André Pierrard

Le jeune homme à la rose

Paris: Presses de la Cité, 1969. — 188 p.

P. 178-180 Русский

Il ouvre le portail. Ils traversent la rue, deux par deux, Vassili en flanc-garde.

Ils marchent au pas cadencé, leur arme sur l’épaule. La foule s’écarte. On entend des : « Ça alors, ça c’est fort … c’est des Anglais … c’est des F.T.P. … c’est des Russes. » Un jeune crie : « Vive l’Armée Rouge ! »

Vassili est à trois mètres du curé, qui est devenu très pâle. Les six partisans entourent la grille, mettent l’arme dans le creux du bras. Vassili salue le curé en claquant les talons de ses bottes de GMR français, et lui dit : « Lieutenant Vassili de l’Armée Soviétique. Groupe de Partisans du Pas-de-Calais. Allez-y. » Et il déploie les deux drapeaux, un rouge et un tricolore.

Le prêtre parle... La foule chante la Marseillaise. Vassili et ses hommes sont au garde-à-vous.

Puis, au pas cadencé, orateur et groupe de protection vont chez Adèle. Les Russes prennent vite le couloir.

Vassili est le dernier à passer la porte. Dans le couloir, il trouve Michel qui lui dit, en ukrainien :

— Alors, à demain, à 10 heures, au terril de L... ?

— D'accord. Mais tu ne restes pas avec nous ce soir ? On va fêter ça.

— Non. J’ai du travail.

Ils se serrent la main.

* * *

Vassili est en vélo. Il arrive en haut d’une montée, sur un petit chemin noir. A gauche, le terril de L... Plus loin un clocher et son horloge. Il est 10 heures. Il fait très beau. Vassili s’arrête. Descend de vélo. S’appuie les fesses sur le cadre et commence à rouler une cigarette. Il siffle «le Temps des cerises» qu’Isabelle et Pierre lui ont appris.

Deux ouvriers en bleus salis, le foulard traditionnel du mineur au cou, musette au dos, viennent derrière lui. Vassili les voit arriver. Il ne craint rien. Il finit de rouler sa cigarette. Arrivant près de lui, les deux « ouvriers » passent à l’attaque. L’un plonge dans les jambes de Vassili. L’autre matraque. Le vélo est tombé. Vassili tend désespérément la main vers la selle, sous laquelle on voit, sous un linge noir, la forme de son revolver. La matraque se lève à nouveau. Puis on entend le déclic des menottes. Les deux «ouvriers» parlent en allemand.

Le premier SS demande :

— Tu crois que c’est bien lui ?

Et le deuxième réplique :

— Oui. J’ai assez vu sa gueule en photo. Siffle !

Bruit strident. Aussitôt, de la route, une voiture militaire allemande, avec ses peintures de camouflage, s’engage à toute allure sur le petit chemin noir.

* * *

Auprès d’un passage à niveau, quelque part dans le pays triste, Kléber aborde Pierre par une question angoissée :

— Tu sais que Vassili a été fait ce matin ?

— Qui. A L...

— Et que Michel a disparu depuis hier après-midi ? Il a ramassé toutes ses affaires dans sa planque de B…

Pierre avec un sifflement inquiet :

— Ça pourrait bien barder. Faut faire découcher tous ceux que Michel connaissait. C’est louche.