Entre bric à brac et vie de
château, les drôles d'apôtres de l'Ordre Apostolique...
(Tabitha's Place)
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Le 21 juin dernier,
France Info rapportait que les services de restauration du
festival de théâtre "Le printemps des comédiens", qui se déroule
du 5 au 30 juin 2002 à Montpellier, sont assurés par Tabitha's Place, une
structure de la secte multinationale The Twelve Tribes.
Elle a aussi assuré un stand de restauration au festival d'Avignon...
Nous parlions déjà de la secte des Douze Tribus
dans cet article publié le 27 mars 2002 dans le n°15 des Enquêtes
interdites.
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Dépôt-vente Chez Rubens, de
tout à des prix intéressants: mobilier, tables d'école, lits, bibelots,
outillage, quincaillerie, matériaux de construction, machines, outils,
surplus militaires - treillis, duvets etc... - tissu, mercerie, vêtements. Tel:
05.59... et 06.70...
Ouvert du lundi au vendredi et dimanche, de 9 h à 19 h et fermé le samedi.
Ce texte d'apparence tout à fait anodine paru ces
derniers temps sur un quinzomadaire gratuit d'annonces et de publicités
diffusé sur 11 cantons du Pays Basque et du Béarn et tirant à 25.000
exemplaires, n'attirerait pas spécialement l'attention si on n'avait pas la
curiosité de faire une recherche à partir des numéros de téléphones
mentionnés. Et là, ô surprise, le numéro de téléphone fixe correspond à... Ruben
and Brothers, alias Tabitha's Place, alias L'Ordre Apostolique, alias The
Twelve Tribes (Les Douze Tribus), plus communément connu sous le nom de
secte de Sus.
Des Etats-Unis au Béarn
C'est en effet dans ce paisible village béarnais de
quelque 310 habitants, situé à 5 kilomètres des limites du Pays Basque, que
s'est établie en 1983 la branche française d'une secte multinationale. Comme
la plupart des entreprises sectaires à apparence religieuse, The Twelve
Tribes est née au Etats-Unis sous l'impulsion d'un couple de
fondamentalistes protestants: Elbert et Marsha Spriggs. Pour ces deux
illuminés, l'Amérique yankee, pourtant ô combien dévote pour ne pas dire
mystique, s'était éloignée de la volonté de Dieu et il convenait
donc de recommencer sur de nouvelles fondations. D'où la décision de
rebâtir les douze tribus d'Israël et (d')être une lumière pour les
nations (sic!).
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Dans l'édition du 25 février 2002 de L'Info malin, journal
d'annonces du Pays Basque intérieur et du Béarn, l'annonce de Rubens,
alias l'Ordre Apostolique.
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On peut certes se demander par quel tour de passe-passe des
pseudos-évangélistes décident de devenir des soi-disant israélites, mais
c'est oublier qu'il n'y a que des gourous pour faire croire à ce genre de
miracle... Des maîtres à penser qui, mettant en pratique la parabole de la
multiplication des pains, ont, au fil des décennies, attiré à eux des
adeptes, lesquels, à leur tour ont essaimé en communautés. Celle implantée
en France allait prendre le nom de Tabitha's Place mais créer aussi une
association loi 1901baptisée (si l'on peut dire...) Ordre Apostolique, vite
transformée en... SARL.
Car ces disciples de Yahshua (nom hébreux de Jésus) qui prétendent "partager
toutes choses en commun, exactement comme les premiers chrétiens"
sont surtout portés sur les richesses matérielles et les espèces sonnantes
et trébuchantes. D'où la création d'une marque Création Pyrénées
pour commercialiser des produits artisanaux (chaussures, vêtements,
mobiliers, pains et pâtisseries) et l'acquisition de biens immobiliers et
fonciers. Non pas de modestes maisons et quelques lopins de terre mais rien
moins qu'un superbe château avec un grand parc en plein centre du village
de Sus.
D'un château l'autre?
Les habitants du cru et les édiles municipaux se serait bien volontiers
passé de cet embarrassant voisinage qui défraye périodiquement la chronique
judiciaire et donne de leur village une réputation un tant soit peu
sulfureuse. En effet, dans la région, et bien au delà, tout le monde parle de
la secte de Sus pour évoquer l'Ordre Apostolique, alias Ruben and Brothers
(par référence à la tribu de Ruben, l'une des 12 tribus d'Israël). Les
membres de la communauté ont à ce point pris goût à la vie de château
qu'ils auraient bien voulu s'en accaparer un second, celui-ci situé
également à Sus.
Selon la description donnée par un article du quotidien départemental La
République des Pyrénées (22.02.2002), "il s'agît d'une demeure
comportant 22 pièces principales, une grande cuisine et quatre salles de
bain. A 50 mètres environ se trouve un pigeonnier réaménagé en appartement,
avec, au rez-de-chaussée, un séjour, une cuisine, un petit salon avec
cheminée et une chambre. L'étage est doté de deux chambres et d'une salle
de bain. L'ensemble compte également une dépendance. Le tout est situé au
dessus du village de Sus, sur un terrain de plus de cinq hectares".
Cet important ensemble immobilier et foncier devait être mis en vente
le vendredi 22 mars à 14 heures à l'audience des saisies immobilières du
tribunal de grande instance de Pau et les enchères commençaient à 76.224,51
euros. La municipalité de Sus aurait certes eu la possibilité de faire
jouer son droit de préemption pour se porter acquéreur en priorité de ce
bien immobilier à forte valeur patrimoniale mais le maire, comptable des
deniers publics, avait déclaré que cette possibilité était au dessus des
moyens financiers de la commune. Le château en question est en effet en
assez mauvais état et il faudrait engager des frais importants pour le réhabiliter,
sans préjuger du coût de l'entretien ultérieur.
En clair, la municipalité et les habitants de Sus nourrissaient la
crainte que Ruben and Brothers mette le grappin sur un deuxième château de
leur commune. "Nous sommes très inquiets, car cette organisation a
déjà tenté d'ajouter ce château à son patrimoine, lors d'une précédente
transaction" déclarait ainsi le premier magistrat de Sus au
quotidien La République des Pyrénées.
Aux dernières nouvelles, cependant, la propriétaire du château a pû régler
ses dettes et, en conséquence, la procédure de vente sur saisie a été
annulée, in-extremis.
Autarcie, refus des vaccinations, malnutrition...
Cet épilogue heureux ne masque pourtant pas combien est difficile la
lutte contre la puissance financière des sectes. La bataille paraissait
perdue d'avance dans le cas du deuxième château de Sus. L'une des seules
chances pour éviter que la communauté Tabitha's Place ne se porte
acquéreur, c'était la publicité faite autour de cette affaire, car c'est
une constante de toutes les sectes de détester être mises sous le feu des
projecteurs. Le
monde des totalitarismes exècre la circulation de l'information.
La "Sécu " est donc obligatoire
(...) Bien entendu, tout homme a le droit, s'il est convaincu du
bien-fondé d'un tel système social, d'y contribuer volontairement. Mais,
si les hommes sont responsables de prendre soin des nécessiteux, Dieu n'a
pas mis dans leur conscience de partager avec les fainéants: "Si
quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus" (2
Thessaloniciens 3:10). Pour cette raison, un gouvernement qui force
quiconque à partager, détruit les valeurs humaines et favorise une
société d'assistés qui dégénère moralement (...)
Nous ne pouvons exposer nos enfants à aucune
violence, perversion, haine et pression de groupe.
La dégradation croissante du standard moral dans les institutions
éducatives nous interdit de leur confier nos enfants (...)
L'absence de nos enfants des bancs scolaires est ainsi justifiée. Une
seule pomme gâtée suffit à faire pourrir tout un panier (...) Nulle autre
structure que notre communauté ne pourrait être qualifiée pour éduquer
nos enfants, car il est évident qu'aucun établissement scolaire n'est
apte à accomplir la volonté de Dieu sur la terre (...)
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Ni Sécurité sociale, ni école publique, voici le credo des "Douze
Tribus".
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Une information qui, à plusieurs reprises, a mis au grand jour les
pratiques sociales sectaires ayant cours au sein de la communauté de Sus. Libre
aux membres de Tabitha's Place de se prétendre détenteurs de la foi
véritable. Plus inquiétante en revanche leur conception de l'éducation des
enfants, dans le cadre d'une autarcie totale car, selon les penseurs et
zélateurs de l'Ordre Apostolique, "il devient évident que pour
maintenir l'atmosphère d'amour et d'ordre qui découle de la pratique de la
foi véritable, la communauté doit éduquer elle même ses jeunes
enfants". Autrement dit, à Tabitha's Place, comme dans toutes les
communautés sectaires fermées, l'endoctrinement et la rupture avec la
société commence dès le plus jeune âge.
Au même titre que d'autres sectes, l'Ordre Apostolique refuse également
la vaccination contre les maladies et plus généralement adopte une attitude
d'opposition à la médecine moderne. Si l'on ajoute à ces faits avérés et
d'ailleurs assumés par les membres de la communauté, des informations
concordantes faisant état de malnutrition et de conditions d'hygiène pour
le moins insuffisantes, il n'est pas surprenant qu'un jour le drame
survienne. Ce fut le cas en 1997 où un enfant élevé dans la communauté de
Sus mourut d'une malformation cardiaque non soignée, aggravée par un
rachitisme. Les parents ont été condamnés en octobre 2001à 12 ans de
réclusion criminelle pour "défaut de soins et d'alimentation".
Cette dramatique affaire a au moins eu le mérite de mettre les
autorités publiques devant leurs responsabilités. Elles ont commencé à
intervenir là où elles ont pouvoir pour le faire, à savoir au niveau de la
protection de l'enfance. Ainsi, sur ordonnance d'un juge pour enfants du
tribunal de Pau, "des mesures d'assistance en milieu ouvert ont été
prises pour une cinquantaine d'enfants vivant au sein de la secte et deux
travailleurs sociaux par famille ont été nommés pour rencontrer
régulièrement parents et enfants et adresser un rapport aux
magistrats" (La République des Pyrénées - 20.12.2001). Devant
le refus des parents de faire vacciner leurs enfants et de les scolariser
en dehors de la communauté, 10 mesures de placement en famille d'accueil
ont été ordonnées par les autorités judiciaires.
Une implantation en Pays Basque sud...
Il fallait cependant se douter que la secte ne se laisserait pas faire
et trouverait une parade. Celle-ci se concrétisa par la fuite d'une mère et
des ses six enfants... tandis que le père de famille, resté à Sus, se
bornait à répondre aux gendarmes et au juge qu'il ignorait vers quelle
destination étaient partis sa femme et leur progéniture. Une explication
qui n'a pas eu l'heur de plaire à la justice qui l'a mis en examen pour
non-représentation d'enfant, assorti d'un placement sous contrôle
judiciaire. La mère et les enfants ont très certainement rejoint une des
autres communautés de l'Ordre Apostolique et, peut-être, vu la proximité
géographique, un des trois centres situés en... Pays Basque Sud!
En effet, faute de châteaux en Euskal Herria (Pays Basque), Twelve
Tribes s'est accaparé un local à Donostia (Saint-Sébastien-Gipuzkoa) et
deux propriétés à Irun (Gipuzkoa) et Zeberio (Bizkaia). L'Europe de
Schengen se préoccupant essentiellement de pourchasser les
"terroristes", la secte peut ainsi tranquillement faire un pied
de nez aux autorités judiciaires françaises. Même si un jour l'Europe
judiciaire représentait un danger pour ces entreprises totalitaires,
l'Ordre Apostolique aurait toujours la possibilité de jouer de son
implantation à travers le monde. Elle est présente sur presque tous les
continents - l'Afrique est une curieuse exception -, si l'on en croit son
site Internet. Eh oui, même les sectes les plus obscurantistes ont compris
le parti qu'elles pouvaient tirer des moyens de communication - de
propagande en l'occurrence modernes.
... et une utilisation de la langue basque!
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Le site Web des "Douze Tribus" présente même des textes en
langue basque.
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Le site en question présente bien évidemment The Twelve Tribes comme
l'antichambre terrestre du paradis céleste, un lieu où tout est amour et
harmonie, dans l'extase adoration du divin... Cette littérature
dithyrambique est déclinée - internationalisme sectaire oblige - en
différentes langues et si on s'attend à y retrouver l'anglais, le castillan
(l'espagnol), le français, voire l'allemand ou le portugais, il est plus
surprenant de découvrir des textes en slovaque, afrikaans, magyar et...
euskara! Eh oui, notre langue a droit de cité dans le monde sectaire des
Douze Tribus!... Une singularité dont nous nous serions d'ailleurs fort
bien passé.
Car même si le texte en euskara intitulé Gizarte berri bat (Une
nouvelle société) est classifié "version española" (sic!), il
n'en demeure pas moins qu'il est, linguistiquement parlant, de fort bonne
facture. A sa lecture, il est tout à fait évident qu'il a été rédigé - ou
traduit - par un bascophone maîtrisant très bien la langue. Bien des textes
produits par le monde abertzale sont de bien moindre qualité... et que dire
de ceux qui ressortent des secteurs peu sensibles à la chose basque! Ceci
étant dit, en euskara comme dans toute autre langue, la prose sectaire joue
toujours sur les mêmes ressorts, le premier d'entre eux étant la tromperie.
Mieux vaut Emmaüs que Yahshua...
Une tromperie que l'on retrouve dans l'annonce citée en début de notre
propos, car il ne fait pas de doute qu'au delà des intérêts marchands,
Ruben and Brothers vise à élargir le cercle des adeptes. Or, contrairement
à une idée reçue, même des personnes parfaitement équilibrées, sans
problème psychologique particulier voire sachant dès le départ à qui elles
ont affaire, peuvent tomber dans les filets de cette secte où d'une autre. Le
regretté Gérard Toussaint, cheville ouvrière de l'ADFI Pyrénées Atlantiques
(Association pour la Défense des Familles et de l'Individu - association
luttant contre les menées sectaires) affirmait que la secte de Sus avait
l'une des méthodes de manipulation mentale les plus performante, supportant
largement la comparaison avec celle, par exemple, de la Scientologie.
Il ne faudrait donc pas que la personne de bonne foi (sans jeu de mots)
qui viendrait au château de Sus chercher une table de salle à manger ou
mettre en dépôt-vente son réfrigérateur se retrouve au bout du compte
embrigadé dans l'Ordre Apostolique. D'autant plus que, la tribu de Sus
vient de rajouter une nouvelle flèche empoisonnée à son arc, puisque dans
une autre annonce, parue toujours sur le même support, elle se propose
carrément de venir chez les particuliers. Le texte en question spécifie en
effet: Communauté débarrasse rapidement maison, cave, garage, grenier... Il
n'est pas précisé que l'Ordre Apostolique peut tout aussi bien débarrasser
l'individu de son sens critique et de ses facultés de penser et d'agir
librement mais c'est bien le risque que l'on court en ayant affaire à ce
qui est un système totalitaire parfaitement rodé.
Si l'on veut désencombrer son grenier, se défaire des meubles ou
vêtements dont on n'a plus l'utilité, il est certes plus judicieux de faire
appel à la communauté d'Emmaüs plutôt qu'aux pseudo apôtres de Yahshua...
Cet
article a été publié le 27 mars 2002 dans le n°15 des Enquêtes
interdites.
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