1. Plan séance 15/09/2015

Séance du 15-09-2015- Réflexions sur la tolérance

Notre première séance ne pourra vraisemblablement envisager que cette première approche qui examine les rapports entre la tolérance et la vérité. Par la suite, dans la séance du 1er octobre, il s’agira de réfléchir au problème politique de la coexistence des croyances, et de se demander si la laïcité est identique à la tolérance civile. Les 3 séances suivantes devraient alors approfondir cette réflexion générale par la lecture des grands textes de Locke (Lettre sur la tolérance) et Bayle (Commentaires philosophiques sur la tolérance).

Introduction

Les enjeux de la question de la tolérance. Les deux significations du terme de tolérance : un sens premier, toujours présent, où tolérer, c’est accepter ce qui ne devrait pas être (du latin tollo = je souffre, je supporte ; ainsi des édits de tolérance, des maisons de tolérance) ; un sens moderne, où tolérer, c’est consentir qu’au nom de la liberté, en principe reconnue à tous, d’autres hommes expriment des opinions ou adoptent des conduites avec lesquelles nous sommes en désaccord.

Pourquoi et comment en est-on venu à concevoir le sens moderne ? Nécessité d’une analyse historique et d’une réflexion philosophique pour aborder la question. Par exemple, si comme on le dit aujourd’hui, la tolérance consiste à s’ouvrir à la pluralité des croyances religieuses, pourquoi était-elle inconcevable en Europe au XVIème siècle ? Quelle mutation de la notion de « vérité religieuse » doit s’opérer pour que la tolérance, au sens moderne, soit possible ? Même si celle-ci s’étend aujourd’hui à de nouveaux domaines, il est clair que son concept s’est formé d’abord à propos de la question religieuse.

1- La justification de l’intolérance et de la persécution au nom de la vérité

- Il y a « une persécution juste » (Saint-Augustin, lettre à Boniface), le commentaire par Augustin de la parabole du festin de l’Evangile de Luc pour justifier la persécution à l’égard des hérétiques.

- L’hérésie comme « opiniâtreté », obstination coupable dans l’erreur ; l’hérétique est l’analogue du faux monnayeur sur le plan spirituel (Thomas d’Aquin dans la Somme théologique) ; l’hérésie est la plus grave des deux sortes d’infidélité : la tolérance est requise dans le cas le moins grave, celui « des Juifs et des païens », qui n’ont jamais reçu la véritable foi (elle est alors une règle de prudence).

2- Quelle mutation de la notion de « vraie religion» est nécessaire pour que la tolérance soit concevable au sens moderne ?

- L’intransigeance dogmatique : la vérité est donnée de manière transparente et uniforme à la conscience des hommes (Bossuet, Histoire des variations des églises protestantes). La constance et la continuité de l’Eglise catholique sont les signes de la vérité de sa doctrine ; l’hérésie est « variation », c’est à dire erreur et errance tout à la fois.

- La définition subversive de la « vraie religion » (sa subjectivisation) par les philosophes de la tolérance (Locke et Bayle) : les religions, la mienne y compris, sont désormais appréhendées comme croyances (est vrai ce que je crois vrai).

- Au thème de la continuité de l’institution, signe de la vérité de sa doctrine, est désormais substitué celui de l’irréductibilité de la conscience : la conscience est l’instance à l’intérieur de laquelle se manifeste la vérité, il est ainsi impossible de forcer un homme à quitter sa religion, s’il la croit vraie.

3- Les conséquences qu’il faut tirer de cette mutation de la notion de vérité

- Aucune église ne peut prétendre détenir la vérité absolue, sauf à vouloir établir sa domination sur les autres. Pour disqualifier la prétention dogmatique qui justifie la persécution, il faut montrer la relativité des notions d’orthodoxie et d’hérésie (argument de la réciprocité, exemples de Bayle).

- Ce n’est pas l’hérésie qui est intolérable, mais l’intolérance elle-même. D’où un double renversement : l’hérétique n’est pas un dangereux coupable mais un homme menacé par l’intolérance ; son « opiniâtreté » n’est pas une obstination coupable dans l’erreur, mais l’expression d’une conviction ferme et sincère (contre l’intransigeance dogmatique, Bayle énonce les « droits de la conscience errante »).

Conclusion :

Cette première approche ne nous dit encore rien sur la manière dont il convient d’envisager l’organisation de la société si l’on veut éviter qu’elle soit en proie à l’intolérance (ce sera l’objet de la prochaine séance), mais elle nous permet de comprendre pourquoi nous condamnons les intégrismes et les fondamentalismes.