Séance du 24.05.2022

Réflexion sur la mémoire

1/ Enregistrement de la séance du 28.04.2022

Pour accéder à l'enregistrement, cliquer sur le lien ci-après:

enregistrement séance du 24.05.2022

2/ Plan du cours séance du 24.05.2022

J'ai fait souvent allusion au travail de l'historien Henry Rousso, notamment à l'un de ses premiers ouvrages, « Le syndrome de Vichy », paru pour la 1ère fois en 1987 au Seuil.

Son projet : « écrire en parallèle à l'histoire de Vichy, une autre histoire : celle de son souvenir, de sa rémanence, de son devenir après 1944, et jusqu'à une date qu'il est aujourd'hui encore impossible de déterminer ». Comme le remarque H. Rousso, les périodes du passé dont la mémoire préoccupe les historiens, sont toutes relatives à des crises profondes de l'unité et de l'identité française. Nous allons voir en quoi Vichy est une de ces périodes et comment H. Rousso construit l'histoire de son souvenir et de son devenir après 1944.

 

1- La mémoire, comme objet d'étude de l'historien

Un projet comme celui de H Rousso n'aurait pas pu être envisagé pour un type de période analogue par des historiens avant le XXème siècle

 

a- L'assimilation de l'histoire à la mémoire collective jusqu'au XXème siècle.

b- L'analyse d'Ernest Renan dans sa conférence de 1882 : Qu'est ce qu'une nation ?

-        L'identité d'une nation se fonde sur la mémoire d'un passé commun

-        Cette mémoire est sélective : elle écarte les pages noires du passé, notamment celles qui concernent les violences qui font partie du processus d'unification de la nation

-        L'histoire enseignée aux écoliers doit écarter ce type de périodes afin de construire et de consolider le lien national. Les études historiques, qui adoptent un regard critique sur la mémoire, sont dangereuses

c- La distinction de l'histoire et de la mémoire :

-        La mise en question du sentiment national, à l'issue des deux premières guerres mondiales, conduit à les séparer

-        L'histoire devient une science humaine qui, non seulement adopte un point de vue critique sur la mémoire, mais la traite désormais comme un objet d'étude. La démarche de Henry Rousso s'inscrit dans ce cadre

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2- Pourquoi étudier l'histoire de la mémoire de Vichy ?

 

a- La période de Vichy est une tragédie d'une exceptionnelle gravité

b- Il s'agit d'une véritable guerre civile

c- Elle engendre un véritable traumatisme

 

3- Le « syndrome de Vichy »

Le projet est d'étudier la survivance de Vichy dans les manifestations de la mémoire collective, à la façon dont la psychanalyse aborde les symptômes d'une névrose individuelle.

 

a- La leçon de Freud : c'est le refoulement d'un passé traumatique qui le rend persistant et obsédant, et c'est sa remémoration qui permet de s'en distancier et de s'en libérer (« Les hystériques souffrent de réminiscences », ses symptômes expriment un passé traumatique en lieu et place de souvenirs conscients)

b- La survivance morbide de Vichy se fait selon une évolution en 4 phases :

-        entre 1944 et 1954, « le deuil inachevé » : les séquelles immédiates de la guerre civile, l'épuration et l'amnistie

-        de 1954 à 1971, « les refoulements » : les Français semblent refouler la guerre civile, aidés par la formation d'un mythe dominant : le résistancialisme (marginalisation de ce que fut le régime de Vichy, assimilation de la Résistance à l'ensemble de la nation)

-        entre 1971 et 1974, « le miroir brisé » : le mythe vole en éclats.  Cette 3ème phase se présente comme « un retour du refoulé »

-        à partir de 1974, commence une phase d'obsession, marquée d'une part par le réveil de la mémoire juive, et de l'autre par l'importance des réminiscences de l'Occupation dans le débat politique français.

 

4- On tâchera de s'appuyer sur quelques exemples pour étudier chacune de ces phases