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HISTOIRE
25e ANNIVERSAIRE
8 recettes pour
réussir une Twingo
Il y a quelque
chose de joyeux en
Twingo ! Peut-être
parce qu’elle a été
conçue avec
beaucoup de
bonne humeur.
Maintenant que vingt-cinq années
se sont écoulées, on peut établir
la liste des recettes mises en
oeuvre sur Twingo, puis reprises
pour l’essentiel sur Logan et Kwid.
Pour « Synchro », le directeur de
projet de Twingo s’est mis dans
la peau d’un « Top Chef ».
Un P.-D.G. personnellement
impliqué
Dans ces trois projets, le soutien du P.-D.G. au
directeur de projet a été ferme et constant, y
compris contre la grande majorité des acteurs de
l’entreprise. Cela a permis aux responsables de
ces projets de remettre en cause les règles et
pratiques habituelles de tous. Par exemple, pour
le choix de style qui faisait grande polémique et
opposition au marketing, le directeur du design
Patrick le Quément avait conseillé dans un courrier
au P.-D.G. de « préférer un design instinctif à
un marketing extinctif ». Celui-ci l’a soutenu en
répondant en marge : « Tout à fait d’accord, on y
va ! »
De plus, ces remises en cause ont été étendues
à tous les secteurs de l’entreprise, de l’extrême
amont (architecture et contenus) jusqu’aux pratiques
industrielles et commerciales, sans oublier
les outils de pilotage. On peut noter en particulier
une gestion économique libérée de la dictature
du PRF (prix de revient de fabrication), au profit
d’indicateurs de coût complet, comprenant
l’amortissement des moyens de production,
mais aussi des frais d’études et des « frais de
démarrage ».
Mettre du désordre,
faire bouger les lignes
Cette relation directe entre le P.-D.G. et le directeur
de projet a supposé une remise en cause
des processus de décision, étant inclus tous les
grands comités « Théodules » qui se clôturent
sur des consensus mous et fleurissent de plus
en plus dans les entreprises. Raymond Lévy
avait montré la voie en annonçant que, sur Twingo,
les décisions ne seraient pas prises dans ces
comités mais dans des réunions très restreintes
entre lui, le responsable projet et le responsable
du métier concerné, en informant ensuite les comités
traditionnels des décisions prises.
Ce fut pour conserver ce processus spécifique et
éviter de rentrer dans le rang des habitudes de
l’entreprise que la direction de projet demanda à
la stupeur générale de réduire le planning de six
mois lors de la réunion de direction générale qui
valida le projet 06 désignant Twingo. Dans les
projets en rupture, il faut mettre du désordre pour
faire bouger les lignes, mais du désordre fécond
au service d’un objectif apte à créer de la valeur
et du sens.
Pas de projet réussi sans
une opposition forte
« On ne s’appuie bien que sur ce qui résiste »,
disait André Malraux. Dans le cas de Twingo, c’est
Louis Schweitzer en particulier qui a joué le rôle
d’avocat du diable, non par opposition de principe
au projet ou au concept, mais pour rappeler
qu’il fallait faire en sorte que le projet mérite et justifie
la dépense initiale de 4 milliards de francs.
De la même façon, lors d’un benchmarking ultérieur
sur le développement des projets, on s’est
rendu compte que l’absence de confrontation
était la caractéristique commune de tous les projets
loupés. Et, dans le cas Twingo, la confrontation
la plus féconde était celle entre volontarisme
et réalisme. La chance a voulu que cette confrontation
forte mais amicale soit personnalisée par
les n° 1 et 2 du projet, moi-même, Yves Dubreil,
et mon second Alain Cabanes, et cela devant
tous les acteurs concernés.
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Yves Dubreil, le directeur du projet, prend la pose,
bretelles en étendard, à la naissance de son bébé.
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.
Un management
sociologique
Célèbre professeur de gestion à
l’École des mines de Paris, Claude
Riveline aime décrire le fonctionnement
des entreprises comme « des
tribus avec leurs mythes et leurs
rites ». Sans le savoir, on avait sur le
projet Twingo appliqué la leçon du
professeur Riveline, tout d’abord en
signifiant l’appartenance à la étude
par un pin’s « Projet 06 ». Il a fallu que
je résiste à la pression de beaucoup
qui voulaient le porter pour supporter
ainsi le projet, mais sans être membre
de la tribu 06.
Quant au mythe, il était tout trouvé,
réaliser
un objectif impossible : « L’auto
qui n’existait pas. » Et enfin, pour les
rites célébrant le mythe, nous avions
tous les mois une « AG » du programme
où on informait tous les acteurs de l’état
d’avancement.
Et le plaisir, dans tout
cela ?
À l’occasion de son départ en retraite, Jacques
Lacambre, ancien patron de l’Ingénierie, avait raconté
qu’à l’époque du projet Twingo, il y en
avait un autre en gestation dans le même bâtiment,
de l’autre côté d’un couloir : « Et, si vous
vouliez savoir où se trouvait le projet Twingo, il
suffisait d’écouter d’où venaient les rires ! »
Une publicité
qui voit loin
Dès le départ, le cahier des charges de la publicité
excluait la bande dessinée ou le dessin
animé
: risque d’alimenter une image de voiture-
jouet, pas une vraie voiture. À partir de ces
contraintes, Publicis a travaillé, mais dans
les procédures habituelles avec force comités
traditionnels : la volonté de travailler autrement
s’était arrêtée à la porte du marketing. Et,
comme les méthodes habituelles ne débouchaient
sur rien de très enthousiasmant,
avec la complicité de Philippe
Gamba, directeur du marketing,
on a repris l’agence en leur disant : « Oubliez tout
ce qu’on vous a dit ! Oui, oubliez toutes les
contraintes et les souhaits des uns et des autres,
on va vous faire essayer la voiture longuement, et
pondez-nous quelque chose dont on pourra
dire : “Cette pub, elle ne pouvait être faite que
pour cette auto !” » Et cela a donné la pub 100 %
dessins « Petit-Roulet » et son claim visionnaire,
« À vous d’inventer la vie qui va avec ! », qui préfigurait
les objets connectés actuels.
Elle fut un succès, sauf en Europe du Sud, en
particulier en Espagne, où des clients nous ont
durement reproché de parler comme ça d’une
voiture.
Les « contraintes » des
marchés
Lors de nos contacts avec la filiale espagnole
FASA, on nous suppliait de sortir une Twingo
blanche au prétexte que ce marché était à 60 %
fait de voitures blanches. Les tests nous ayant
montré que les couleurs vives faisaient partie intégrante
du concept et que, de plus, l’Espagne
n’était pas un marché favorable à ce genre de
produit décalé, on a répondu à la FASA que
les clients de Twingo étaient justement dans
les 40 % du marché qui ne voulaient pas de
blanc ! Une fois l’image de Twingo établie, on
avait bien l’intention (et on l’a fait) d’ouvrir la
palette de Twingo au blanc, en particulier pour
des flottes.
Les accessoires utiles et
futiles
Twingo a été l’occasion de mettre en place une
politique dynamique d’accessoires et d’objets
de merchandising où l’utile côtoya avec bonheur
le futile. On avait besoin de protéger les tôles
extérieures de porte, mais on ne pouvait pas se
payer des baguettes ton caisse, et les baguettes
grises auraient fait mal sur les photos. On a
donc décidé de les vendre en accessoires, mais
en réduisant drastiquement les marges pour essayer
de tabler sur la quantité. Ça a été un grand
succès avec 60 % de monte et de bonnes
marges cumulées, sans oublier une rotation de
stocks très « dynamique » !
Compte tenu des habitudes vestimentaires du
directeur de projet, on a proposé, parmi les objets
de merchandising, une paire de bretelles
« Pylones » très colorées reprenant les éléments
graphiques de Twingo. Je me souviens d’une
prérévélation de Twingo à Aubevoye pour le
« Club des 50 » où les participants se sont vu
remettre une paire de ces bretelles. Spectacle
extraordinaire à la fin du repas où tous les
concessionnaires présents aidaient
leurs collègues
à s’équiper de celles-ci. Malheureusement,
je ne crois pas qu’il ait eu de photos de ce
moment très convivial.
En moins d’un an, on a vendu plus de
2 400 paires de ces bretelles !
YVES DUBREIL POUR RENAULT HISTOIRE
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La très emblématique campagne publicitaire signée
par le dessinateur Petit-Roulet n’aurait
paradoxalement jamais dû voir le jour. Le cahier
des charges initial excluait en effet tout recours à
la bande dessinée ou au dessin animé...
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« Si vous vouliez savoir
où se trouvait l’équipe
du projet Twingo, il
suffisait d’écouter d’où
venaient les rires »
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SYNCHRO
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Sophie Cutrim, Yves Dubreil, Mathilde Roullier, François Rouget.
IMPRESSION : Maury. ISSN : 02955806 DÉPÔT LÉGAL : à parution
Synchro est un magazine destiné au réseau Renault.
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JUILLET2016 I 43
JANVIER2016 I 43
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