L'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que le locataire qui trouve un premier emploi peut bénéficier d'un préavis réduit et donner congé à son bailleur en se prévalant d'un préavis d'un mois au lieu de trois mois.
Que signifie la notion de premier emploi au sens de cette loi ?
C'est l'objet du présent article.
Voici le texte de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 qui fait allusion à ce préavis réduit en cas de premier emploi :
"I.-Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.
Le délai de préavis applicable au congé est de trois mois lorsqu'il émane du locataire et de six mois lorsqu'il émane du bailleur. Toutefois, en cas d'obtention d'un premier emploi, de mutation, de perte d'emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d'emploi, le locataire peut donner congé au bailleur avec un délai de préavis d'un mois. Le délai est également réduit à un mois en faveur des locataires âgés de plus de soixante ans dont l'état de santé justifie un changement de domicile ainsi que des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion ou du revenu de solidarité active. Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou signifié par acte d'huissier. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée ou de la signification de l'acte d'huissier.
Pendant le délai de préavis, le locataire n'est redevable du loyer et des charges que pour le temps où il a occupé réellement les lieux si le congé a été notifié par le bailleur. Il est redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c'est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur.
A l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués.
II.-Lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l'offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. Les dispositions de l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne sont pas applicables au congé fondé sur la décision de vendre le logement.
A l'expiration du délai de préavis, le locataire qui n'a pas accepté l'offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d'occupation sur le local.
Le locataire qui accepte l'offre dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Le contrat de location est prorogé jusqu'à l'expiration du délai de réalisation de la vente. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit et le locataire est déchu de plein droit de tout titre d'occupation.
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Cette notification est effectuée à l'adresse indiquée à cet effet par le locataire au bailleur ; si le locataire n'a pas fait connaître cette adresse au bailleur, la notification est effectuée à l'adresse des locaux dont la location avait été consentie. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans le délai d'un mois est caduque.
Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit.
Les termes des cinq alinéas précédents sont reproduits à peine de nullité dans chaque notification.
Ces dispositions ne sont pas applicables aux actes intervenant entre parents jusqu'au quatrième degré inclus, sous la condition que l'acquéreur occupe le logement pendant une durée qui ne peut être inférieure à deux ans à compter de l'expiration du délai de préavis, ni aux actes portant sur les immeubles mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 111-6-1 du code de la construction et de l'habitation.
Dans les cas de congés pour vente prévus à l'article 11-1, l'offre de vente au profit du locataire est dissociée du congé. En outre, le non-respect de l'une des obligations relatives au congé pour vente d'un accord conclu en application de l'article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière, et rendu obligatoire par décret, donne lieu à l'annulation du congé.
Est nul de plein droit le congé pour vente délivré au locataire en violation de l'engagement de prorogation des contrats de bail en cours, mentionné au premier alinéa du A du I de l'article 10-1 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation.
III.-Le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au paragraphe I ci-dessus à l'égard de tout locataire âgé de plus de soixante-dix ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance, sans qu'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée.
Toutefois, les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de soixante ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance.
L'âge du locataire et celui du bailleur sont appréciés à la date d'échéance du contrat ; le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé.
Cette décision de la Cour de Cassation a été rendue au bénéfice d'un locataire étudiant qui avait trouvé un premier emploi à la fin de ses études.
Son propriétaire prétendait qu'il ne pouvait bénéficier d'un préavis réduit par ce qu'il avait déjà eu un « premier emploi » lorsqu'il était étudiant et il demeurait chez ses parents. Il s'agissait d'un emploi saisonnier.
L'argumentation du bailleur consistait à soutenir essentiellement que c'est l'affiliation auprès des services de la sécurité sociale qui était le critère du premier emploi.
La Cour de Cassation n'a pas considéré que cela pouvait être retenu, elle a jugé que le premier emploi devait être considéré comme celui qui été obtenu par l'étudiant, à la fin de son cycle d'études et qui correspondait à la qualification qu'il avait ainsi obtenue. On notera que cette analyse est différente de celle qui découle de la réponse ministérielle qui suit, étant précisé toutefois que le ministre ne répondait pas à une situation strictement identique, puisque la question qui lui était posée était de savoir si le locataire étudiant trouvant un emploi, même saisonnier, pouvait se prévaloir du préavis réduit.
“Attendu, selon le jugement attaqué (Caen, 23 mars 2010), rendu en dernier ressort, que M. X..., preneur à bail d'un logement propriété des consorts Y..., a, par lettre du 13 mai 2008, donné congé pour le 13 juin 2008 en faisant valoir qu'il avait obtenu un emploi dans la région parisienne depuis le 5 mai 2008, puis a assigné ses bailleurs en restitution du dépôt de garantie, soutenant qu'il s'agissait d'un premier emploi lui permettant de bénéficier d'une réduction du délai de préavis ;
Attendu que les consorts Y... font grief au jugement d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, que constitue un premier emploi ouvrant à celui qui l'a obtenu le bénéfice du délai de congé abrégé prévu par l'article 15, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1989 modifiée l'emploi ayant entraîné, pour la première fois, affiliation à la sécurité sociale ; que dès lors, ayant constaté que, selon un relevé de carrière établi par la CRAM de Normandie, M. X... avait perçu des salaires et cotisé au titre d'un travail accompli en 2001, le tribunal, en retenant, pour juger que ce locataire bénéficiait du délai de préavis réduit à un mois, que, par un contrat de travail du 5 mai 2008, il avait obtenu un premier emploi en adéquation avec sa qualification, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que M. X..., affilié au régime général de la sécurité sociale depuis 2001, avait déjà obtenu son premier emploi cette année là et ne pouvait donc pas, à la faveur de son contrat de travail du 5 mai 2008, quelle que soit l'adéquation de celui-ci à sa formation, bénéficier d'un avantage prévu en cas d'obtention d'un premier emploi, et a ainsi violé ladite disposition ;
Mais attendu qu'ayant pu retenir que n'était pas un premier emploi celui d'étudiant occupé en 2001 par M. X... alors qu'il était domicilié chez ses parents et n'avait pas commencé son cycle universitaire, le tribunal, qui a constaté que le preneur avait obtenu le 5 mai 2008 un emploi, en a exactement déduit qu'il devait bénéficier d'un délai de préavis réduit à un mois ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts Y... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour les consorts Y....
Les consorts Y... font grief au jugement attaqué de les avoir condamnés à restituer à M. X... une somme de 762 € au titre du dépôt de garantie, ainsi qu'à payer à ce dernier des dommages et intérêts et, en conséquence, de les avoir déboutés de leur demande en paiement des loyers.
AUX MOTIFS QUE par lettre adressée par M. X... à l'Agence Billet-Giraud " A l'attention de la propriétaire de l'appartement ...indique : résilie mon bail locatif à compter de ce jour. En effet, j'ai obtenu un emploi dans la région parisienne depuis le 5 mai 2008, ci-joint pièces en justifiant, en conséquence, le délai de préavis qui court est d'un mois (…) " ; (…) ; M. X... expose que le poste qu'il a occupé en 2001 est un emploi d'étudiant (…) ; Il produit un document émanant de l'assurance retraite sur lequel figure une somme de 630, 99 € au titre des salaires pour l'année 2001, (…) ; M. X... justifie (…) du contrat de travail (…) intervenu le 5 mai 2008 (…) ; Le poste correspond aux études réalisées par M. X... ; Ainsi, après avoir fait des études, M. X... a obtenu un premier emploi le 5 mai 2008 en adéquation avec sa qualification ; ce fait, lui permet, en application des dispositions de l'article 15, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1989, de bénéficier d'un délai de préavis réduit à un mois ; il convient en conséquence d'ordonner la restitution du dépôt de préavis d'un montant de 762 €, tel qu'indiqué sur la page 2 du contrat de location par M. Jean-Claude Y..., M. Max Y..., M. Hugues Y... et M. Patrice Y... à M. X..., avec intérêt à compter du 20 mars 2009, et de débouter ces derniers de leur demande en paiement de loyer fondée sur un préavis d'une durée de trois mois ;
ALORS QUE constitue un premier emploi ouvrant à celui qui l'a obtenu le bénéfice du délai de congé abrégé prévu par l'article 15, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1989 modifiée l'emploi ayant entraîné, pour la première fois, affiliation à la sécurité sociale ; que dès lors, ayant constaté que, selon un relevé de carrière établi par la CRAM de Normandie, M. X... avait perçu des salaires et cotisé au titre d'un travail accompli en 2001, le tribunal, en retenant, pour juger que ce locataire bénéficiait du délai de préavis réduit à un mois, que, par un contrat de travail du 5 mai 2008, il avait obtenu un premier emploi en adéquation avec sa qualification, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que M. X..., affilié au régime général de la sécurité sociale depuis 2001, avait déjà obtenu son premier emploi cette année là et ne pouvait donc pas, à la faveur de son contrat de travail du 5 mai 2008, quelle que soit l'adéquation de celui-ci à sa formation, bénéficier d'un avantage prévu en cas d'obtention d'un premier emploi, et a ainsi violé ladite disposition.”
Voici la question et la réponse du ministre.
M. Jean-Luc Préel attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les difficultés d'interprétation et d'application de l'article 223 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale. Cet article a modifié l'article 15-I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dite « loi Mermaz » en créant un nouveau cas de préavis. II prévoit qu'« en cas d'obtention d'un premier emploi, de mutation, de perte d'emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d'emploi, le locataire peut donner congé au bailleur avec un délai de préavis d'un mois ». La notion de premier emploi est difficile à cerner car elle est très générale. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui préciser si ce premier emploi doit nécessairement s'entendre comme un tout premier contrat à durée indéterminée ou s'il peut correspondre à un tout premier contrat à durée déterminée ou à une toute première mission d'intérim et si, par exemple, un étudiant justifiant d'un tout premier « job d'été » peut prétendre au bénéfice d'un préavis réduit pour premier emploi. D'autre part, sur un plan pratique, se pose nécessairement le problème de la justification du premier emploi par le locataire. En conséquence, il lui demande également de lui préciser quelle pourrait être la nature des documents ou des pièces susceptibles d'être demandés au locataire afin de s'assurer qu'il s'agit véritablement de son premier emploi. Il souhaiterait savoir si l'on peut s'appuyer sur la date d'affiliation au régime général de la sécurité sociale. - Question transmise à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
L'honorable parlementaire a appelé l'attention sur les modifications récentes apportées par l'article 223 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale qui prévoit un nouveau motif de réduction du délai de préavis en cas de résiliation du bail par le locataire pour « obtention d'un premier emploi ». L'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dispose que la durée du préavis, lorsqu'un locataire donne congé, est de trois mois. Cette durée est instaurée pour permettre au propriétaire de disposer d'un délai raisonnable pour trouver un nouveau locataire et limiter la vacance du logement. Ce délai est réduit dans des cas strictement définis, dont l'obtention d'un premier emploi depuis la loi de modernisation sociale. Il convient, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux de l'ordre judiciaire, de considérer la date d'affiliation au régime de sécurité sociale comme la date de référence du premier emploi du locataire quelle que soit la forme de son contrat de travail.