Vidéo conférence:

Machiavel et la Fortune

Lecture des 3 derniers chapitres du Prince de Machiavel (1513)

(édition P.U.F , traduction par JL Fournel et JC Zancarini)

Vidéo conférence de Didier Carsin ; séance du 30 juin 2020

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vidéo conférence du 30 juin 2020

Plan du cours :

Introduction : Pourquoi l'Italie se trouve-t-elle la proie des puissances étrangères (le contexte des guerres d'Italie au début du XVIème siècle) ? Un prince nouveau pourra-t-il la libérer ?

1- Pour quelles raisons les princes italiens ont-ils perdu leurs Etats ? (chapitre 24)

a- La remise en cause de la distinction entre les princes héréditaires et les princes nouveaux, établie au chapitre 2 : pourquoi le pouvoir de ces derniers peut-il être plus assuré en fait que celui des princes héréditaires ?

b- Pourquoi les princes italiens ont-ils perdu leurs Etats ? Les trois fautes politiques qu'ils n'ont pas su éviter

c- Ils préfèrent « accuser la Fortune » plutôt que de mettre en cause leur « paresse ».

2- Cet échec n'est-il pas vraiment imputable à la Fortune ? (chapitre 25). Les hommes ont-ils réellement un pouvoir d'initiative dans l'histoire ?

a- L'opinion fataliste voit dans la Fortune une divinité toute-puissante qui rend vaine toute initiative humaine

b- Contre le fatalisme, l'hypothèse d'un libre-arbitre humain sans lequel il ne peut y avoir vraiment d'action humaine: « J'estime qu'il peut être vrai que la fortune soit l'arbitre de la moitié de nos actions, mais qu'en même temps, elle nous en laisse gouverner l'autre moitié » De quelle manière envisager ces « moitiés » ?

c- Deux manières d'envisager la Fortune : selon un point de vue général qui porte sur la résistance que les hommes peuvent lui opposer ; selon l'observation des cas particuliers:

- La comparaison de la Fortune à un fleuve en crue: il ne tient qu'aux hommes de construire les digues et les remparts qui permettent d'en prévenir les effets destructeurs (« La Fortune tourne ses assauts là où elle sait qu'on n'a fait ni digue ni rempart pour la contenir»). Pour illustration, l'exemple de César Borgia dans le chapitre 7.

- Si l'on observe les cas particuliers, la Fortune se caractérise par des variations imprévisibles: le problème n'est plus de prévoir ses effets destructeurs mais d'éviter la rigidité d'une manière d'agir qui procède d'un trait de caractère figé (« ce vers quoi la nature incline ») et empêche le libre-arbitre de s’adapter à « la qualité des temps »

- Ces deux aspects de la Fortune ne se contredisent pas mais se complètent: la Fortune n'est pas une puissance mystérieuse qui gouverne le monde, mais le cours imprévisible des événements que l'on subit par manque de vigilance.

d- L'exemple de Jules II : sa réussite ne doit rien à son impétuosité mais au fait que sa manière d'agir se trouva « conforme aux temps et aux choses ». A défaut d'une connaissance sûre des qualités que « les temps » commandent, il vaut mieux provoquer la Fortune en faisant preuve d'audace et d'initiative plutôt que de rester circonspect (voir la comparaison machiste de la Fortune à une femme)

3- Exhortation au Prince Laurent de Médicis à prendre l'Italie et à la délivrer des barbares (chapitre 26)

a- Un chapitre déconcertant : un ton emphatique; l'invocation de la Fortune assimilée à la providence divine qui protège la « maison » des Medici ; le nom de Dieu est cité 6 fois (alors qu'il est absent du reste de l'ouvrage)...

b- La tâche historique du prince qui doit délivrer l'Italie par comparaison avec celle qui incomba à Moïse, Cyrus et Thésée (reprise du chapitre 6) : dans chacun de ces cas, une « matière » qui «donne occasion » à ces princes fondateurs de manifester leur « vertu » et de lui imposer une « forme » nouvelle.

c- Le contraste entre le chapitre 6 et le chapitre 26 : les difficultés de l'action du prince fondateur sont effacées : « Ici, tout est bien disposé ; et là où tout est bien disposé, il ne peut y avoir de grande difficulté... » Il suffit au prince italien de prendre pour « point de mire » Moïse, Cyrus et Thésée.

d- Comment Machiavel peut-il prêcher et prophétiser dans ce chapitre, lui qui se moquait des « prophètes désarmés » comme Savonarole ? Ce chapitre n'est-il qu'un morceau d'ironie ? Hypothèse de lecture proposée : la politique, qui met en rapport un prince avec ses sujets, ne se déploie pas sur le terrain de la rationalité.