LES VAINQUEURS
COMMENT LA FRANCE A GAGNÉ LAGRANDE GUERRE

par MICHEL GOYA

Editions Tallandier, 352 pages, Aout 2018


Notes de lecture : Jean-Francois De Andria


Dans cet ouvrage, le colonel et historien Michel Goya a tenu à rendre à la France ce qui lui revient de fait : la victoire de 1918. L’intervention des Américains a été trop tardive et trop marginale, et celle des Anglais, dont les Français durent accourir à la rescousse, trop peu décisive pour la revendiquer.

Un des intérêts de ce livre est de mettre en évidence le rôle joué par l’industrie française qui, dans les domaines essentiels de l’artillerie, des transports routiers, de l’aviation et des chars, a surclassé qualitativement et qualitativement son adversaire allemande, se permettant même d’équiper ses alliés, en particulier américains. Ceux-ci se sont en effet prêtés à une répartition intelligente des productions : les militaires aux Européens, et en premier lieu aux Français qui bénéficiaient de l’antériorité et des effets de l’expérience, la prise en charge des productions civiles agricoles et industrielles, fortement limitées par la mobilisation massive, aux Américains.

Ajouté aux résultats des opérations maritimes, devenues très défavorables aux empires centraux, ces dispositions ont abouti au tableau du chapitre IV – l’armée française en 1918 : aux nouvelles techniques de défense (retranchement, protection) ont répondu de nouvelles armes – grenades à main (150 millions produits), mitrailleuses à haute cadence de tir, canons légers de 37 mm, mortiers, lance-flammes, fusils semi-automatiques, fusils lance-grenades ou fusils-mitrailleurs, et pour finir artillerie d’assaut qui, après les premiers engagements peu concluants de chars moyens, fera l’objet d’une mise en oeuvre repensée, mieux articulée avec l’infanterie, et l’utilisation de chars légers Renault.

À côté de l’excellent 75 mm, « la meilleure pièce de tir direct au monde » d’après l’auteur, vont se développer une artillerie de tranchée utilisée en concentration brève juste avant l’attaque, puis une artillerie lourde (105 et 155 mm) mobile appuyée sur un écosystème sophistiqué (repérage acoustique, observation aérienne, “plans directeurs” établis par des spécialistes, tracteurs et camions.
L’aviation aussi se complexifie avec une branche d’observation qui mobilise la moitié des appareils et utilise bientôt la TSF et la photographie embarquée.
Grâce à une industrie française qui « produit en masse les moteurs les plus puissants » et livre 25 000 appareils pendant les 10 derniers mois de 1918 (contre moins de 18 000 fournis par l’industrie allemande), la chasse et le bombardement disposent en 1918 d’avions performants (Spad VII puis XIII, Bréguet XIV) et finissent par imposer leur suprématie. Enfin, une artillerie antiaérienne étoffée (400 canons) complète le dispositif.

Cet armement impressionnant est aussi particulièrement mobile. L’armée française possède 88 000 véhicules en 1918 (9 000 en 1914 et 40 000 chez les Allemands). Elle dispose d’une réserve générale d’artillerie (RGA) qui regroupe 40 % de toute l’artillerie française, dont toute l’artillerie motorisée. Par ailleurs, la cavalerie est constituée de deux corps de cavalerie dotés de 96 automitrailleuses autocanons, capables de se déplacer de 100 km par jour.

Ainsi, la victoire finale de la France doit beaucoup à son industrie qui, pour une fois, a surclassé celle de sa rivale. Bien qu’il ne soit pas nommé dans le livre, sauf à propos du FT 17, nos lecteurs savent que Renault figure en bonne place dans les différentes composantes de ce tableau. Notons pour terminer que Pétain, général en chef de l’armée française, a eu le mérite de reconnaître le rôle essentiel qu’allaient jouer les armes nouvelles, artillerie spéciale et aviation, et de lever les freins mis à leur développement.