Revue Le Spiritisme

La revue Le Spiritisme est l'Organe officiel de l’Union Spirite Française créée en 1882. Le directeur de cette revue est Gabriel Delanne. La première année d'édition est 1883/1884. Voici le premier éditorial :

Des numéros seront mis à disposition progressivement en bas de cette page

À NOS LECTEURS

 

Qui nous sommes ?

Ce que nous voulons ?

Comment nous le voulons ?

Qui nous sommes et ce que nous voulons, notre titre, qui est un drapeau, suffit à le dire. Comment nous le voulons ? Notre sous-titre est la réponse.

Nous sommes des spirites, et nous voulons répandre le spiritisme. Pour le répandre, nous nous sommes unis, afin de constituer en un faisceau notre force collective.

En venant prendre place dans les rangs de la presse spirite, nous tenons à déterminer le caractère spécial de notre organe.

Nous vivons à une époque où rien ne se peut faire que par la solidarité ; l'individualisme tombe chaque jour dans un plus grand discrédit ; l'esprit humain s'ouvre à la véritable grandeur en ne cherchant la puissance que dans les actions communes résultant du libre concert des activités spontanées ; les barrières s'abattent, les trouées s'effectuent entre les intelligences ; un mouvement irrésistible sollicite toutes les forces à se rapprocher les unes des autres, à se connaître, à se pénétrer, à se féconder. C'est un monde nouveau qui s'annonce dans ces prémisses d’une élaboration gigantesque. C'est à ce monde nouveau que le spiritisme apporte sa collaboration dans sa sphère encore modeste, collaboration méconnue que nous voulons contribuer à mettre en lumière, afin d'augmenter de plus en plus le nombre de ceux qui la voient et qui s'y associent pour leur propre enseignement comme pour la rénovation sociale.

Si tel est le caractère du spiritisme, il doit le manifester dans son mode d'action. Si les mots « spiritisme » et « solidarité » sont des termes connexes, la logique veut que les spirites se présentent solidairement devant le public, et qu'ils se tiennent en rangs serrés pour parler aux frères qui ignorent ou méconnaissent leurs méthodes, leurs doctrines et leurs tendances. Voilà pourquoi nous nous sommes unis en une fédération qui porte pour titre « Union spirite française ; » voilà pourquoi nous avons éprouvé le besoin de nous lier en un faisceau capable de donner à chacun de nous la force collective de l'association tout entière.

Mais nous n'avons effleuré encore que l'un des attributs de ce journal, et il ne faudrait pas croire que la nécessité de l'action commune pût entamer en rien les droits de l'initiative individuelle. Le spiritisme procède essentiellement de la liberté, et la plus large discussion est à sa base ; s'il arrive à constituer une doctrine, c'est en vertu d'un accord qui a pour origines l'observation des faits et l'emploi de la raison. C'est ainsi qu'Allan Kardec a établi ses ouvrages fondamentaux, empreints d'une si lumineuse logique. Mais, à mesure que des questions sont résolues, d'autres se présentent ; et l'œuvre si magistralement inaugurée par Allan Kardec est toujours à poursuivre. Si des problèmes nouveaux sont posés, si des phénomènes intéressants s'offrent aux appréciations et aux commentaires des spirites, ce journal est une arène naturelle pour la discussion de ces problèmes et pour l'interprétation de ces faits. En témoignant ainsi devant le public de notre esprit de libre examen, nous serons loin d'affaiblir notre valeur de solidarité, nous ne ferons qu'apporter une autorité plus grande à la partie fondamentale acceptée de tous ; car nous montrerons par là que si nous avons admis nos principes communs, c'est parce que notre raison à tous nous portait à les adopter.

En deux mots résumons la signification du spiritisme : sa nature et la nécessité sociologique de son avènement.

L'Humanité, débarrassée des superstitions par la sape du matérialisme, préparée à un ordre nouveau par la science du transformisme et de l'évolution, se trouve néanmoins jetée dans un grand désarroi par le fait de toutes les ruines éparses. Seuls, les plus virils contemplent avec calme l'œuvre récente où semblent s'engloutir les espérances de l'immortalité en même temps que les terreurs de l'inconnu ; d'autres, moins trempés de vertu stoïque, se laissent aller comme à la dérive et s'abandonnent à l'aveugle chaos des instincts ; d'autres encore, effrayés d'un mouvement au bout duquel ils ne prévoient aucun équilibre, réagissent contre ce mouvement, et, par affolement plus que par conviction, essaient de galvaniser les formules caduques du passé. Rien de cela ne peut aboutir et satisfaire les besoins de l'Humanité. Tout cela est insuffisant, précaire, ou déplorable.

Pourtant interrogeons ces symptômes, et tenons-en compte pour le mieux à réaliser.

La doctrine de l'évolution est une donnée scientifique : la formule nouvelle devra donc contenir la doctrine de l'évolution.

L'espérance en l'immortalité est une force nécessaire pour soutenir la conscience du plus grand nombre : la formule nouvelle devra donc contenir l'espérance en l'immortalité.

Une vue d'équilibre est indispensable pour la garantie de la cohésion sociale ; la formule nouvelle devra donc contenir une vue d'équilibre avec une sanction de justice dans l'harmonie générale.

Eh bien, le spiritisme, et le spiritisme seul, répond à tous ces desiderata. Non-seulement il adopte la doctrine de l'évolution, mais il la complète et il l'éclaire. Non-seulement il proclame l'espérance en l'immortalité, mais encore il établit sur des bases positives la certitude de la survivance. Non-seulement il montre sur le fait l'inéluctable fonctionnement de la justice, mais en même temps il fait éclater la loi d’amour, et l'harmonie universelle se dévoile tout entière dans la synthèse de la justice et de l'amour.

Philosophiquement, le spirite n'attache aucune valeur absolue aux mots matérialisme et spiritualisme. Pour lui, il n'y a pas d'esprit, pas de pensée sans une substance, si éthérée soit-elle, où la pensée vienne se manifester. De même il ne peut supposer une forme matérielle sans une pensée qui l'organise. Les êtres que l'on est convenu d'appeler les Esprits, les Esprits des morts, n'existeraient point en réalité, s'ils n'étaient doués d'un organisme adapté à leur milieu et rappelant la forme proprement matérielle par laquelle leur individualité se manifestait alors qu'ils vivaient de la vie de la terre. Pour le spirite ce n'est point là une hypothèse, c'est un fait démontré positivement. Il lui est démontré aussi que l'Esprit désincarné ne cesse de faire partie de son Humanité maternelle, et que, par les lois régissant cette humanité, il est rappelé dans la vie matérielle de la planète autant de fois que cela est nécessaire à son perfectionnement en conformité avec les règles de justice, d'amour et de solidarité. Il constate ainsi la loi de l'évolution de l'individu, en harmonie avec l'évolution des espèces. Chaque individualité est une chaîne, dont les diverses existences sont les chaînons connexes et indestructibles. L'Humanité intégrale (qui comprend les incarnés et les désincarnés) est un réseau de personnalités immortelles et inéluctablement solidaires les unes des autres. Le spiritisme admet aussi que l'évolution commencée dans un monde se continue et se perfectionne dans les mondes supérieurs ; et tout porte à croire que les astres du ciel sont les étapes du perfectionnement infini.

Quelle conception grandiose autant que rationnelle ! quel vaste horizon ouvert à l'esprit ! Mais, sans monter aussi haut d'un seul coup d'aile, le spiritisme pratique suffit à établir positivement et rigoureusement les notions les plus fécondes. Il prouve la vie des morts par le fait de leur communication ; - et comment ne se communiqueraient-ils pas, si en réalité ils existent, s'ils ont un organisme ? Il démontre l'évolution progressive de l'Esprit par la réincarnation, cette manifestation de solidarité humaine à laquelle croyaient nos grands aïeux les Gaulois. Il renverse l'absurde théorie du salut personnel, cette plaie de tant de religions. Il nous fait aimer la vie et mépriser la mort. Il nous porte à concevoir Dieu comme le principe d'harmonie des mondes. Il nous affranchit du mysticisme et de la conception du Dieu jaloux. Il fait de nous-mêmes les artisans de notre propre progrès et de notre progrès commun. Il développe en nous le sens de la responsabilité et de la liberté. Il fait de nous des hommes, des citoyens, des frères. Il est une science, il est une force, il est un enthousiasme. Il n'est encore qu'une petite étincelle d'avenir ; mais il sera le flambeau de la République universelle.

Voilà surtout pourquoi nous l'aimons ; voilà pourquoi nous voulons le dégager des préventions et des défiances. Bien loin de menacer le travail humain, il l'émancipe clans toute sa virtualité. Bien loin de friser la superstition, il brûle tous les voiles dont on fait les superstitions. Voilà pourquoi, enfants de la liberté, soldats de la fraternité, nous serrons nos rangs sous son drapeau, fiers et confiants comme nos pères devant les réactions coalisées.

J.-Camille CHAIGNEAU.

  

A partir d'octobre 1893, Gabriel Delanne n'est plus directeur de la Revue, il est remplacé par Arthur d'Anglemont et Adophe Laurent de Faget.

Il nous manque le numéro de septembre 1894

1895 : Un seul numéro, fin de la revue