La télévision

Il ne s'agit pas, en ce qui concerne la télé, de dresser une liste de séries pour ados car le site n'y suffirait pas, mais plutôt de mesurer les influences réciproques. Or, les rapports entre teen movies et télévision sont étroits : l'inspiration circule dans les deux sens.

La télé : un banc d'essai et un refuge

Beaucoup d'acteurs ont commencé par la télé, un peu moins exigeante il y a 20 ou 30 ans. Ca a été le cas de Richard Dreyfuss (American Graffiti), Sissi Spacek (Carrie), John Belushi (American College) dans Saturday Night Live ou a débuté aussi Bill Murray (Arrête de ramer...), Sean Penn (Fast Times...), Ralph Macchio (Outsiders, Karate Kid), Patrick Swayze (Dirty Dancing), Emilio Estevez (Breakfast Club), Coutney Cox (Scream), Michael Cera (Supergrave, Be Bad !)...

Bill Murray et John Belushi au Saturday Night Live

Certains acteurs, ayant une carrière déclinante, s'y sont réfugiés. C'est le cas de Molly Ringwald, qui n'apparaît plus guère au cinéma, ou aussi Michael J. Fox et Judd Neslon.

Ce démarrage ou ce refuge à la télé semble moins s'appliquer aux réalisateurs : beaucoup ont commencé directement par le cinéma et soit y ont continué, soit semblent avoir arrêté.

Enfin, la télé a permis la survie de très nombreux films mineurs, sortant parfois directement en VHS puis en DVD, entretenant le genre par une production abondante de seconde zone.

National Lampoon est le titre original de American College (en référence aux magazines humoristiques du Havard Lampoon et du National Lampoon). Aujourd'hui, c'est une boîte de production spécialisée dans la comédie lourdingue (la série B, voire Z, du teen movie), comme l'atteste cette liste impressionnante de films.

Eh oui... Désormais, Molly Ringwald joue les rôles de môman (dans la série TV The Secret Life of American Teenager).

Les films, source d'inspiration pour la télé

Des films qui ont rencontré du succès ont parfois donné envie de prolonger le plaisir (et les gains) par des séries télé.

C'est le cas de Fame, à partir du film du même nom, qui a alimenté 5 ans de diffusion TV. American College a inspiré directement une série avec les mêmes rôles (mais des acteurs différents : Delta House), et indirectement deux autres (Co-Ed Fever et Brothers & Sisters). Fast Times at Ridgemont High a encouragé la création de 7 épisodes de Fast Times .

L'inspiration est parfois indirecte : Happy Days pioche dans le revival d'Amerivan Graffiti (la série commence à être diffusée un an après le film). Pour Clueless, c'est la réalisatrice du film qui a pris en main la série télé. Avant d'être la célèbre série, Buffy a d'abord été un film (Buffy, tueuse de vampires) plusieurs années auparavant. 10 bonnes raisons de te larguer a entraîné une suite immédiate mais éphémère avec le même nom et le même scénario.

Happy Days surfe sur la vague de la nostalgie pendant 10 ans... Si Fonzie est le personnage le plus connu (l'acteur joue le rôle du proviseur dans Scream, où il se recoiffe comme dans la série), le petit rouquin Ron Howard (debout avec la veste rouge) est devenu réalisateur célèbre.

Il arrive que la série soit d'excellente qualité.

La Folle journée de Ferris Bueller a d'abord donné lieu à une série Ferris Bueller vite arrêtée, où a débuté Jennifer Aniston. Mais le personnage désinvolte inspire la création de la très bonne série Parker Lewis ne perd Jamais au début des années 1990. Bourrée de références cinématographiques, avec un traitement proche de la BD et du dessin animé, pleine d'humour et même parfois politiquement incorrecte, elle reste une série étonnante qui a très bien vieilli (même si la 3e et dernière saison n'est pas à la hauteur). Il arrive même que la série soit bien meilleure que le film : c'est le cas de Code Lisa (au milieu des années 1990) qui reprend le titre (anglais), l'histoire et les personnages de Une Créature de rêve, avec un traitement beaucoup plus loufoque, un humour décapant et second degré, un vrai rythme, des parodies des grands succès télé et ciné de l'époque... plus un soupçon d'érotisme (grâce à Vanessa Angel).

Parker Lewis : une série quasi culte

Code Lisa : beaucoup plus drôle que l'original

Plus récemment, l'exceptionnelle série Friday Night Lights s'inspire directement de deux films : celui qui porte le même nom (de 2004) et American Boys (1999), qui puisent tous à la même source (un livre de 1990). Entre American Boys et la série, les coïncidences sont nombreuses : la petite ville texane, où une équipe de football lycéenne est dirigée par un entraîneur charismatique et où une partie de la population ne vit qu'à travers les compétitions locales. Le quaterback vedette y est blessé et remplacé par un jeune inexpérimenté qui doit prouver sa valeur sur le terrain. La petite amie du quaterback blessé le quitte; la copine du nouveau quaterback s'appelle Jules. L'équipe est en lice pour remporter le championnat régional, ce qui pourrait la placer dans la sélection nationale. Plusieurs des joueurs doivent se soucier en plus de leur admission à l'université, par l'intermédiaire des bourses sportives.

Et même la couleur est identique...

(Friday Night Lights / American Boys)

Ceux qui ont besoin de revenir aux sources du teen movie débile et régressif découvriront avec le mélange de joie et de consternation qui caractérise le genre la désopilante série Blue Mountain State qui détourne la plupart des séries sur le foot US.

Et il est à parier que vous ne mangerez plus jamais un Oréo de la même manière (Blue Mountain State, saison 1, épisode 1).

Quand la télé passe au ciné

Le succès de certaines séries pour ados peut donner l'idée aux producteurs de passer sur grand écran. C'est surtout le cas de High School Musical, créés d'abord sous la forme de deux téléfilms, avant d'arriver au cinéma pour l'opus 3.

Mais c'est plus pour les acteurs que le cinéma représente une forme de promotion, et probablement l'envie d'échapper à un univers de séries d'autant plus sclérosant qu'il peut s'étaler sur des années. Ca semble surtout être la préoccupation des plus jeunes (Zac Efron, Chace Crawford, Miley Cyrus...), sans aucune garantie.

Malgré un rôle récurrent dans Scream, on ne peut pas dire que la carrière cinématographique de Courtney Cox soit à la hauteur de sa carrière télévisuelle (Friends). Par contre, elle y a au moins trouvé son mari (David Arquette).

Une vraie réussite de passage de la télé vers le cinéma : Les Boloss ou Inbeetweners, film sequel de la série britannique délirante. Les deux formes (télé et ciné) ont toutes deux connu un grand succès et la série télé est à mourir de rire.

La chaîne traditionnelle bouleversée

La chaîne traditionnelle était la sortie du film au cinéma, suivie à partir des années 80 d'une sortie en VHS pour les vidéo-clubs puis pour le marché privé (en DVD à partir des années 2000), d'une éventuelle diffusion à la télé, notamment sur La Cinq (lieu de refuge pour une quantité incroyable de nanars au tournant des années 80 et 90) puis sur M6.

Désormais, il n'y a plus de règles : certains films sortent en salle dans certains pays, mais directement en DVD chez nous (c'est le cas de la quasi-totalité de la production depuis les années 90). D'autres commencent leur carrière à la télé, puis peuvent susciter une sortie cinéma pour une suite, ou une adaptation (High School Musical 3). Deux carrières parallèles peuvent même coexister (American Pie 4 "officiel" sort au cinéma en mai 2012, alors que la franchise en identifie un autre comme tel depuis 2005).

Et pour bouleverser le paysage récent, l'irruption de grands opérateurs de streaming (dont Netflix mais aussi Amazon, Disney+...) permettent à certains teen movies d'être diffusés sans jamais connaître le moindre support matériel privé ou les joies de la grande salle de cinoche.

Il arrive même que des séries télé qui marchent bien déclenchent la sortie d'un film en salle (Glee).

High School Musical : grosse machine Disney, testée d'abord à la télé avant de financer une suite cinématographique, parlante et en couleur et désormais sur Disney+.

Les séries télé : nouveau paradis du teen movie ?

Le renouveau considérable des séries télé depuis le milieu des années 90 brouille un peu les cartes.

S'il est difficile de mesurer à quel point l'écriture et la réalisation des séries influence celles des films, il est indéniable de constater une augmentation considérable de la qualité de ce qui est montré sur le petit écran. De ce fait, les allers et retours entre cinéma et série à succès sont plus légitimes et valorisés, comme pour Rob Lowe qui multiplie les apparitions dans les séries, Anthony Michael Hall (qui revient en force avec Dead Zone) ou James Spader (Boston Justice). Il s'agit quand même le plus souvent de la génération montante : Neve Campbell (entre la série des Scream et Medium), Hilary Duff (qui doit caser aussi sa carrière musicale), Hayden Panettiere, James Van Der Beek (entre Dawson et American Boys)...

Le cas de Kim Cattrall est extrême : elle a commencé par le cinéma (un mémorable petit rôle dans Porky's), mais est bien plus célèbre pour son rôle de Samantha dans Sex and the City à la télé. En revanche, on notera une grande cohérence dans le choix de ses rôles...

L'innovation pour le teen movie va-t-elle venir des séries télé, comme c'est déjà le cas dans le domaine du polar ou du film historique ?

Car depuis les années 90, la quantité est au rendez-vous. La qualité aussi, tant dans le teen angst (Friday Night Lights, 13 reasons why) que la comédie déjantée (The inbeetweners, Blue Mountain State, Bad Education).

La capacité à complexifier une histoire avec de multiples fils scénaristiques, à développer des personnages, à détailler un univers de référence, à travailler à la fois sur le temps long (de la durée) et le temps court (de l'épisode) sont de sérieux atouts pour le format de la télé. Si on y ajoute l'impression que le teen movie a quelque peu épuisé ses sujets et qu'il ne peut guère aller plus loin dans le gross-out (l'humour excessif), on ne pourra qu'être d'accord avec le titre du livre ci-contre.