Montaigne et l'art de conférer

Séance du 15 avril 2021

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Lecture du chapitre 8 du Livre III des Essais de Montaigne (collection Quarto-Gallimard, pages 1116 à 1143)

PLAN

Introduction

« L'agitation et la chasse sont proprement de notre gibier (...) Car nous sommes naturellement faits pour chercher la vérité ; la posséder appartient à une plus grande puissance (…) Car ce qui est en cause pour nous, c'est la manière de dire, non la matière" (page 1124)

Notre « gibier » (notre jouissance) consiste dans la chasse et non dans la prise. C'est en exerçant notre esprit que nous apprenons à chasser, c'est à dire à rechercher la vérité.

La conférence est l'exercice de l'esprit qui permet le mieux de former notre jugement: "L'exercice le plus fructueux et le plus naturel de notre esprit, c'est à mon avis la conférence" (Je ne suis pas ici la traduction d'André Lanly qui remplace le terme originel de conférence par celui de conversation, étant donné que Montaigne distingue bien la conférence de la conversation mondaine)

1- Le "commerce" des hommes et le langage (voir ici le chapitre 3 du Livre III: "De trois commerces")

a- Les 3 sortes de "commerce" (avec les hommes, avec les femmes, avec les livres) et au sein du 1er type de commerce, les 3 sortes d'"entretiens" parmi lesquels il y a la conversation civile et la conférence.

b- Le langage comme force qui humanise les hommes en les reliant les uns aux autres et contribue au développement de leur esprit: "La parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute" (III, 13)

c- La spécificité de la conférence, sa différence d'avec la conversation

2- L'"art de conférer" (III, 8)

a- C'est l'exercice "le plus fructueux" car il développe les forces de l'esprit et règle leur usage.

b- Il y a un "art" de conférer: comme tout art, il a ses règles. Elles s'apprennent par l'exercice. On peut discerner 7 règles:

- exclure toute position de domination et de puissance

- exclure les sots (il faut savoir cerner la sottise)

- exclure certains procédés comme l'injure et le mépris affiché

- ne pas mentir, et s'exprimer de manière ouverte

" Le parler ouvert et franc ouvre un autre parler et le tire au dehors, comme font le vin et l'amour" (III, 1)

- accepter comme recevables toutes les opinions dont on va débattre

- accepter d'être réfuté

- respecter l'ordre de la discussion

c- La conférence est une joute entre deux adversaires qui leur permet d'exercer au mieux leur jugement

3- L'éducation comme préparation à l'art de conférerDe l'institution des enfants », Livre I chapitre 26)

- la fréquentation du monde et et visite de pays étrangers sont de loin préférables à l'apprentissage livresque (où on répète de mémoire ce qu'on a lu) pour former le jugement (« pour frotter et limer sa cervelle contre celle d'autrui », page 188)

- l'éducation exige un bon précepteur, "un guide qui eût plutôt la tête bien faite que bien pleine" (I, 26, page 184)

- La lecture me sert spécialement à éveiller ma réflexion en lui fournissant divers sujets, à faire travailler mon jugement et non ma mémoire » (Livre III, chapitre 3, page 992). La lecture est féconde comme transformation intérieure qui permet de faire sien ce qu'on a reçu d'autrui (les métaphores de la digestion et de la transformation du pollen des fleurs en miel par les abeilles, pages 185 et 186)

Notre lecture du chapitre De l'art de conférer doit beaucoup au livre de Bernard Sève, Montaigne : Des règles pour l'esprit, P.U.F 2007