4. Séance du 12 novembre 2015

Séance du 12 novembre 2015- Réflexions sur la tolérance

Introduction

« Pourquoi est-ce le plus souvent la religion elle-même qui enfante les actes impies et criminels ? », se demandait Lucrèce dans le De Natura Rerum. Les événements tragiques de janvier 2015 ne nous contraignent-ils pas à nous confronter à cette question ? Nous verrons que Voltaire l’aborde à sa manière, notamment dans son Traité sur la tolérance (1763) et son Dictionnaire philosophique (1764). Après avoir présenté l’affaire Calas, il écrit ainsi à la fin du 1er chapitre du Traité : « Il est de l’intérêt du genre humain d’examiner si la religion doit être charitable ou barbare ».

Aux religions positives qui portent en elles les germes du fanatisme, Voltaire oppose le « théisme », une religion pure de toute superstition, qui parle au cœur et à la raison de tout homme, et dont la tolérance constitue la prescription essentielle (elle est « la 1ère loi de la nature », article Tolérance du Dictionnaire).

1- L’analyse du fanatisme (il transforme la religion en « poison »)

- Il est une maladie, une « peste des âmes » qui risque d’abolir l’esprit en « gangrénant le cerveau », et menace de contamination toute la société (article Fanatisme)

- Il est la conséquence de la négation par les hommes de la faiblesse de l’esprit humain : ils ont ainsi besoin de se rassembler en « sectes » pour faire triompher comme vraie leur opinion incertaine, contre ceux qui défendent une autre opinion, tout aussi incertaine (les noms de sectes « ne sont que des noms de guerre »). Article Secte.

- Les effets tragiques du fanatisme : 1- les horreurs engendrées par le christianisme dans l’histoire (comparaison entre le christianisme et les religions antiques, voir le Traité sur la tolérance, chapitres 3 à 13, et article Martyre du Dictionnaire) ; 2- l’affaire Calas à l’occasion de laquelle Voltaire rédige le Traité (voir chapitres 1 et 2) : elle révèle que la justice pénale est infectée par le fanatisme, et que la religion sert de justification au crime.

2- La tolérance comme « remède » au fanatisme

- La tolérance comme « apanage de l’humanité » : elle est la 1ère loi inscrite dans la nature humaine par la providence divine. Elle est une forme d’indulgence mutuelle : « Nous sommes tous pétris de faiblesse et d’erreur, pardonnons-nous réciproquement nos sottises » (article Tolérance).

- Le caractère discutable de la tolérance voltairienne : son fondement est le « théisme » (le théiste « sait que Dieu agit et qu’il est juste »). Ce savoir permet de qualifier les religions positives de « sottises ». Comparaison avec la conception de la tolérance de Bayle.

- Les limites de la tolérance (Traité chapitre 18 : « Il faut donc que les hommes commencent par n’être pas fanatiques pour mériter la tolérance »).

3- Comment répandre l’esprit de tolérance ?

- Le philosophe comme écrivain engagé (intervention dans l’affaire Calas notamment) : l’écriture est une arme qui peut modifier l’opinion publique. Ecrire en tenant compte du public : un mode d’écriture qui varie sans cesse les formes du discours pour éveiller son attention.

- L’action des princes éclairés : leur politique de tolérance permet de diffuser l’esprit de tolérance. Le progrès de l’histoire se fait du sommet vers la base (fin de l’article Superstition).

- En quoi consiste cette politique ? 1- A édicter des lois destinées à contenir les troubles causés par la superstition du peuple ; 2- A affaiblir peu à peu les religions positives, à les conduire en douceur à leur extinction par leur coexistence sereine, et à promouvoir le pur culte du théisme (voir le Catéchisme chinois du Dictionnaire) ; 3- A favoriser l’essor du commerce et de l’industrie (voir la Lettre philosophique VI : la Bourse de Londres comme « rassemblement des députés de toutes les nations pour l’utilité des hommes »)