Séance du 22.09.2022

Le Châtiment

1/ Enregistrement de la séance du 22.09.2022

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        enregistrement séance du 22.09.2022

2/ Plan du cours séance du 22.09.2022

Introduction

Le châtiment est une souffrance infligée à un homme en raison de son action jugée criminelle.

En tant que sanction, il est la conséquence d'un jugement. D'où les questions suivantes :

-         Qui a autorité pour juger qu'une action est criminelle et prononcer sa sanction ?

-         De quelle manière en juge-t-on ?

-        Comment justifier qu'on fasse souffrir un homme parce qu'il a fait souffrir un autre homme ?

 

1- Historique de la notion : pourquoi le terme de châtiment est-il tombé en désuétude dans les sociétés modernes ?

a- Dans son sens précis, le châtiment est une punition qui fait souffrir celui qu'on punit

b- Que s'est-il passé pour que le châtiment s'efface au profit de peines dont l'objectif premier n'est plus de faire souffrir ?

-         Au XVIIIème siècle, on pratique encore des « supplices » en Europe (voir le supplice du régicide Damiens en 1757 dont le récit se trouve au début de l'ouvrage de Michel Foucault, Surveiller et punir, paru en 1975)

-         Foucault, pages 20-21 : « S'efface donc, au début du XIXème siècle, le grand spectacle de la punition physique ; on esquive le corps supplicié ; on exclut du châtiment la mise en scène de la souffrance ». On assiste à un double processus d'adoucissement des peines et d'effacement de leur spectacle

c- La naissance de la prison, comme peine privilégiée, fait disparaître les supplices et fait passer à l'arrière plan la dimension répressive de la peine. La souffrance a-t-elle pour autant disparu ?

 

2- Si le châtiment est la conséquence d'un jugement, qui a autorité pour juger et l'appliquer ?

a- Jugement divin et jugement humain. En concevant l'hypothèse d'un « état de nature » dénué de toute obligation (on ne peut y être injuste), les philosophes du contrat social (XVIIème et XVIIIème siècles, comme Hobbes et Rousseau) laïcise la question de la justice humaine.

b- C'est l'institution de l'Etat qui seule rend possible une justice humaine. Ses éléments : le juge comme tiers qui s'élève au dessus des parties, le procès comme débat contradictoire entre les parties, la sentence qui énonce la sanction et clôt le procès

c- Après le temps du procès vient celui de la sanction : on passe du judiciaire au pénal (le criminel déclaré coupable est condamné à subir une peine). C'est à ce niveau que se pose le problème du châtiment (ou peine) : le châtiment a -t-il un sens ? Comment peut-on le justifier, au nom de quel principe de justice peut-on infliger une souffrance ?

 

3- Les systèmes de justification du châtiment :

a- Punir, c'est rappeler la loi qui a été transgressée par le criminel. Le criminel est un traître à la loi (son crime est un outrage) et le châtiment a une fonction expiatoire. Voir les études historiques et anthropologiques de Glotz et Gernet sur le droit pénal de la Grèce antique, l'Orestie d'Eschyle.

b- Punir, c'est défendre la société. Le criminel est un ennemi qui la menace, la peine a pour fonction de le neutraliser et de dissuader les candidats au crime. Voir l'analyse de Protagoras dans le dialogue éponyme de Platon, celle du Traité des délits et des peines de Beccaria (1764).

c- Punir, c'est guérir le coupable de l'injustice qui l'affecte, c'est viser sa regénération et sa réhabilitation. Voir la réflexion de Platon dans le Gorgias

d- Punir, c'est réparer la victime. Voir les analyses d'Aristote sur la « juste vengeance » dans la Rhétorique et l'Ethique à Nicomaque, et l'opposition entre les analyses d'Aristote et de Sénèque (De la colère) à propos de la vengeance.

 

4- Le châtiment comme expiation d'un crime (1er système de justification)

a- Le crime est un mal contagieux dont on ne peut se délivrer que de deux façons :

-         soit la Cité doit se purifier en bannissant le coupable (exemple d'Antigone qui sera condamnée à mourir sans sépulture)

-         soit le criminel doit se purifier par des sacrifices et peut ainsi la réintégrer (exemples d'Oreste dans la tragédie d'Eschyle, et d'Oedipe dans la tragédie de Sophocle)

b- La différence entre la Cité antique et la société chrétienne

La 1ère ne distinguant ni le religieux du politique (rendre un culte aux dieux c'est rendre un culte à la cité), ni l'homme (privé) du citoyen (public), es châtiments y affectent un homme en sa totalité, âme et corps. Le christianisme séparant au contraire ces dimensions, on a avec lui deux régimes de pénalité distinctes : 1- le châtiment public qui relève de la compétence de l'Etat (son objectif est de veiller à la sécurité publique) et frappe essentiellement le corps, 2-  la pénitence qui est du ressort de la religion et vise le salut de l'âme en la rachetant de ses péchés (voir Augustin, Thomas d'Aquin, Luther etc...)