Post date: 27 déc. 2013 16:28:03
Comme le gouvernement français s'y était engagé auprès de la Commission européenne, la France a bien adopté fin 2013 une réforme des retraites. Le processus a été long puisqu'il a démarré à la fin de la première conférence sociale organisée les 9 et 10 juillet 2012 au Palais d'Iéna, à Paris. L'exécutif a veillé à consulter plusieurs fois les partenaires sociaux tout au long de l'année. Matignon a également constitué un groupe d'experts présidé par la conseillère d'Etat Yannick Moreau chargé de formuler des propositions de réforme.
Au final, peu d'entre elles ont été retenues par le gouvernement. Celui-ci a opté pour une réforme plutôt a minima en se préoccupant uniquement du déficit du régime général des salariés et en occultant ceux des régimes complémentaires et surtout des régimes de la fonction publique. Le levier traditionnel de la hausse des cotisations est utilisé pour combler à court terme le besoin de financement du régime général. Pour le moyen et long termes, l'allongement de la durée de cotisation a été préféré, comme annoncé, à un nouveau recul des bornes d'âges.
Des mesures qui n'ont pas suscité une forte mobilisation dans la rue. En réalité c'est au Parlement, pourtant à gauche, que l'opposition a été la plus forte. Le Sénat a rejeté par deux fois le projet de loi sur les retraites et les députés socialistes ont voté contre le gel des pensions prévu par la réforme en 2014. 2013 a également été marquée par l'accord du 13 mars conclu par les partenaires sociaux, gestionnaires des retraites complémentaires, et qui s'est soldé par une désindexation des pensions Agirc et Arrco. Par ailleurs, l'année voit lamise en place d'une nouvelle taxe prélevée sur les pensions et destinée à financée la dépendance. Rétrospective d'une année placée sous le signe des retraites.
22 janvier 2013 : publication du 12ème rapport du COR
Conformément à la « feuille de route » de la première conférence sociale, le Conseil d'orientation des retraites (COR) publie, après un premier rapport sur les perspectives financières des 33 principaux régimes en 2020, 2040 et 2060, un second rapport sur les inégalités du système des retraites. Ce document pointe notamment l'écart de 30% en moyenne entre les montants des pensions des hommes et des femmes. Il souligne également le traitement souvent désavantageux des « polypensionnés » dû aux différents modes de calcul des pensions. Ces deux rapports vont servir de documents de référence pour l'élaboration de la réforme des retraites.
28 février 2013 : installation de la commission pour l'avenir des retraites
Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, installe la commission pour l'avenir des retraites, également prévue dans la « feuille de route sociale ». Ce groupe de 10 experts, présidé par la conseillère d'Etat et ex-présidente du COR, Yannick Moreau, est chargé « d'identifier les différentes pistes de réforme permettant d'assurer l'équilibre des régimes de retraite, à court, moyen et long terme, et d'en renforcer la justice, l'équité et la lisibilité pour les assurés. »
13 mars 2013 : accord sur les retraites complémentaires
Les partenaires sociaux, gestionnaires des régimes de retraites complémentaires Arrco (pour tous les salariés) et Agirc (pour les seuls cadres), instaurent des mesures difficiles pour restaurer les finances de ces régimes dont le déficit cumulé pourrait atteindre 8,5 milliards d'euros en 2017. Une hausse des cotisations de 0,10 point (supportée à 50% par les entreprises et à 50% par les salariés) est mise en place en 2014 et 2015. Surtout, les pensions vont subir une revalorisation annuelle en deçà de l'inflation durant trois ans. Au lieu d'être revalorisées en 2013 de 1,3% comme les retraites de base, les retraites Arrco augmentent de seulement 0,8% et les retraites Agirc de 0,5%. Les niveaux de sous-indexation appliqués en 2014 et 2015 seront inférieurs de 1 point à l'inflation sans toutefois pouvoir être négatifs.
1er avril 2013 : instauration de la nouvelle taxe sur les pensions
La contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) entre en vigueur. Destinée à financer la perte d'autonomie, cette nouvelle taxe de 0,3% est prélevée sur les pensions de base, complémentaires, de réversion et d'invalidité des retraités assujettis au taux plein de contribution sociale généralisée (CSG) de 6,6%. Seuls les pensionnés soumis au taux réduit de CSG de 3,8% ou exonérés de CSG ne supportent pas la Casa. Au final, près de la moitié des retraités français sont éligibles à cette taxe prélevée « à la source ».
13 mai 2013 : organisation des « entretiens bilatéraux »
Jean-Marc Ayrault reçoit un à un, à Matignon, les représentants des huit organisations patronales et syndicales représentatives (Medef, CGPME, UPA, CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC) en vue de préparer la deuxième conférence sociale. Le chef du gouvernement renouvelle l'exercice le 15 mai avec les syndicats dits « autonomes » (Unsa, Sud et FSU).
14 juin 2013 : présentation du rapport de la commission Moreau
Le rapport de la commission pour l'avenir sur les retraites, présidée par Yannick Moreau, est remis au Premier ministre. Ce document recense différentes pistes de réforme du système de retraites. Le gouvernement s'en est inspiré pour rédiger le projet de loi sur les retraites notamment pour le compte pénibilité.
Toutefois, le rapport préconisait d'aller plus loin dans l'allongement de la durée de cotisation (44 ans au lieu de 43 ans prévus dans le projet de loi) et proposait une hausse des cotisations plus réduite (+ 0,40 point au lieu de + 0,60 point). Surtout, il conseillait de solliciter davantage les retraités via la suppression de leur abattement fiscal de 10%, l'alignement du taux de CSG de 6,6% sur le taux de 7,5% des actifs, voire une désindexation des pensions. Yannick Moreau militait également pour le remplacement de la majoration de retraite octroyée aux parents d'au moins trois enfants par un forfait versé uniquement à la mère dès le premier enfant.
20 et 21 juin 2013 : organisation de la deuxième conférence sociale
Les représentants des syndicats, du patronat et du gouvernement se réunissent au Palais d'Iéna, à Paris, où siège le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Une table-ronde est consacrée à la réforme des retraites. Rien n'en ressort.
27 août 2013 : présentation des grandes lignes de la réforme
Jean-Marc Ayrault annonce les principales mesures de la réforme des retraites : allongement de la durée de cotisation de 41,5 à 43 ans d'ici 2035, hausse des cotisations vieillesse de 0,60 point de 2014 à 2017, report de la revalorisation annuelle des pensions de base du 1er avril au 1er octobre, intégration des majorations de retraite dans les revenus à déclarer et création du compte personnel de prévention de la pénibilité réservé aux salariés exposés à des risques professionnels.
10 septembre 2013 : manifestation nationale contre la réforme
La CGT, FO, FSU et Solidaires appellent à manifester contre le futur projet de loi sur les retraites. La journée connaît une faible participation. Les 181 manifestations prévues dans toute la France rassemblent 360.000 personnes selon la CGT (155.000 d'après la police). A titre de comparaison, les 264 cortèges contre la précédente réforme avaient réuni, le 16 octobre 2010, 3 millions de manifestants selon la CGT (825.000 pour la police).
18 septembre 2013 : présentation du projet de loi en conseil des ministres
Le projet de loi « garantissant l'avenir et la justice du système de retraites » est présenté en conseil des ministres. Le texte détaille les mesures présentées le 27 août à l'exception des dispositions fiscales comme la Constitution l'oblige. La fiscalisation des majorations de retraite figure dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2014 présenté le 25 septembre et la hausse des cotisations dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 dévoilé le 2 octobre.
15 octobre 2013 : vote en première lecture du projet de loi sur les retraites à l'Assemblée
Le projet de loi est adopté avec seulement 10 voix de plus que la majorité absolue. L'examen du texte est marqué par un « couac », des députés socialistes ayant voté contre le report de la revalorisation annuelle des retraites de base au motif que la mesure effective dès 2014 va se traduire par un gel des pensions durant six mois l'an prochain et provoquer une perte de pouvoir d'achat chez les retraités.
5 novembre 2013 : rejet du projet de loi à l'unanimité au Sénat en première lecture
Le texte est détricoté par les sénateurs de l'opposition mais aussi communistes au point que les sénateurs socialistes sont contraints de voter contre le projet de loi.
27 novembre 2013 : vote en seconde lecture du projet de loi à l'Assemblée
Le texte est adopté cette fois-ci avec 23 voix de plus que la majorité absolue. Le gouvernement a été obligé de passer par le « vote bloqué » qui limite le texte aux amendements défendus par l'exécutif, les députés socialistes ayant encore rejeté le report de revalorisation.
16 décembre 2013 : nouveau rejet du projet de loi au Sénat en seconde lecture
18 décembre 2013 : vote définitif du projet de loi sur les retraites
La version du texte votée à l'Assemblée nationale est définitivement adoptée, la Chambre basse ayant le dernier mot. Le 19 décembre 2013 est adopté le PLF pour 2014. Le PLFSS pour 2014 a, lui, été voté le 3 décembre 2013.