De la Maurienne à l'Aigual

Par Jean Jacques Fauré

Chers fidèles lecteurs ,

le mois de juin s'achève ,le Tour de France n'est pas encore parti,le président de la république est élu, l'assemblée nationale au travail.... l'actualité est au point mort.... que reste-t-il comme centre d'intérêt la semaine prochaine,.. eh oui , vous avez trouvé, nous sommes de retour... les Aoucous déferlent sur les Alpes, dès samedi vous retrouverez la chronique haletante d'une aventure humaine incomparable .

Chaque soir, j'essaierai de vous narrer l'inénarrable, de vous décrire l'indescriptible , ma tâche est immense .

Sans doute croirez-vous que je force le trait, que j'exagère , peut-être avez-vous un peu raison , cependant vous ne pouvez pas imaginer le plaisir que j'éprouve tous les ans à retrouver mes compagnons de galère.

En me prenant pour Antoine Blondin ou Pierre Chany, qui ont illuminé mon enfance, je réalise quand même un rêve.. attention aux cauchemars sur le velo ...


JJF

Première étape : col du Glandon et col de La Croix de fer

La canicule nous ayant suivi jusqu'en Maurienne, le départ de l'étape se fit à la fraîche.

Le repas quelque peu indigeste de la veille, ne semblait pas handicaper la bonne marche du peloton qui profitait encore de la mansuétude du temps.

Dès les premières pentes du Glandon, comme à son habitude, José pose une première banderille tout de suite contrée par son coéquipier, "l'Aigle du Bahreïn ".

Quelque peu désorienté par cette tactique inédite le peloton tarde à réagir, l'équipe lotoise par le jeu des oreillettes consulte ses archives , pareille initiative étant sans précédant....

Par prudence il fut décidé de ne pas laisser trop de latitude à cette échappée ,José étant imprévisible quant à son état de forme.

Les derniers lacets, 4 kms à 10%, font de gros dégâts malgré un petit zéphyr rafraîchissant dans la fournaise.... L'équipe SOB de Bretenoux réalise le doublé en haut du Glandon , Dany sauve l'honneur de la famille suivie de près par le touareg . Derriere, les attardes sauvaient ce qui pouvait l'être.. José semblait se résigner et pensait à des jours meilleurs.. L'architecte, fidèle à sa tactique, ne pris aucune initiative , mais ne mit pas un coup de pédale de trop . C'est peut-être de lui que peut venir le danger dans les jours à venir.Le passage du col de La Croix de fer après seulement 3 kms de montée ne modifie pas la hiérarchie . C'est sûr que le forfait de dernière minute de Lolo a redistribué les cartes, jetant le trouble dans les esprits .

L'avenir nous dira si l'équipe lotoise est suffisamment armee pour répondre à toutes les attaques. Une coalition contre eux risque de leur compliquer la tâche.. L'attitude de José sera , je pense , intéressante à observer . Nous réservera-t-il demain dans le Télégraphe et dans le Galibier une surprise dont il est friand.

Vu la difficulté de l'étape, la récupération est le maître mot. Ce soir nos vaillants coursiers ne sauteront pas le feu de la Saint Jean....


A demain

Deuxième étape : Cols du Télégraphe et du Galibier

Un orage salvateur dans la nuit a rafraîchi considérablement la température et c'est dans la brume que fut donné le départ de cette étape mythique vers le Galibier.

Le faux plat montant vers Saint Michel de Maurienne est une bonne mise en jambe avec un peloton groupé.

Les premières rampes du Télégraphe donnèrent lieu à une accélération du Touareg qui n'insista pas quand il vit que José ne suivait pas. Le passage en haut du col vit le peloton groupé , José un peu décroché sans trop de dégâts vu ses qualités de descendeur .

Apres le ravitaillement de Valloire , les choses sérieuses commencent avec 18 kms d'ascension à 8% de moyenne. Le Galibier a été fidèle à sa réputation, comme la veille avec l'équipe de France de Rugby, le match a été vite plié.

Dès la sortie de Valloire, dans la première pente sérieuse, Phillipe prend les devants et ne sera jamais rattrapé . Il s'impose en costaud en haut du Galibier, seul l'aigle du Bahreïn limite la casse et Dany fit illusion jusqu'au Plan Lachat à 8 kms du sommet.

Les écarts sont considérables, Philippe a assommé la course .

Le retour à Saint Jean de Maurienne vit José tenter sa chance dans la vallée, seule une erreur de parcours dans les faubourgs de Saint Jean l'empêchant d'arriver détaché. .Encore une fois sa fougue légendaire lui joue un mauvais tour...

Puisque on parle de José, je voudrais rassurer son fan club, inquiet pour sa santé.

Au niveau de son état physique, il semblerait que, conscient de ses limites, il privilégie le coup d'éclat médiatique à l'offensive de grande envergure vouée à l'échec vu son manque d'entraînement . Par contre, il est vrai que nous sommes inquiets pour sa santé mentale, il a été aperçu à l'arrivée à l'hôtel en train de nettoyer son velo, chose qu'il n'avait jamais fait depuis l'achat de la machine. Les directeurs de course Bruno et Sergio ont aussitôt demandé un protocole commotion .

À la première question concernant ce qu'il préférerait boire, il aurait répondu : "de l'eau"...

Nous sommes raisonnablement inquiets. Les résultats seront connus dans la soirée.

Demain la troisième étape nous conduira sur le toit de la Maurienne , le col de l'Iseran, 2800 mètres. Ensuite le col du mont Cenis est au programme des réjouissances.


A demain

Troisième étape :le col de l'Iseran

Réveillés de bonne heure pour cause de transfert vers la haute Maurienne,nos coureurs ont apprécié la douceur de la température sous un soleil généreux.

Le départ donné à Lanslebourg libera les participants qui abordèrent la côte de la Madeleine,première difficulté du jour,à bonne allure .Le faux-plat montant de 20 kms jusqu'au pied de l'Iseran à Bonneval sur Arc,vit le peloton groupé sans initiative notable.

Dès les premières rampes du col,l'équipe de Lalande imprime un rythme soutenu,controle de près par le leader lotois. Le tournant de la course survient quand l'aigle du Bahreïn bien placé dans le sillage de Philippe,est victime d'un bris de rayon le clouant sur place.Ce coup du sort douche les légitimes espoirs de Christian de victoire et de rapproché au général .Tant de sacrifices consentis ,tant de privations endurées anéantis sur un problème mécanique. .

Dans les derniers lacets du col, Dany réussi à garder son avance sur Phillipe et s'impose finalement sur le toit de la Maurienne :2770m .

Derriere les écarts sont importants ,mais la course est loin d'être gagnée par les lotois,ce qu'a fait Dany aujourd'hui peut inspirer d'autres baroudeurs .

Demain dans les fameux 18 lacets de Montvernier,suivis du col de Chaussy et de la Madeleine,la revanche du Touareg risque d'être terrible .

Quelques nouvelles de José pour rassurer sa famille et ses amis ,il n'a pas paru affecté par les événements de la veille.Seule séquelle notable ,il a failli rater le ravitaillement après l'ascension du col...Rassurez-vous il s'est vite repris. . ..

A demain

Quatrième étape :lacets de Monvernier,col de Chaussy et col de la Madeleine

Étape très nerveuse aujourd'hui,avec des enchaînements très rapprochés et des routes assez étroites au debut.

Nervosité,oui c'est bien le maître-mot au départ ce matin.Inquiets les lotois,conscients des difficultés du jour,ont enrôlé un coureur local,plus ou moins originaire de Bretenoux,sensé les aider à juguler les ardeurs du Touareg,mais aussi des Lalandais,ragaillardis par la victoire de la veille.

En effet dès les premiers lacets de Monvernier,la course explose sous l'impulsion de l'équipe de Lalande,le Touareg profite du désordre pour prendre la roue des fuyards.

Les lotois se regardent un instant avant de réagir,ce qui fait le bonheur des échappés.

En haut des lacets se dresse le col de Chaussy et ses 11kms à 7% de moyenne .

L'échappée maintient son avance jusqu'en haut du col ou les lalandais passent en tête suivis de près par le Touareg.Soucieux de limiter la casse,Philippe a fait rouler ses équipiers,l'architecte de mieux en mieux dans sa roue et José un peu plus loin.

La descente vers le col de la Madeleine ,tres sinueuse et assez vertigineuse voit le regroupement général s'opérer .La fatigue commence à se faire sentir dans les 10 derniers kms du col,et la tactique des lotois commence à porter ses fruits quand Phillipe accélère suivi du Touareg et de Francis son coéquipier Isérois -lotois .

La sélection s'opère par l'arrière,d'abord les lalandais décrochent,Christian peu après avec Françoise .Jose a compris rapidement que cette ascension ne correspond à son morphotype avec ces raidillons à plus de 10% ... Il préfère alors gérer son effort en limitant les dégâts ,demain sera un autre jour. . .

En tête de course Philippe assoit irrémédiablement sa supériorité ,son équipier ayant fini son travail,il accélère pour lâcher le Touareg dans le dernier kilomètre.L'aigle du Bahreïn,héroïque aujourd'hui puisa dans ses réserves pour rallier le col sans trop de débours.On ne peut,malheureusement que regretter amèrement l'incident mécanique de la veille ,quand on voit son panache aujourd'hui. C'était certainement l'adversaire le plus crédible et le plus ambitieux pour Phillipe.

Un mot ce soir à Saint Jean de Maurienne où les coureurs se reposent à l'heure où je vous écris,pour souligner le grand professionnalisme de l'encadrement de la course.

Avec une main de fer Bruno sait mener son équipe à la baguette ,toujours présent dans les coups durs,quand il faut dépanner ,réconforter ,alimenter ,hydrater...engueuler ses coureurs.Cette année il est secondé dans sa tâche,par un stagiaire prometteur,Sergio ,qui apporte tout son enthousiasme,il anime même merveilleusement bien avec sa guitare les courtes soirées à l'hôtel.

Demain dernière étape alpestre avec au menu le col du Molard et le col de le Croix de Fer .Avant l'épisode cévenol avec le Mont Aigual c'est la dernière chance de bousculer la hiérarchie.

A demain

PS. Une recrue de choix pour l' Aoucous Déchaînés ,le joker lotois enrôlé aujourd'hui,n'est autre que Francis Larribe journaliste à Midi Olympique en retraite depuis peu.Il m'a promis d' écrire dans notre journal.Bonne nouvelle.

Cinquième étape :col du Mollard et montée de la Taussuire

Dernière étape alpestre mais aussi dernière opportunité pour contrer l'hegemonie de Phillipe sur la course.

Dès le bas du col du Molard, on comprend que quelque chose a changé dans l'organisation du peloton . Une coalition semble s'organiser dans les premiers lacets contre Phillipe . Surpris par une attaque violante des lalandais immédiatement relayée par le Touareg et l'archi de Gaillac , Philippe se trouve isolé privé de ses équipiers.

Le rythme est soutenu , Phillipe s'accroche sans obtenir d'aide de personne...

Malgré tout, les écarts sont stables et même tout seul Philippe contrôle la course.

Quelques gouttes de pluie vont rendre la descente dangereuse , José frigorifié avait du mal à retenir des hurlements , affolant les gens de la vallée , les comparant au brame du cerf...

Philippe ne se laissa pas distraire par ces événements saugrenus et se retrouva seul pour conclure cette étape à la station de ski de la Toussuire.

Malgré cette entente occulte ourdie secrètement entre ses adversaires , Phillipe remporte haut la main la partie alpestre de notre périple .

Les soupçons d'entente illicite planent quand même sur la course .... une enquête est diligentée par la direction de course, un fond souverain du Bahreïn aurait opéré des mouvements vers la Caisse d'Epargne de Lalande et envisagerait la création d'une bretelle d'autoroute à Balaguer.... Affaire à suivre....

Demain journée de repos et transfert vers les Cévennes, avant de défier vendredi le mont Aigual.

Le Touareg jouera à la maison avec le renfort de son frère , le soutien de tout un peuple... Les routes risquent d'être piegeuses pour les lotois......

Journée de repos : Transfert vers les Cévennes

Après un voyage sans histoire , une halte gastronomique dans la Drôme, nous voici arrivés au Puech, près du lac de Salagou. Jose est heureux d'entendre les cigales et le Touareg a retrouvé son pays natal. Demain, la pression sera sur lui car depuis toujours, quand il souffrait dans un col pyrénéen ou alpin , il nous disait alors : "Vous verrez quand on sera à l'Aigual".

Eh bien mon ami , on y est !... Le renfort de ton frère ne sera pas superflu, tout le monde a récupéré et sera au top j'en suis sûr demain.

Notre présidente arrive ce soir pour assister aux prouesses de son époux , il va de soit, les esprits tordus commençaient à jaser, que jusqu'à demain soir , terme de la dernière étape , tout rapport intime est formellement interdit...

A demain pour le dénouement de notre périple.

Dernière étape : à l'assaut du géant des Cévennes

Contrairement au Tour de France où la dernière étape est une pantalonnade médiatique, l'intérêt de notre course est encore réel au départ de notre périple cévenol. En effet, avec le renfort (autorisé par les règlements) de son frère, l'aigle du Bahreïn jouissait de la faveur des pronostics.

Pour vous décrire Éric Bernès,la génétique réserve parfois quelques surprises , c'est Christian avec 20 kilos de moins et affûté comme un Laguiole. De fait , dès le départ, les deux frères impriment une cadence élevée, jusqu'au pied du mont Aigual. Les 25 kms du col de la Lusette, petite route sinueuse assez escarpée allaient faire exploser le peloton, Eric imprimant un tempo assez vif suivi de près par les lalandais. Derrière , c'est une course de dupes car Phillipe et le Touareg se marquent et les efforts d'Eric profitent surtout aux lalandais qui passent en tête à la Lusette. Christian Astruc gère plutôt bien ses efforts et José s'efface devant la tactique d'équipe. Il le regrettera peut-être car son style aérien, avec un indice aérodynamique favorable aurait pu, avec les rafales violentes, dynamiser la course.

Avant le passage au sommet de l'Aigual, le regroupement permis aux lotois de passer en tête. Un autre paramètre s'immisce alors dans la course, comme c'est souvent le cas dans le coin , la meteo se dégrade rapidement. Le vent devient encore plus violent et la pluie arrive. Vent et pluie sont les ennemis des cyclistes, et dans la descente des gorges de la Dourbie , les conditions deviennent dantesques.

José, qui adore ces conditions extrêmes, accélère mais la chance n'est pas avec lui, il éclate son pneu arrière alors qu'il avait pris le large, profitant de la prudence des autres. Ce n'était pas aux lotois de prendre des risques , mais il faut comprendre que le Touareg n'est pas habitué à de telles intempéries , il pleut si peu au Bahreïn...

La course resta bloquée jusqu'à l'arrivée qui entérina la victoire incontestable de Philippe , imperturbable dans la tourmente.

Ainsi donc se termine cette semaine cyclotouristique, entre Maurienne et Cévennes.

J'espère que vous avez apprécié le compte rendu, je vous donne rendez-vous dans l'Aoucou Déchaîné de Juillet pour de plus amples commentaires ,

À bientôt