Mot des présidentes
« La beauté appelle. Nous qui sommes accoutumés à la beauté du monde comme une rencontre ou un choc visuel, tournons-nous un instant vers la nature de son appel car il nous fait entendre le nécessité des œuvres. (1) »
La beauté appelle, elle provoque donc cette impulsion de communication, de communion. Parfois allégorie, parfois muse, parfois pudiquement absente d’une œuvre, elle revêt plusieurs rôles. D’aucuns affirment et résument la portée d’une œuvre à sa beauté. Telle œuvre est belle. Point final? Comment définir cette beauté, comment explorer cette beauté? Pour certains, il s’agit de son esthétisme : l’œuvre est approchée intellectuellement. Pour d’autres, la beauté d’une œuvre découlera des émotions suscitées, des propos présentés : l’œuvre est approchée émotivement. Qui plus est, la définition des paramètres de cette beauté, de ce qui peut être considéré beau, varie d’un auteur à l’autre, d’une époque à l’autre, d’un lecteur à l’autre.
Inspiré-e-s par ce sujet fécond et animé-e-s par l’émerveillement que suscite en nous la littérature dont nous aimons tant discuter qu’elle nous a mené-e-s vers l’enseignement –car qu’est-ce que l’enseignement sinon tenter de communiquer la beauté d’une œuvre? –, nous vous convions à cette nouvelle édition du colloque de l’APEFC, « Être dans la splendeur : réflexions sur la beauté en littérature. »
En partie menés par Mathieu Bélisle, professeur et essayiste, trois mouvements, comme une valse, nous permettront de plonger dans cette réflexion féconde les 3 et 4 juin 2024, à Sherbrooke.
« Il m’arrive de penser que la communauté des lecteurs, la foule immense de ceux qui sont en train de lire au même moment quelque part sur cette planète, il m’arrive de penser que tous ces gens font une sorte de prière, eux aussi, et qu’en lisant, ils sauvent un peu de la beauté du monde. (2) »
Inspiré-e-s par cette réflexion de Bernard Émond, qui sera parmi nous, nous nous pencherons donc, dans un premier temps, le lundi, 3 juin en matinée, sur les prismes de la beauté, qui nous amèneront notamment à réfléchir avec deux écrivains à ce qu’est la beauté et à sa relation à la littérature.
« Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques;
De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant. (3) »
Ainsi, la beauté du grotesque, l’éternelle dichotomie fascination et répulsion, souvent mise en vers par Baudelaire et d’autres poètes, sera explorée sous différents angles dans l’après-midi du 3 juin, lors du deuxième mouvement. Professeur, écrivain-e-s et dramaturge se relayeront pour réfléchir à la dimension esthétique voire belle d’œuvres qui peuvent paraitre a priori choquantes.
Enfin, la beauté dans les espaces culturels, comme autant d’autres définitions de notre objet de réflexion, pourra dans un troisième et dernier temps nous inspirer lors du mardi 4 juin en matinée : lieux culturels et lieux géographiques qui obéiraient à d’autres paramètres esthétiques seront abordés par deux professeures écrivaines. Pour une finale tout en douceur, les mots et la musique de Philippe B. sauront nous relier à la beauté du monde.
« Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté. (4) » Espérons nous quitter habité-e-s par ces mots de René Char, habité-e-s par la beauté du monde, la lumineuse, la littéraire, celle à ne pas tuer. Tant d’aphorismes évoquent la beauté telle une conclusion qui ne nécessite pas d’explication, comme si son affirmation trouvait son écho silencieux en chacun et chacune de nous.
(1) Martin Rueff, avertissement dans Jean Starobinski, La beauté du monde. La littérature et les arts, Paris, Gallimard, «Quarto», 2016, p. 14.
(2) Bernard Émond, «Camarade, ferme ton poste», dans Camarade, ferme ton poste et autres textes, Montréal, Lux, « Lettres libres », 2017, p.87.
(3) Charles Baudelaire, «Hymne à la beauté», dans Les fleurs du mal [1857].
(4) René Char, «no 237», dans Feuillets d’Hypnos, tiré de Fureur et mystère, Paris, Gallimard, «NRF», 1962, p.143.