LA NAISSANCE DE LA 4 CV RENAULT

Scénario de DUGOMIER et dessins de BRUNO BAZIRE

Édition Glénat, 48 pages, 2017

Notes de lecture : Bernard Lical


Une fois n’est pas coutume, voici un album historique sous forme de bande dessinée qui offre une approche plus ludique sur un sujet passionnant de notre histoire… Au-delà du texte, ce sont les dessins que l’on retiendra. Elaborés avec beaucoup de réalisme, aux couleurs surranées transportent l’imaginaire dans l’ambiance des années 40. Les anciens y retrouveront un peu l’âme de Billancourt et peut-être la nostalgie des bureaux d’études d’antan.

Cette bande dessinée raconte la saga, car c’est une véritable saga, cette genèse de la 4CV Renault !

Ouvrage romancé retraçant l’histoire de l’entreprise Renault et de ses dirigeants dans les années 1939 à 1946 s’interrogeant sur le produit à développer.

Les auteurs, nous font découvrir les tenants et les aboutissants en créant un personnage fictif, l’ingénieur “Nestor Wirtz” (qui maîtrise la langue de Goethe… petit détail important dans cette période sombre de l’histoire mondiale) qui nous guide dans cet imbroglio politico-technico-économique.

Tous les autres personnages, eux, sont réels et les faits historiques aussi.

Le préambule se situe au salon de Berlin, le 17 février 1939, devant la Volkswagen KDF (Kraft Durch Freude – la force par la joie) plus connu sous le nom de “Coccinelle”. Le concept de cette automobile retient l’attention d’ingénieurs de Renault, Charles-Edmont Serre et Fernand Picard, le patron n’y croyait pas trop car il était dans une stratégie produit de véhicules plus grands pour l’après-guerre, mais…

La guerre éclate quelques mois plus tard, et dès l’été 1940 la SAUR (Société des automobiles des Usines Renault) est réquisitionnée pour fabriquer des camions pour l’armée allemande avec une interdiction stricte de développer de nouveaux modèles de voiture particulière.

Dans le plus grand secret, une équipe projet (c’est comme cela que nous l’appellerions aujourd’hui) travaille au développement d’un “petit” modèle au cahier des charges proche de sa cousine germanique. Deux prototypes seront réalisés durant cette période sous le nom de code “106 E”. Ces drôles de voiture parcoureront des périples dans les bois de Meudon en toute “clandestinité” pour les essais sur route.

Cette voiture appelée 4CV, surnommée “4 pattes” ou “la motte de beurre” à cause de sa forme et de sa couleur jaune des premiers exemplaires, symbolise le retour à la paix et à la prospérité et à l’accessibilité au plus grand nombre grâce à son offre.
1 105 547 exemplaires seront produits entre les années 1947 et 1951.

Cette fabuleuse histoire marque aussi une évolution majeure de la production. L’ingéniosité de Pierre Bézier, créateur des machines transferts (l’automatisation de la production de grande série) permet de répondre aux 300 exemplaires à fabriquer chaque jour… une révolution. Dans les faits, Renault produira jusqu’à 1 000 exemplaires par jour de ce modèle.

Louis Renault a-t’il formellement ordonné l’abondon du projet comme le mentionne les auteurs ?

Cette affirmation est contestable car Louis Renault a bien suivi le projet (1) et le 20 mai 1941, quand il découvre la maquette du moteur de la future 4CV, il est emballé et donne le feu vert du projet (2). En cette période troublée, les équipes de Renault étaient contraintes de travailler dans le secret le plus total de ses projets du fait des clauses de l’armistice. Fernand Picard (3) rencontra von Urach, qui avait repris sa place chez Daimler-Benz, au salon de Londres en 1947. Il avait été nommé par les instances allemandes à la responsabilité techniques de la SAUR entre 1941 et 1944. Il lui révéla qu’il n’avait jamais été dupe du développement du projet de la 4CV.

Alors comment imaginer que Louis Renault, patron inconstesté, ait pu être hors jeu ?

(1) « Du projet 106 à la 4CV », Theautomobilist.fr.
(
2) « La petite histoire de la 4CV », amicale4CV.fr.
(
3) « L’épopée de Renault », Fernand Picard (Albin Michel).