Les Pensées de Pascal 02/03/2017

Séance du 02/03/2017- Lecture des Pensées de Pascal

Pour rappel, j’utilise le classement de l’édition Le Guern en Folio.

Introduction

Pascal s’adresse principalement au « libertin » : celui-ci fait profession de ne suivre que la raison et méprise la religion (voir le Dom Juan de Molière : « Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit », acte III, scène 1). Pascal veut l’arracher à sa « monstrueuse » indifférence et le convaincre de chercher Dieu. Mais comment travailler à la conversion de l’incroyant si la foi en Dieu ne peut venir que de lui (il faut bénéficier de sa grâce) ? En réalité, il ne s’agit pas de le convertir mais d’aider à sa conversion en ôtant en lui les obstacles passionnels qui s’y opposent (voir fragments 10 et 419).

1- La « négligence » du libertin n’est pas fondée : l’obscurité de Dieu dont il tire argument pour ne pas le chercher, ne prouve rien contre la religion.

- Il lui reproche l’obscurité de ses mystères. Pascal répond en engageant la discussion sur les limites de la raison (début du fragment 397).

- Il lui reproche de ne pas « avoir une vue claire de Dieu » (début du fragment 398). Pascal répond que la religion chrétienne est vraie « en ce qu’elle dit au contraire que les hommes sont dans les ténèbres, et dans l’éloignement de Dieu, qu’il s’est caché à leur connaissance, que c’est même le nom qu’il se donne dans les Ecritures, Deus absconditus (= Dieu caché).».

- L’argument de l’obscurité qui sert de prétexte au libertin pour justifier sa « négligence », n’est pas fondé : « Dieu s’est voulu cacher » (fragment 227) en établissant « des marques sensibles dans l’Eglise pour se faire reconnaître à ceux qui le chercheraient sincèrement », qui demeurent obscures aux autres (fragment 398).

- Les « preuves de la religion chrétienne » (prophéties, miracles) ne sont pas absolument convaincantes (fragment 682) comme le sont des preuves rationnelles, mais il n’est pas déraisonnable d’y croire. Ce n’est pas la raison qui détermine à les suivre ou à ne pas les suivre, mais le « cœur » qui fait pencher la balance, selon qu’il est corrompu ou converti par la grâce.

2- La négligence du libertin est le signe de la corruption de la nature que le christianisme enseigne

- Fragment 398 : « En vérité, il est glorieux à la religion d’avoir pour ennemis des hommes si déraisonnables… », et fragment 419 : « La religion chrétienne enseigne aux hommes ces deux vérités : et qu’il y a un Dieu dont les hommes sont capables, et qu’il y a une corruption dans la nature qui les en rend indignes… »

- Le caractère « monstrueux » de sa négligence (fragment 398) : « Cette négligence en une affaire où il s’agit d’eux-mêmes, de leur éternité, de leur tout, m’irrite plus qu’elle ne m’attendrit ; elle m’étonne et m’épouvante : c’est un monstre pour moi ». Le discours inconséquent du libertin : «Tout ce que je connais est que je dois bientôt mourir (…). Et de tout cela, je conclus que je dois donc passer tous les jours de ma vie sans songer à chercher à ce qui doit m’arriver ». Cette indifférence est enfin le signe « d’un étrange renversement de la nature humaine ». Mais est-elle réelle ? N’est-elle pas une posture factice (le libertin prétend « secouer le joug » de la religion) qui dissimule mal un désespoir profond ?

- « Qui souhaiterait d’avoir pour ami un homme qui discourt de cette manière ?, s’exclame Pascal. Toutefois, « comme la religion nous oblige à le regarder toujours… comme capable de la grâce qui peut l’éclairer (…) il faut l’appeler à faire au moins quelques pas pour tenter s’il ne trouvera pas de lumières » (fragment 398).

3- Comment ébranler la « monstrueuse » négligence du libertin ? Comment l’aider à « faire quelques pas » vers la foi ?

- L’argument du pari (fragment 397) : Pascal ne prétend pas démontrer au libertin qu’il est avantageux de parier sur l’existence de Dieu, mais il veut lui montrer que s’il n’est pas convaincu par la démonstration du pari (lui qui fait profession de ne suivre que la raison), c’est parce que la nature de sa résistance à la religion n’est pas rationnelle mais passionnelle (« Mais apprenez au moins que votre impuissance à croire vient de vos passions… »)

- Le seul vrai secours provient de la grâce, mais l’incroyant peut se préparer à recevoir la foi (« aller à la foi ») « en faisant tout comme s’il croyait », en « s’abêtissant » (= plier « la machine » qu’est le corps, en lui imprimant un mouvement contraire au mouvement naturel de la concupiscence, par exemple en se mettant à genoux pour prier (voir aussi le fragment 671).