Conférence du 23.10.2021 sur le visage par Didier Carsin

Le visage.

Par Didier Carsin, vice président de PHILOPOP

Bibliothèque Niemeyer samedi 23 octobre 2021


I ] Enregistrement de la conférence

Cliquez sur le lien ci-après:


Conférence sur le visage 


II ] Plan de la conférence

Masque sanitaire, gestes barrières, distanciation sociale, télé-travail, enseignement distanciel... La protection immunitaire  ne risque-t-elle pas de dématérialiser les rapports humains? Pourquoi nous semble-t-il si important de rencontrer les autres et de voir leur visage?  

 

1- Que faut-il entendre par visage: est-il la même chose que la face, la figure, le faciès ?

a- de la face au visage : l'originalité de la face humaine (la station debout libère à la fois la main et la face, voir Aristote (4ème siècle av. J.C) dans le traité Des parties des animaux, et aussi le paléontologue Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, 1964)

b- l'étymologie du mot visage vient du latin «visus» qui désigne ce qui est vu. Le visage témoigne de notre humanité et de notre singularité. Il n'est pas réductible à la face qui est son support anatomique, ni à la figure qui est son vecteur d'expression. Il se caractérise par son expressivité

c- Pourquoi le visage peut-il être expressif? Il est une totalité perpétuellement en mouvement qui ne se réduit pas à la somme des parties de la figure. Ses expressions sont des signes qui donnent à voir des émotions, sentiments, pensées... . Un visage ne peut devenir expressif si l'individu est privé de toute communication (le visage de la mère comme miroir qui permet au moi du nourrisson de surgir, Jeu et réalité de Winnicott, et l'exemple célèbre de l'enfant sauvage, Victor de l'Aveyron)

d- Est-il possible de connaître l'intériorité d'un homme en observant les traits et les expressions de son visage ? : de l'impression première produite par un visage (exemple de Montaigne dans Essais III, chapitre 12 «Sur la physionomie») au projet d'une «science» du visage (= d'une «physiognomonie») qui prétend établir le caractère d'un homme à partir de l'observation des traits de son visage, et à celui des « théories raciales » qui prétendent établir son type racial. Ces prétendues théories réduisent le visage à la face et à la figure.

2- La négation du visage comme négation de l'humanité

Priver un homme de son visage, c'est nier sa singularité d'homme et s'autoriser à le détruire. Voir le film Monsieur Klein de Joseph Losey, l'exemple de l'exposition «Le Juif et la France» de 1941 ; les témoignages des déportés rescapés sur les camps de concentration et d'extermination (Primo Levi, Si c'est un homme, Robert Antelme, L'espèce humaine)

3- Le mystère du visage

a- « La meilleure manière de rencontrer autrui, c'est de ne même pas remarquer la couleur de ses yeux » (Levinas, Ethique et infini, 1981)

b- «L'accès au visage est d'emblée éthique» : il est à la fois appel au meurtre et injonction de ne pas tuer. La barbarie exterminatrice s'accomplit d'autant plus facilement qu'elle prive les victimes de leur visage

c- Le danger d'un effacement des relations humaines par le moyen des nouvelles technologies (le numérique)

Bibliographie :

Montaigne, Essais livre III, chapitre 12, Sur la physionomie

Primo Levi, Si c'est un homme ; Robert Antelme, L'espèce humaine

Emmanuel Lévinas, Ethique et infini