2012-11 : Conférence de Michel Gornet
Il n’est nul besoin de présenter Michel Gornet, qui a quitté Renault fin 2010 alors qu’il en était le Directeur Général Adjoint chargé des Fabrications depuis 2005 (et doyen des membres du CEG !).
Toute sa vie durant, il a été un homme d’action. Ses 42 ans dans l’entreprise, quasi exclusivement consacrés à la fabrication ( à la Direction de la Production, dans les usines de Flins, de Billancourt puis de Sandouville et enfin DGA ) ont été précédés par un début de vie active de bon niveau (X, Harvard).
Tous le connaissent bien comme rugbyman (talonneur), sans doute un peu moins comme l’artilleur - qu’il fut pourtant !
Nous connaissons sa passion pour le benchmarking qui comblait son goût pour les comparaisons de niveau international et qui expliquent - au moins partiellement - l’excellent classement des usines européennes de Renault dans le Harbour Report et la considération dont jouit le Système de Production Renault dans le monde des fabricants.
Pour tous il est encore le président (bénévole mais charismatique) de la FARGR et un participant actif aux travaux de notre association RENAULT HISTOIRE.
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Le 12 novembre 2012, devant plus de 180 participants, en présence notamment de Raymond H. Lévy et Madame Besse, nous avons reçu Michel Gornet, ancien Directeur Général Adjoint, en charge des Fabrications et de la Logistique. Avec son humour et sa vivacité, à travers les étapes de son parcours, il nous a fait revivre les transformations du monde industriel de Renault.
Les premières années chez Renault
Michel Gornet, après Polytechnique, choisit l’automobile, et Renault plutôt que Peugeot car l’ouverture y est plus large. Son premier contact est avec l’atelier des segments et ses machines-outils à l’UFMB. Puis, il participe à la promotion de la Commande Numérique auprès des préparateurs du département 70, méfiants vis-à-vis de ces nouvelles techniques. Ensuite, il travaille sur Unisurf, l’invention de Pierre Bézier, en liaison avec Daniel Vernet au BE, Jacques Meunier et Joël Hanen aux Méthodes Centrales et Pierre Pardo pour la SOFERMO. Plus tard, Pierre Bézier, lors d’une visite au Design avec Patrick Le Quément, constatera que les voitures étaient conçues exactement comme il l’avait imaginé dans les années 70.
Michel Gornet entre en 1974 à la Direction de la Production dirigée par Henry Streit. Il y deviendra le chef du service des Programmes et de la Gestion des Stocks et y apprend les difficultés du dialogue avec le monde commercial pour élaborer les programmes de fabrication. Il est aussi confronté à la gestion des « stocks technologiques » de pièces, destinés à faire face aux aléas sociaux.
En 1978, il va connaître les usines de l’intérieur en devenant chef de département à Flins, un job très intéressant par ses aspects opérationnels et humains.
Il rejoint, en 1982, avec Max Richard, son directeur à Flins, la Direction du Personnel pour de la prospective sociale. Il est alors dans l’équipe de préparation du MIDES (Mutation Industrielle et Développement Economique et Social) lancé par Bernard Hanon. Si ça n’a pas débouché sur des mesures concrètes, on a néanmoins avancé sur la productivité, les temps de travail et la sécurité.
Directeur d’usine
En 1985, après l’arrivée de Georges Besse, Michel Gornet prend, à son retour de formation à Harvard, la responsabilité de l’Usine de Billancourt (UB) aux côtés de Michel Auroy, directeur du CIB (Centre Industriel de Billancourt). Il fallait conduire des plans de progrès dans une usine qui devait décroître. Cela a permis des expériences de management originales et intéressantes, comme l’organisation d’une foire exposition Qualité dans l’Ile Seguin.
En 1989, c’est la succession de Raymond Savoye à la direction de l’usine de Sandouville. C’est la belle époque de la R25, de la R21 et sa version tricorps. Mais la Safrane ne remplacera pas la R25. Et Sandouville ne retrouvera jamais un niveau d’activité normal.
Directeur des Fabrications
En 1992, Michel Gornet prend la responsabilité des usines de montage. C’est alors un ensemble de « féodalités » managé par de la mise en concurrence entre elles. Le contexte social est difficile. La concurrence japonaise est promise pour l’an 2000. Le livre « The machine that changed the world » et le programme de benchmark IMVP du MIT mettent en évidence une performance des usines Renault deux fois inférieure à celle des meilleures (Toyota notamment).
Le PAP (Plan d’Accélération du Progrès) lancé dans le contexte de l’Accord à Vivre, de la création des UET (Unités Élémentaires de Travail) et du raccourcissement des lignes hiérarchiques permet d’organiser la standardisation des usines.
On passe du « Chacun pour soi » à « Copier, c’est gagner » avec notamment les clubs métiers.
En 2000, le temps de montage est divisé par 2. Les usines de Renault rejoignent les meilleures usines d’Europe. Le bilan est très positif, mais cela reste « plaqué » sur les anciennes habitudes.
A partir de 1999, une nouvelle orientation est prise avec le Système de Production Renault (SPR) : définir des standards, les appliquer partout.
Chez Nissan, c’est la Nissan Production Way dont Renault reprend les briques. L’étape la plus importante a été la standardisation du poste de travail
L’UET définit « comment » obtenir le résultat qu’a défini l’ingénierie, on en fait un standard qu’on améliore peu à peu… Cela a été un travail de plusieurs années, mais la contribution à l’amélioration de la qualité a été spectaculaire.
Le SPR est appliqué partout et c’est une base pour démarrer une nouvelle usine.
Depuis maintenant quelques années, Renault met en place le « Monozukuri », une méthode de réduction du coût total du véhicule mesuré à la sortie de l’usine d’assemblage (Total Delivered Cost). L’optimum global étant rarement la somme des optima locaux, il est nécessaire que tous les contributeurs travaillent ensemble pour rechercher l’optimum global en examinant toute la chaine de valeur, logistique comprise, du plus petit fournisseur jusqu’à la porte du centre livreur.
En conclusion :
Les meilleurs souvenirs ?
Les passages en usine et les résultats du Harbour Report quand nos usines sont repassées parmi les meilleures
Les pires souvenirs ?
La fermeture de Vilvorde, les grèves de Flins en 1982 et le passage à la Direction du Personnel à cause du contexte de l’entreprise à l’époque
Renault ?
Renault a des atouts - l’esprit Renault, sa capacité de mobilisation, la mondialisation en route et l’Alliance avec Nissan. Mais Renault aime bien ce qui est compliqué et met du temps à déployer les choses. Et l’esprit Renault peut s’estomper avec la mondialisation.
L’avenir de la production en France ?
Il faut s’adapter à des marchés européens qui sont en baisse. Et le temps annuel de travail pose question par rapport à d’autres pays.
Questions-réponses
Cette séquence animée a permis d’aborder les points suivants :
la gestion des investissements industriels avec parfois des décisions discutables
le succès de la Logan, conçue pratiquement hors système normal
la problématique du cœur de métier automobile
la synergie avec Nissan
l’investissement chez AVTOVAZ
Une conférence particulièrement appréciée
Michel Gornet grâce à son talent et à son sens pédagogique a su en effet nous faire partager les challenges du monde des fabrications et la transformation rapide et profonde des organisations tant du coté processus que du coté humain.
Comme d’habitude dans nos conférences, cela a été aussi l’occasion de se retrouver les uns et les autres ensemble dans une ambiance chaleureuse.