus de 10000 accidents

analysés!) a doté Renault d’un regard particulièrement

éclairé sur la sécurité automobile,

lequel lui a permis de prendre un certain nombre

de décisions unilatérales visant à améliorer la

sécurité réelle dans ses véhicules. On pense aux

ceintures avec limiteur d’effort, puis prétensionneurs,

au positionnement des ancrages inférieurs

sur les sièges; à la prise en compte du

« sous-marinage », allant même jusqu’à mettre

un dispositif pyrotechnique sur le siège passager

avant du coupé Mégane I; à la zone d’impact

des boucliers avant abaissée pour éviter les

genoux des piétons; à la prise en compte de

la compatibilité entre véhicules de gabarits

différents…

In fine, Renault fut récompensé de tous ses

efforts en obtenant la première certification

5 étoiles Euro NCAP pour la Laguna II en 2001.

Le deuxième véhicule à l’obtenir fut la Mercedes

classe C près de deux ans plus tard. Le service

publicitaire Renault s’était alors fendu d’un amical

« Bienvenue au Club! » dans une campagne

qui anticipait l’esprit French Touch.

YVES DUBREIL POUR RENAULT-HISTOIRE

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