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HISTOIRE
DAUPHINE
La belle héritière
Imaginée par le
carrossier italien Ghia,
la prise d’air latérale
donne beaucoup de
caractère à l’auto, par
ailleurs dessinée par
les stylistes Renault.
La Dauphine a 60 ans. Retour sur la genèse de celle qui a eu la lourde
responsabilité de succéder à la reine du marché, la 4CV. Une destinée
qui lui a valu son patronyme, parfaitement assumé : Dauphine.
D
D
urant la seconde guerre mondiale,
Renault pense à l’avenir.
Cet avenir sera celui de la production
de masse. Un projet
en rupture avec les luxueuses
Renault des années trente. Ce
virage vers l’automobile populaire
a déjà été amorcé et envisagé outre-Rhin
avec la célèbre Coccinelle et par Citroën avec
ses premiers prototypes de 2CV. Renault répond
avec la 4CV, présentée en 1946 et lancée
en 1947. Mais, dès 1949, au cours d’une
conversation dans un restaurant parisien, le patron
de Renault, Pierre Lefaucheux, explique à
son directeur des études, Fernand Picard, que
la 4CV a sa place dans le contexte d’aprèsguerre
mais qu’un jour elle ne conviendra plus
au consommateur français, lequel voit son niveau
de vie augmenter chaque année. Cette
anecdote montre bien que, dans l’esprit du patron,
la 4CV était un « produit d’immédiate
après-guerre » et devait rapidement faire place à
sa… Dauphine. De fait, très vite, les Français aspirent
à une auto plus grande, moins spartiate,
plus valorisante pour son propriétaire. Mais les
contraintes imposées aux concepteurs de la
Dauphine sont draconiennes: ils doivent utiliser
un maximum d’éléments de la 4CV, afin de réduire
les coûts. L’outil industriel sera modifié au
juste nécessaire pour permettre de faire évoluer
le produit tout en augmentant fortement les
capacités de production. C’est en juillet 1951
que démarre l’étude technique du modèle. Plutôt
que de créer, les mécaniciens doivent se
concentrer sur l’optimisation des performances
et les coûts de l’existant, renouant ainsi avec
une pratique chère à Louis Renault. En revanche,
carrossiers et stylistes partent d’une
feuille blanche pour dessiner une carrosserie attractive,
résolument en rupture avec la 4CV, tout
en récupérant un maximum d’éléments de cette
dernière et en s’en accommodant! La figure imposée
est de reprendre à 100 % la base roulante
de la 4CV, c’est-à-dire, en gros, 60 % du coût et
du poids de l’auto.
Optimisation des volumes
Seules les modifications indispensables seront
faites pour obtenir les prestations nouvelles ou
améliorées qui feront l’identité de la Dauphine:
habitabilité, volume de coffre et design. La longueur
supplémentaire (282 mm) est utilisée
majoritairement au profit du coffre. Ainsi le
Par rapport à la 4CV,
le gain en habitabilité
est spectaculaire.
42 I NOVEMBRE2016
.
La Dauphine reprend
la mécanique et le
châssis « tout à
l’arrière » de la 4CV.
La Dauphine reprend
la mécanique et le
châssis « tout à
l’arrière » de la 4CV.
Élégante et raffinée, la Dauphine rencontre les
aspirations des Français, qui voient leur niveau de
vie augmenter durant les Trente Glorieuses.
porte-à-faux avant prend à lui seul 200 mm, car
le coffre se situe bien sûr à l’avant, comme sur
la 4CV. L’empattement augmente pour agrandir
l’habitacle, mais aussi pour reculer le poste de
conduite, toujours dans l’optique de gagner un
peu de coffre. Enfin, le porte-à-faux arrière
supplémentaire est purement esthétique, afin
d’équilibrer l’avant et l’arrière. La largeur hors
tout s’accroît, mais le plus spectaculaire est la
largeur habitable: + 230 mm entre les pieds milieu!
Ces accroissements de volumes se feront
avec une augmentation maîtrisée de la masse:
environ 40 kg en moyenne.
Beaucoup de détails à régler
Le premier prototype est terminé en juillet 1952.
Une vingtaine d’autres lui succéderont. Ils rouleront
tour à tour sur les pistes du centre d’essais
de Lardy et sur les routes d’Europe jusqu’à
totaliser 2 millions de kilomètres. S’ils ne rencontrent
aucun problème de fiabilité, beaucoup
de détails restent à régler : le silence de fonctionnement
souhaité n’est pas au rendez-vous,
l’étanchéité à la poussière n’est pas satisfaisante
alors même que l’aération de l’habitacle
reste perfectible. De surcroît, à la suite d’un
essai comparatif avec la Coccinelle de Volkswagen,
décision sera prise d’augmenter la
cylindrée pour gagner en performances. Elle
passera ainsi de 748 à 845 cm3, la Dauphine
devenant ainsi une… 5 CV. La puissance s’établira
aux environs de 30 ch et atteindra 55 ch
avec la version sportive la plus évoluée, la
1093. La mécanique est accouplée à une boîte
manuelle à trois rapports sur la version standard.
Elle gagnera un rapport supplémentaire
en fin de vie, en 1964. Plus original, un embrayage
automatique électromagnétique sera
proposé en option entre 1957 et 1962. Un
double contact électrique sur le levier de vitesses
permet de débrayer puis de réembrayer
lorsqu’on change de rapport, sans intervention
du pied gauche. En 1962, elle sera équipée
d’une boîte robotisée, avec commandes par
boutons-poussoirs (1-2-D-N-R).
Sans être pléthoriques, certains équipements
apparaissent sur la Dauphine: ils deviendront
par la suite de véritables standards, comme le
lave-glace ou les dossiers inclinables. Au final, la
Dauphine fut produite à 2150738 exemplaires,
soit le double de la 4CV.
MICHEL JULLIEN POUR RENAULT HISTOIRE
L’aventure américaine
Devant le succès de la Dauphine en France et à
l’étranger, les sirènes de l’Amérique se feront
entendre jusqu’à Billancourt. Et puis une des
principales concurrentes, la Coccinelle, accomplit
là-bas des exploits… Alors Renault se lance dans
l’aventure. Tout commence comme un conte de fées.
Expédiées par cargos entiers vers le Nouveau Monde,
les petites voitures rec¸oivent d’abord un accueil
empreint de curiosité pour le « charme franc¸ais ».
Renault s’installe à New York sur Park Avenue et
envisage un avenir rayonnant. La revue The Motor ne
dissimule-t-elle pas son enthousiasme face à
« la plus jolie quatre-places du monde » ? La petite
Renault est la coqueluche des magazines de mode.
Ainsi, en novembre 1959, le célèbre Playboy montre
une Dauphine en charmante compagnie. En 1959,
Renault réussit à immatriculer 90 536 véhicules, soit
25 % de la production totale. Mais, très vite, le
produit s’avère inadapté aux conditions d’usage
extrêmes rencontrées sur le continent américain:
les plastiques se décolorent au bout de deux ans
sous le soleil brûlant du Texas, tandis que des traces
de rouille apparaissent au bout de quelques mois
dans la moiteur des bayous en Louisiane… Le
réseau, largement sous-dimensionné, très mal
préparé et mal formé, ne peut pas faire face. Renault
Inc. vend, en 1960, 62772 Dauphine, soit 31 % de
moins que l’année précédente, alors que Volkswagen
augmente les ventes de sa Coccinelle de 34 %. Il y a
60000 véhicules en stock. Ils seront renvoyés en
France et reconditionnés pour être vendus en Europe.
L’aventure américaine a vécu.
JUILLET2016I43JANVIER2016 I 43
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