L'AVANTIME de mon père

par ANDRE DEWAEL

Éditions techniques pour l’automobile et l’industrie, 120 pages, 2016

Notes de lecture : Yves Dubreuil

Le sujet est difficile, car l’histoire d’un échec n’est pas facile à assumer car elle réveille de vieilles douleurs… Malgré tout, je vais essayer de faire cette fiche de lecture en toute “objectivité”…

Tout d’abord, il y a de la part de l’auteur quelques affirmations un peu fantaisistes :


- La P41, prototype de Matra en 1990 ne peut pas avoir directement influencé une Twingo (ou plutôt X 06) dont le concept et le style était à peu près figé fin 1988.
- Il est dit (page 33) que l’accord de fabrication qui devait être donné en février 2000, n’a été obtenu qu’en septembre 2001, et ce recul de près de deux ans a été une des causes majeures de l’échec de ce véhicule. Philippe Guédon avait d’ailleurs fait part de son humiliation (il a employé un mot beaucoup plus rude…) de devoir assumer ce retard devant la direction générale (DG) de Renault. Pour l’auteur, le délai initial n’était pas réaliste, mais il était plus cohérent avec le calendrier du reste du haut de gamme de Renault.


Fondamentalement, l’Avantime devait être un dérivé de l’Espace 3, avec beaucoup de carry-over, mais sur lequel on a greffé quelques innovations (peutêtre discutables) qui ont plombé lourdement la mise au point, et détruit la cohérence de la stratégie globale de gamme. En arrivant fin 2001, l’Avantime montrait face à l’Espace 4 les limites de l’architecture et du châssis de l’Espace 3 dont elle dérivait.

Détail : au salon de Genève 1999 (page 44) Renault n’a pas encore signé avec Nissan (il ne le fera que le 29 mars), il est seulement annoncé que Daimler se retirait de la course pour l’acquisition de Nissan. Sur le fond, l’Avantime avait pour elle un design original qui pouvait séduire autant qu’il pouvait rebuter, mais dans un paysage automobile banalisé par l’excès de marketing, c’était plutôt réjouissant.

Par contre, le concept est contradictoire et ambigu : est-ce un véhicule qui valorise surtout les places avant pour des clientèles venu de l’Espace et habituées à une position de conduite et une certaine vision de la route, ou estce un véhicule qui soigne particulièrement les places AR: facilitation d’accès (sièges AV et portes louvoyantes) et fonction “Grand-air”.

Malheureusement, le plancher plat et le compromis rayon aux genoux à l’AR/coffre rend la posture AR peu confortable, la porte louvoyante a été une “tuerie” à mettre au point pour éviter les sirènements, et son encombrement limite fortement la prestation espérée. Ces innovations (sièges AV et portes) ont été la principale cause de retard du projet qui a tout déclenché. Enfin, ce concept de niche ambigu ne pouvait guère espérer un volume de plus de 50 véhicules par jour, ce qui était notoirement insuffisant pour rentabiliser l’usine de Romorantin, sans l’appoint d’autres véhicules qui ne sont jamais arrivés.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, l’éloignement, puis le décès de Jean- Luc Lagardère qui était un fervent avocat de l’activité automobile de Matra n’ont sûrement pas arrangé les choses. Matra automobile, dit-on, perdait 2 M€/jour. À ce niveau-là, la messe est dite.

Triste fin pour un véhicule fort et original, comme quoi le design ne suffit pas pour réussir dans l'Automobile…


((1) « La Renault 14, succès ou échec ? », Yves Dubreil, RH n°35, avril 2016.
(2) « Histoire du break de chasse Renault – Ligier », Robert Broyer, RH n°38, avril 2017.