Séance du 21.10.2021

La mémoire

1/ Enregistrement de la séance du 21.10.2021

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Enregistrement séance 21.10.2021 


2/ Plan du cours  séance du 21.10.2021

Cette première séance sera surtout une réflexion générale sur la mémoire, qui permettra de dégager les principaux problèmes soulevés par son examen. Elle s'appuiera sur la lecture de l'ouvrage de Paul Ricœur, Mémoire, histoire, oubli (Editions du Seuil, 2000)

 

Introduction :

a- La mémoire est aujourd'hui un grand sujet d'inquiétude car elle met en jeu la question de l'identité (individuelle et collective).

b- La mémoire-habitude et la mémoire-souvenir. La mémoire spontanée et la mémoire recherche. La fragilité de la mémoire et ses défaillances. Mémoire individuelle et mémoire collective (la mémoire est-elle par essence une affaire privée?).

c- Les problèmes essentiels abordés sont : 1- celui de la nature de la mémoire, et conséquemment, 2- celui de l'oubli (n'est-il qu'une faillite de la mémoire? est-il seulement un effacement du passé ?) et 3- celui de l'identité (quel rôle joue la mémoire dans sa construction?)

d- Examen du 1er problème :  si la mémoire est, comme on la représente souvent, un magasin localisé dans le cerveau où sont inscrites les traces des impressions laissées en nous par les événements passés, comment ces traces peuvent-elles les représenter alors qu'ils ne sont plus ?  Présenter des traces cérébrales comme des traces « mnésiques », ce n'est pas résoudre cette énigme, c'est la supposer déjà résolue. Une réflexion philosophique sur la mémoire doit au contraire s'y confronter.

 

1- La double énigme de la mémoire

 

a/ L'énigme de la représentation présente d'une chose absente

La métaphore de l'empreinte d'un sceau dans un bloc de cire, utilisée par Platon dans le Théétète, présuppose que le souvenir est comme l'image d'une chose qui a été gravée dans l'âme et laisse ainsi son empreinte

b/ L'énigme du rapport de l'image du souvenir à une expérience antérieure

« Chaque fois que l'on fait acte de mémoire parce qu'on a déjà vu, entendu ou appris telle chose, on perçoit que cela s'est produit antérieurement », Aristote dans De la mémoire et de la réminiscence, « Le souvenir est quelque chose qui tranche sur le présent, c'est ainsi que nous le reconnaissons comme souvenir », Bergson dans Matière et mémoire)

c/ De cette double énigme découlent deux types de faiblesse de la mémoire : elle prétend connaître le passé, or sa représentation peut être infidèle ; elle prétend le retrouver, or l'impression qui en a été laissée peut s'effacer, et l'effort de remémoration peut échouer à l'atteindre

 

2- L'oubli est-il l'ennemi de la mémoire ?

 

a/ La mémoire comme lutte contre l'oubli, voir la préface d'Hérodote à ses Enquêtes

b/ Une mémoire parfaite serait un mémoire morte (voir la fiction de Borgès, Funès ou la mémoire) ; l'oubli est la condition de sa vitalité

c/ Ses défaillances ne peuvent entamer notre confiance : elle est notre seul mode d'accès au passé (l'histoire présuppose le témoignage)

d/ Le « petit miracle de la reconnaissance » (Ricœur) permet de donner une solution pratique à l'énigme que constitue la représentation présente d'une chose antérieure et absente : elle permet de présupposer rétrospectivement que l'image du passé (le souvenir) n'a pas disparu mais a survécu pour pouvoir être maintenant reconnue

e/ Cette analyse permet d'opposer deux lectures de l'oubli : soit un oubli destructeur qui s'explique par l'effacement des traces, soit un oubli qui n'est qu'un empêchement provisoire et laisse espérer un recouvrement du passé

 

3- La survivance du souvenir : examen de la notion de « trace »

 

a/ Trace psychique (=le souvenir comme impression vécue) et trace cérébrale

b/ Le caractère problématique de la notion de « trace mnésique » : une trace matérielle peut-elle signifier un passé ?

c- La trace psychique (le souvenir) a par elle même le pouvoir de survivre (Bergson : la mémoire est ainsi le passé qui se conserve tout entier en moi ; elle n'est pas une faculté de conservation qu'il faudrait localiser dans le cerveau, voir Matière et mémoire)

d- Dans cette perspective, l'oubli désigne le caractère inaperçu (inconscient) de la persévérance du souvenir, c'est un « oubli de réserve » (Ricœur): il permet de préserver le passé et de le mettre en réserve, aussi bien sous la forme de l'habitude (le passé est incorporé et n'est plus reconnu comme passé) que sous celle du souvenir qui se réalise et advient à la conscience