Un peu d’histoire
Du forgeron à l'inventeur...
L’être humain développe son instinct et son intelligence au fil de ses expériences. Plus fréquentes sont les situations d’apprentissage plus il devient « débrouillard » et inventif.
Au cours d’une vie, les besoins amènent les plus débrouillards à transformer des objets existants pour les adapter à une situation donnée. Ils deviennent « patenteux ».
Ceux qui vont au-delà de la transformation et arrivent à créer quelque chose de nouveau sont nos « inventeurs »..
Robert Levesque est l’un de ceux-là. Un bref coup d’œil sur son histoire le fera mieux connaître.
Né à Saint-Ulric de Matane (Rivière-Blanche) le 3 août 1913 de Philomène Gendron et de Joseph Levesque, Robert est le quatorzième d’une famille de 21 enfants. De ceux-ci, deux décèdent à la naissance et trois filles, Colette (4 ans), Marie-Alice (15 ans) et Rolande (8 ans) sont victimes de la diphtérie au cours de trois semaines consécutives en octobre 1923.
Dès l’aube de l’adolescence, à onze ou douze ans, monsieur Levesque doit user de débrouillardise pour seconder son père dans la forge familiale. A quinze ans et contre la volonté de ses parents il se fait engager pour « cager » des barreaux chez un exploitant forestier à Causapscal. Au cours du même hiver, de septembre à avril, il travaille comme « showboy » ou aide cuisinier dans un chantier forestier à Albertville toujours dans la région de la Matapédia. Le salaire mensuel de l’époque était de vingt-six dollars par mois.
À seize ans il fait la drave dans le secteur de Matane sur la Towagodi et la Dalhousie, près d’Amqui. En février 1931, il revient passer quelques mois avec son père dans la boutique de forge familiale à St-Ulric et vient prendre quelque expérience dans la forge à Rimouski.
De temps à autres, de passage dans son village, il aimait bien, sans doute pour satisfaire son intérêt pour la mécanique et sûrement pour rencontrer quelques amis, passer un moment au garage de M. Georges Fournier. Au cours de l’une de ces visites il advint que le garagiste avait vidangé le réservoir à essence d’une automobile dans une chaudière. L’étincelle d’une soudure enflamma l’essence. Devant l’éminence d’une conflagration, Robert empoigna le contenant pour le déplacer d'une dizaine de mètres durant que l’essence en feu lui coulait sur les mains. A la rescousse, un bon samaritain dont le nom s’est perdu dans le temps, lui fait tremper les mains dans un récipient d’huile à poêle. Il fut surpris du soulagement procuré par ce médicament de fortune. Ses mains guérirent en quelques semaines et ne gardèrent que peu de traces de cette aventure. Au cours de sa vie, l’huile à poêle est devenue le médicament miracle vers lequel il s’est fréquemment tourné pour désinfecter toute coupure ou brûlure … n’en déplaise aux incrédules de quelque acabit que ce soit.
En avril 1933, il s’installe à Saint-Tharcicius et bâti sa première boutique de dimensions modestes, environ seize pieds sur vingt. Tout l’outillage tenait dans un traîneau tiré par un cheval. Puis, comme l’entreprise s’annonce prometteuse, à l’été il construit une nouvelle boutique plus confortable de quarante pieds sur vingt-cinq. En hiver il travaille au moulin-à-scie de M. Louis-Philippe Saint-Laurent. Il y apprend la soudure électrique et au gaz. Aussi prend-il goût à ce type de travail.
Encouragé par M. Laflamme, son voisin et administrateur pour la colonisation, il décide de faire ses premières expériences comme chef d’entreprise. Il construit et opère consécutivement deux moulins à scie.
Dans le premier, il évite de justesse de périr par les flammes allumées par un compétiteur envieux. L’ individu, père d’une famille nombreuse, s’en tira à bon compte protégé par une intervention du curé du village.
À un autre moment, son pantalon, happé par une poulie du moteur à vapeur qui actionnait la grande scie, M. Levesque évite de justesse d’y laisser une jambe.
C’est dans le deuxième moulin à scie qu’un contrat abusif lui fera tout perdre, moulin, boutique de forge, maison, camion. On est alors en 1936. Il répétera à ses enfants que cette période a été son cours commercial et universitaire. Il y a appris durement le fait légal. Son courage inébranlable et le soutien de quelques vrais amis lui ont permis de repartir à zéro. Selon ses propres mots, « … à partir de là ç’a toujours bien été ».
Il revient à Saint-Ulric et son père lui transmet sa boutique de forge. Il modernise les équipements principalement en introduisant l’électricité. Désormais des moteurs électriques actionnent les perceuses, les soufflets et les autres outils habituellement opérés manuellement. Une fois la clientèle assurée, il transmet l’entreprise à trois de ses frères plus jeunes et encore sous le toît familial … lui a le goût de nouveaux défis.
Il monte dans le train pour s’arrêter d’abord à Québec. Là, au restaurant de la Gare du Palais et au hasard d’une discussion, un autre voyageur lui suggère de se rendre à Val-d’Or où l’exploitation minière réclame des travailleurs de plusieurs métiers. Il paie donc son passage pour Val-d’Or où l’on propose à ce forgeron-soudeur d’effiler les forets qu’utilisent les mineurs. C’est un travail à effectuer sous terre, au fond de la mine. Il ne ressent aucun attrait pour le travail sous la terre et opte plutôt pour ouvrir une boutique de forge dans cette ville en effervescence. Mais, une ville minière n’apporte pas une clientèle suffisante pour un forgeron. Ses clients lui conseillent d’aller là où il y a des cultivateurs. Un peu plus d’un mois après, il part pour Amos en Abitibi. Il loue une boutique qui était fermée, fait imprimer un feuillet publicitaire et propose à la population les services d’un « maréchal-ferrant », s’étant qualifié pour ferrer, héberger et soigner les chevaux.
La qualité de son travaille lui assure rapidement une clientèle assidue. Il doit même prendre à son emploi le propriétaire de la boutique, un bon forgeron. Tout va si bien qu’au printemps il achète un terrain près de la rivière Aricana et bâti une nouvelle boutique, plus grande et mieux équipée où l’accompagne son employé. Il besogne là jusqu’en 1939 et revient à Rimouski.
A l’été 1940 il épouse Rose-Alice Pelletier, qu’il avait rencontrée à Amos. Elle sera son épouse et la complice de tous ses projets. Ensemble ils s’installent à Rimouski, ville du Bas-du-Fleuve Saint-Laurent. Là, ils construisent sur la rue Saint-Jean-Baptiste une boutique de forge et une maison de quatre appartements.
L’année suivante ils s’installent dans le quartier Nazareth en y bâtissant une maison et une boutique de forge. En 1942 naissent les premiers enfants, deux filles, des jumelles.La guerre étend ses tentacules en Europe. L’Amérique subit le rationnement qui en découle. Le travail se fait rare et l’argent aussi. Monsieur Levesque se rend seul à Arvida pour travailler à la Canadian Abrasive où il fait l’entretien de la machinerie d’une fonderie. Dans les moments de moindre achalendage il rend l’atelier de travail plus fonctionnel et arrive même à récupérer des « pots » que la compagnie considérait comme inutilisables. L’appréciation de ses employeurs lui permet de prendre un mois de congé durant lequel il vient à Rimouski pour y construire une roulotte qui lui permet de ramener avec lui sa petite famille.
Installé avec les siens à une centaine de pieds de l’usine et alimentés en électricité par la compagnie, il devait en contre partie, à toute heure du jour ou de la nuit, être disponible pour dépanner celle-ci. De la roulotte, madame Pelletier, elle, en plus de s’occuper de ses deux filles offrait aux employés de l’usine quelques items de restauration. Sur le plan financier, cet épisode fut sûrement positif mais … il y a … le mal du pays. On est en 1943. Ils achètent alors plusieurs outils d’une usine qui fermait ses portes et reviennent à Rimouski. La boutique de forge de Nazareth devient une maison de deux appartements et monsieur Levesque loue une boutique de forge sur la rue Rouleau.
Au printemps suivant, il s’intéresse à la boutique du forgeron Perron sur la rue de l’Évêché, près de la rivière Rimouski. Il aime le site qu’il loue d’abord et en deviendra propriétaire par la suite malgré les refus répétés de monsieur Perron. L’attrait de la soudure et de l'usinage amène monsieur Levesque à modifier la vocation de sa boutique de forge en atelier d’usinage et aussi en garage avec service de pompes à essence.
En cette période de rationnement et de rareté des pièces de remplacement pour l’automobile, il réusine les pièces telles les essieux de camions. Pour répondre au besoin de son propriétaire constamment en gestation de nouveaux projets, l’édifice près de la rivière connaîtra les activités du magasin de meubles « Au Meuble Robert ltée ». Le commerce présente sa marchandise au rez-de-chaussée de l’édifice. Au premier plancher on entrepose et l’on fabrique des mobiliers de salon et de cuisine. Un marché à la hausse oblige même la construction d’un atelier de fabrication de meubles dans le quartier Sacré-cœur. Après plusieurs mois d’opération, cependant, un accident de travail force le contremaître de l’atelier, monsieur Paulin, à une longue période d’absence.
Nous sommes en 1946. La fin de la guerre ramène les militaires chez eux. La demande en logement est forte. C’est aussi la période où monsieur Levesque s’intéresse à la combustion du bran-de-scie. Il expérimente différents processus et réalise en 1947 un brûleur et un système de chauffage pour lesquels il obtient les brevets durant cette même année. Le moment est alors propice pour cesser le commerce de meubles et le magasin est convertie en un édifice de onze appartements.
La gestion de cet immeuble ajoutée à la fabrication et la vente de son système de chauffage seront le quotidien de l’inventeur jusque dans les années ’90. Mais, homme de projets il ne cesse de planifier et de réaliser. Parfois à sa table de travail, souvent sur un bout de madrier, il trace les plans de ce qui deviendra une roulotte, un bateau, un chalet, un « go kart », un aéroglisseur, des roulottes motorisées, et quoi encore … C’est ainsi que nous verrons s’ajouter aux réalisations des Levesque plusieurs maisons résidentielles et à revenus dans les quartiers Nazareth, Saint-Robert, Sainte-Odile, Sainte-Agnès et Saint-Germain.