2015-09 : RENAULT 16,
la liberté de réussir
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HISTOIRE
RENAULT 16
La liberté de réussir
Les premières livraisons de
celle qui deviendra l’icône des
« voitures à vivre » eurent lieu
il y a tout juste cinquante ans,
soit vingt ans avant l’inventionde l’emblématique slogan. De
fait, sa gestation tient plus de
l’intuition que du marketing.
L
L
orsque Pierre Dreyfus, P.-D.G. de
Renault depuis 1955, s’attaque à
la construction d’une véritable
gamme pour capitaliser le succès
de la 4CV, la question du haut de
gamme se pose avec d’autant
plus de force que la Frégate,
sortie fin 1951, est venue buter contre la concurrence
de la DS 19 et la crise de Suez en 1956.
Un premier projet nommé 114 démarre en 1958
sur la base d’une maquette tricorps-limousine, à
l’architecture classique et au design massif
supposé plaire au marché américain. Mais le
repli de Renault des États-Unis, après les problèmes
de la Dauphine, conduit Pierre Dreyfus à
arrêter net ce projet à la rentabilité douteuse. On
se retrouve donc début 1961 devant une page
blanche concernant le futur du haut de gamme
de Renault.
Pierre Dreyfus exprime clairement le choix d’une
cible « moyenne-supérieure » pour réduire le fossé
avec les très nombreuses Renault en circulation
(4CV et Dauphine) ou projetées (Renault 8) et
ainsi en faciliter l’accès à leur propriétaire désireux
de monter en gamme. Son état-major
concocte pour le projet 115 un cahier des
charges extrêmement concis (il tient en une page
A4). Il part du constat de l’arrivée tardive de
Renault sur un segment déjà bien occupé par
Peugeot, Ford et Opel, avec des berlines tricorps
classiques, assorties de breaks volumineux. Or
l’analyse montre qu’il existe une clientèle potentielle
de cadres et de travailleurs indépendants
plutôt jeunes qui recherchent une voiture polyvalente
adaptée à de nouveaux usages (loisirs,
résidence secondaire, déplacements en famille,
transport d’objets divers…), sans renoncer à
l’élégance et au confort d’une berline. L’offre
existante répond mal à leurs attentes. Les berlines
ne sont pas assez fonctionnelles et les
breaks sont trop utilitaires: « Les familles clas
siques resteront sur la 404. Par son style, décrète
Pierre Dreyfus, la 115 sera une voiture de
conquête. C’est tout ce qu’il nous faut, de la différence,
de la singularité. » Plus une voiture pour les
accédants au milieu de gamme supérieur que
pour les renouvelants.
Pour répondre à cette cible dans les meilleurs
délais, Yves Georges (directeur des Études) rassemble
autour de lui de jeunes cadres, qui d’ailleurs
sont des clients potentiels de ce futur
véhicule. Ce qui fait de la Renault 16 une entorse
majeure au principe recommandant de se méfier
des ingénieurs qui imaginent un produit adapté à
leurs goûts et besoins.
« Des papiers et des dessins… »
Dans une interview du 21 décembre 2004, Yves
Georges se souvient d’être parti en congés
d’été en 1961 avec « des papiers et des dessins »
de ses collaborateurs. Les idées décantent
durant ses vacances et, à son retour, le concept
prend forme: une plate-forme traction avant
avec une architecture (GMP longitudinal avec
boîte de vitesses à l’avant et trains à grande flexibilité)
extrapolée de la R4, un nouveau moteur
(le 6 cylindres en ligne de la 114 amputé de deux
cylindres), un style distinctif avec une caisse
ouverte sur l’arrière et un plancher plat pour
permettre le chargement d’objets encombrants
et un aménagement intérieur offrant pas moins
de sept combinaisons, dont le transport d’objets
encombrants et les couchettes.
La R16 invente la modularité intérieure,
qui deviendra vingt ans plus tard un élément
clé de signature de la marque Renault:
des « voitures à vivre ».
Le styliste Gaston Juchet fait partie des jeunes
cadres Renault qui ont imaginé la R16 en cherchant
une réponse à leurs propres envies et besoins
automobiles, en rupture avec la tradition.
En plus des multiples possibilités d’aménagement
intérieur, la Renault cumule les innovations.
Pour compléter le confort de suspension, une
variante aboutie des sièges développés pour la
Renault 8 est adoptée. Elle offre un confort d’accueil
bien souple et un très bon maintien latéral.
Dans le domaine pratique, la Renault 16 reprend
les innovations de la Renault 4 (circuit scellé de
refroidissement, graissage « à vie », sécurité enfants
aux places arrière…) et sera équipée d’un
alternateur (innovation sur le marché européen)
qui permettra la multiplication des équipements
de confort: lève-vitres électriques, condamnation
centrale des portes, essuie-lunette arrière…
42 I SEPTEMBRE2015
.
Aérodynamique appliquée
G. Dalboussière, un des ingénieurs ayant travaillé sur les essais de la Renault 16 avait observé, en revenant
d’un séjour à la montagne, que sa Renault 16 roulait plus vite avec des skis sur le toit, spatules à l’arrière
vers le bas. Il voulut en avoir le coeur net et inventa ainsi le fameux spoiler sur l’arrière du pavillon de la R16,
qui permit d’améliorer significativement la performance de la R16 TX.
En plus de la modularité qui a
fait sa réputation, la R16 offrait
un compromis confort/tenue de
route exceptionnel, supérieur à
celui de la Citroën DS.
Enfin, la Renault 16 sera proposée en 1969 avec
une boîte automatique très innovante pilotée par
l’électronique, ce qui permet des prestations
exceptionnelles.
Après la présentation officielle au salon de
Genève en mars 1965, les premières livraisons
auront lieu en juin.
Le 3 février 1966, la R16 reçoit le trophée de
“Voiture de l’année 1965”, couronnement d’un
lancement presse particulièrement élogieux.
C’est ainsi que la presse allemande, pour qui ce
niveau de gamme est un peu le « pré carré » national,
qualifie la voiture de « durchgedacht »,
qu’on peut traduire par « pensée jusqu’au
moindre détail ». Et le magazine automobile
Auto, Motor und Sport titre « Eine Ohrfeige für die
deutsche Automobilindustrie », littéralement,
« Une gifle pour l’industrie allemande »…
Avec un volume total de 1851502 véhicules produits
en quinze ans entre 1965 et 1980, la Re
nault 16 peut se vanter d’avoir réussi une rentrée
plutôt fracassante dans le milieu de gamme supérieur.
Par rapport à une offre M2 (segment D)
reconnue composée des 404, Opel Rekord et
autres Ford Taunus, la nouvelle venue s’impose
comme prévu auprès des accédants plutôt que
des renouvelants.
Les motifs de ce succès sont plus discutés: certains
voudraient que cette icône des « voitures à
vivre »* ait réussi grâce à sa « flexo-modularité »
et la variété de ses aménagements intérieurs. Il
ne faudrait pas oublier que la Renault 16 offrait
un compromis confort/tenue de route supérieur
aux Citroën ID/DS 19, en particulier grâce à ses
sièges exceptionnels, qui lui ont valu d’être parfois
prescrite par les médecins!
Comme l’ont constaté les commerçants de
l’époque, le style bicorps était souvent qualifié
de « fourgonnette » ou assimilé à un utilitaire,
mais l’essai réussissait souvent à emporter la
décision. Il faudrait plutôt dire que les qualités
dynamiques exceptionnelles de la Renault 16 ont
permis de séduire une clientèle plutôt réticente
mais qui a découvert la praticité du concept et y
restera fidèle ensuite.
La Renault 16 ou l’émergence d’un achat automobile
exprimant un style de vie plus qu’un statut
social. Encore une fois, Renault au croisement
de la sociologie et de l’innovation!
YVES DUBREIL POUR RENAULT HISTOIRE
* Slogan parfaitement adapté à la voiture mais inventé vingt ans
plus tard !
SEPTEMBRE2015 I
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