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42 I JUILLET2017
HISTOIRE Alpine
ALPINE « BERLINETTE »
À l’origine du mythe
Ancien patron de la compétition
Alpine qu’il mena au titre mondial
des rallyes, Jacques Cheinisse est
un témoin privilégié de la
naissance de la « Berlinette ». Il a
pris la plume pour « Synchro ».
Jean Rédélé, ici dans
l’usine historique de
Dieppe, était un tel
esthète qu’il pouvait
guider les évolutions
de carrosserie de
ses voitures sans
avoir recours à l’aide
d’un styliste.
la vue de la ligne harmonieuse,
intemporelle de la
berlinette « adulte »,
celle des années 70
que nous connaissons le plus
aujourd’hui, on imagine que c’est le résultat du
coup de crayon magique d’un designer particulièrement
inspiré tant elle apparaît homogène.
La vérité est pourtant tout autre : cette auto
est l’heureux aboutissement d’une quantité incroyable
de modifications menées durant douze
ans environ, sans designer attitré, mais sous
le contrôle exigeant d’un patron esthète, Jean
Rédélé. Celui-ci avait gardé le démon de la
course automobile après avoir été l’un des meilleurs
pilotes de sa génération, et c’est tout naturellement
à l’adresse d’une clientèle de pilotes de
rallye qu’il a créé sa société Alpine en 1955.
Mais revenons à l’origine de la « Berlinette » présentée
au salon de Paris 1960. Symptomatique
du fonctionnement de la maison Alpine, elle n’est
pas née d’une feuille blanche mais d’une succession
de mutations en cascade de modèles
existants. Ainsi, la « Berlinette » est une évolution
du « Coupé Sport » Alpine, lui-même issu de la
simple greffe d’un hard-top du « Cabriolet » deuxième
série. Celui-ci venait de recevoir une modification
aussi importante que discrète, puisque
sous la robe se trouvait enfin un vrai châssis spécifique
s’affranchissant de la plateforme de la
4 CV Renault (qui avait prévalu sur les premières
Alpine). Cette « Berlinette » de 1960 était pour
Jean Rédélé la vraie Alpine, taillée pour la compétition
: c’est le point de départ d’une glorieuse
épopée qui devait conduire le jeune constructeur
à remporter le championnat du monde des rallyes
en 1971 et 1973, devant des concurrents
aussi puissants que Porsche, Lancia HF, Fiat
Abarth, Ford, Austin, Jaguar, Alfa Romeo. Mais il
y avait du chemin à faire, et cette version basique
devait subir moult évolutions mécaniques pour
en arriver là. Ce sont les changements de moteur
qui commandaient généralement ces profondes
modifications de carrosserie. Et, ce qui est remarquable
dans le cas Alpine, c’est la symbiose
que la petite équipe dieppoise a su développer
entre design et mécanique !
En seulement deux ans
On part donc en 1960 d’une « Berlinette » type A
108 motorisée par le 850 cm3 de la Dauphine
pour arriver à la A110 de 1962 qui deviendra mythique.
En seulement deux ans, Alpine conçoit et
construit une « Berlinette » nouvelle à 90 %. La
carrosserie Alpine étudiée au plus près de la collection
Renault doit intégrer une mécanique
beaucoup plus encombrante. Issu de la R8, le
nouveau moteur « Cléon fonte », à cinq paliers
au lieu de trois, de 950 à 1 100 cm3 au lieu de
850, prend sensiblement plus de place, sans
compter qu’il faut intégrer un refroidissement très
différent comportant un radiateur d’eau reporté
derrière le moteur et non devant. Renault ayant
eu la bonne idée d’en dériver une version réellement
sportive, la géniale R8 Gordini, Alpine peut
enfin bénéficier d’un moteur plus compétitif et
d’une nouvelle boîte cinq vitesses. De ce moteur,
le préparateur Mignotet parvient à tirer 135 puis
150 ch. C’est mieux, mais toujours loin des
chiffres de la concurrence. C’est grâce à la légèreté
de la « Berlinette » et à sa proverbiale maniabilité
que ses pilotes, très motivés, parvenaient à
combler ce handicap et même à remporter des
premiers succès internationaux.
En 1968, une transformation importante est apportée,
indépendamment des impératifs mécaniques.
Premier
engagement
en course
« En 1963, j’ai eu le redoutable privilège d’engager une “Berlinette”
A110 personnelle au Tour de France automobile et de finir premier des
Alpine alors que c’était sa première participation en rallye ; l’équipe
officielle courait encore en A108. L’auto pesait 560 kg, son moteur
1 000 cm3 développait 90 ch, et ça avait fait sensation ! Dix ans après,
la « Berlinette », toujours
A110, avec une
structure très proche,
pèse 700 kg, développe
175 ch et gagne le
championnat du monde
des rallyes. » J. C.
L’A110 engagée par
Jacques Cheinisse en
1963 ne dispose pas
encore des quatre phares
si caractéristiques.
.
Depuis l’origine de la « Berlinette », les
pilotes se plaignaient d’un mauvais éclairage.
Quatre projecteurs supplémentaires avaient alors
été fixés sur une barre extérieure, mais c’était
lourd, pas très fiable et surtout fragile en cas de
petit choc. Il fut donc décidé de redessiner le
bloc avant de la voiture en intégrant « proprement
» (c’était la consigne de l’esthète Jean
Rédélé)
deux projecteurs longue portée supplémentaires
tout en augmentant le diamètre des
phares principaux. Cette modification relativement
bénigne a complètement renforcé l’aspect
de la voiture : c’est devenu la « bouille » de
l’Alpine-
qui-gagne ! Au point que, quelque cinquante
ans plus tard, c’est le principal trait
caractéristique que les jeunes designers ont retenu
sur la nouvelle « Berlinette » dite A110. Parmi
les autres évolutions directement issues du rallye,
on peut également retenir l’ouverture d’alimentation
en air du radiateur pratiquée dans la
proue par le service de course, sans l’autorisation
formelle de Jean Rédélé, toujours rétif à ce
genre de « mutilations ». Une ouverture qui a finalement
été reprise subrepticement en série…
Développer le moteur de la R16 TS
Quand Renault a pris la décision, douloureuse
pour Alpine, d’abandonner l’architecture propulsion/
moteur arrière pour passer à la traction
avant/moteur avant avec les R12 et R16, c’était
pratiquement un cas de divorce. Car il n’était pas
question de suivre le mouvement. Par contre, la
« Berlinette », toujours à la recherche de plus de
puissance, se voyait bien adopter le moteur
1 560 cm3 (Cléon Alu) de la R16 TS, qui développait
déjà 83 ch. Et les concepteurs pensaient
qu’en course on pourrait en tirer jusqu’à 150 ch.
Donc le chantier de l’intégration de ce moteur fut
rapidement décidé mais difficilement mené. Encore
une fois, cet organe était notablement plus
encombrant et, bien qu’en alu, plus lourd. Les
pilotes ont peiné en trouvant l’équilibre de l’auto
différent et une amélioration globale de l’efficacité
problématique. Cela ne les a pas empêchés de
commencer cette saison 1971 en trombe en réalisant
le premier triplé gagnant au Monte-Carlo
et de remporter le championnat international, qui
n’avait pas encore droit au label championnat du
monde. Puis Mignotet, notre sorcier moteur, a
développé une version 1 800 cm3 de 175 ch sur
le même bloc et même 1 960 cm3 pour 200 ch.
Et c’est ainsi que la saison 1973, comme celle de
1971, a commencé par un triplé gagnant à
Monte-Carlo, pour finir par la couronne mondiale
: incontestablement, la « Berlinette » était la
meilleure voiture de rallye de ces années.
JACQUES CHEINISSE POUR RENAULT HISTOIRE
Lancée en 1962, l’Alpine A110 fut
produite jusqu’en 1977, millésime de
ce modèle 1600 SX.
Jusqu’à sa dernière
évolution, l’habitacle de
l’Alpine « Berlinette »
resta fidèle à
l’ambiance course.
Les changements
de moteur
commandaient
les modifications
de carrosserie
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