Agota Kristof

Littérature - Article publié le : mercredi 27 juillet 2011 - Dernière modification le : mercredi 27 juillet 2011

Mort de l’écrivaine hongroise Agota Kristof en Suisse

Agota Kristof dans les années 1970P. Treuthardt

Par Siegfried Forster

Victime d’une migration forcée après l’écrasement de la révolution hongroise par le régime communiste en 1956, Agota Kristof s’est refugiée en Suisse. Ce mercredi 27 juillet 2011, la romancière hongroise est décédée, à l’âge de 75 ans, dans sa demeure suisse de Neuchâtel. Elle avait écrit la plupart de ses œuvres dans sa langue d’adoption, le français. Ses romans ont reçu de nombreux prix et ont été souvent comparés aux écrits des plus grands comme Samuel Becket et Eugène Ionesco.

C’est l’histoire sordide de deux jumeaux sous l’occupation allemande en Hongrie qui a contribué à la gloire d’Agota Kristof. La trilogie Le Grand cahier (1986), La Preuve (1988), Le Troisième mensonge (1991) a été traduite en 37 langues. Elle avait reçu le Prix littéraire européen pour le premier tome. Un roman passionnant qui avait aussi déclenché une polémique au-delà de la littérature. En 2000, un procureur de la République française avait placé en garde à vue un jeune professeur de lettres. Son crime ? Des parents d’élèves avaient déposé une plainte pour la promotion de « la zoophilie (bestialité) et de la pédophilie ». Le professeur avait donné à ses élèves de 3ème à étudier Le Grand cahier d’Agota Kristof. Il a fallu l’intervention du ministre de l’Education nationale de l'époque, Jack Lang, pour arrêter les sanctions…

La survie en Suisse

Née le 30 octobre 1935 dans Csikvánd, village hongrois à l'ouest de Budapest, Agota Kristof a dû quitter l’Hongrie après la révolution malmenée par les chars soviétiques en 1956. Ses œuvres sont marquées par un style noir et cruel, mais également imprégnées d’une certaine volonté de laisser une trace et elles évoquent souvent le monde de l’après-guerre. Toute sa vie, elle avait regretté d’avoir dû quitter son pays. Son exil en Suisse, en 1956, avec son mari, un professeur d’histoire très engagé politiquement, et leur fille âgée de 4 mois, est resté un traumatisme pour la femme, mais en même temps une source d’inspiration pour l’écrivaine. Son choix d’écrire en français n’était pas une volonté délibérée mais une nécessité pour assurer la survie. Exilée, elle a dû travailler dans une fabrique d’horlogerie pour subvenir aux besoins de sa famille tout en restant fidèle à son destin de romancière. Elle a travaillé aussi beaucoup en tant que dramaturge pour le théâtre comme témoignent ses pièces John et Joe (1972), Un rat qui passe (1972) ou La Clé de l’ascenseur (1977).

Un exil transformé en littérature

Pendant son exil, elle a écrit 23 drames pour le théâtre en français, mais seulement 9 ont été joués en public. En 2005, elle avait publié C'est égal, qui rassemble 25 textes de l'écrivaine. Ces dernières années, elle a vécu coupée du monde dans un silence littéraire. Quelques mois avant sa mort, elle a reçu avec une grande satisfaction le prix Kossuth décerné par les autorités hongroises.