Conférence: "les animaux ont-ils des droits ?" 

par D. Carsin

Conférence du 7 mars 2020 à la Bibliothèque Niemeyer du Havre

 Les animaux ont-ils des droits  ?  

par Didier Carsin, professeur de philosophie, animateur de l'association PHILOPOP (association populaire de philosophie du Havre)

Enregistrement audio

 

Plan de la conférence

Introduction   :

Le spectacle des traitements infligés aux animaux dans les abattoirs ou dans les grandes fermes consacrées à l'élevage industriel suscite une inquiétude morale croissante. Ne doit-on pas reconnaître que les animaux ont des droits, en tant qu'être vivants sensibles, pour interdire de telles pratiques   ?

Que faut-il entendre quant on parle des droits des animaux   ? S'agit-il de les considérer seulement comme des objets de droit qui imposent des obligations aux êtres humains (code rural, code de l'environnement, code civil, code pénal), ou plus radicalement,  de les reconnaître comme de vrais sujets de droit, analogues aux êtres humains  ?  Une telle reconnaissance est-elle possible, et si c'est le cas, s'applique-t-elle indistinctement à tous les animaux?

1- La distinction juridique des personnes et des choses   en vertu de laquelle les animaux n'ont pas de droits 

    Les animaux sont des êtres sans conscience et sans raison qui ne peuvent être considérés comme des personnes. Entre l'homme et la bête, il y a une frontière absolue.

    Ils peuvent donc être utilisés par les hommes à leur profit (comme nourriture, moyen de travail...)

    L'homme peut-il pour autant en faire usage n'importe comment et exercer sur eux des traitements cruels  ? Kant (Doctrine de la vertu § 17)   : les animaux n'ont pas de droits mais l'homme a des devoirs à l'égard de ceux qui sont soumis à sa garde dans la mesure où il se rapporte à eux comme à des personnes (exemple du vieux cheval qu'on entretient par reconnaissance pour les longs services qu'il a rendus)

2- Peut-on étendre aux animaux le statut de personne   et leur reconnaître ainsi des droits   ? 

    La mise en cause du critère de la raison pour reconnaître des droits à un être (Bentham, Introduction aux principes de la morale et de la législation, 1789)

    C'est la capacité d'éprouver du plaisir et de la peine (la sensibilité) qui seule permet de justifier qu'un être ait des droits, en se traduisant chez lui par le fait d'avoir des intérêts. L'intérêt est ainsi le critère qui permet de définir un sujet de droit

    L'égalité morale de tous les animaux, qu'ils soient humains ou non   ; le refus de l'anthropocentrisme et du «  spécisme  »   ; le projet d'une «  libération animale  »   : P. Singer (La libération animale, 1975), T. Regan (Les droits des animaux, 1983), G. Francione (Les animaux comme personnes   : essais sur l'abolition de l'exploitation animale, 2008)

 

3- Il est absurde de parler des droits des animaux 

    L'ambiguïté du concept d'animal

    Si les droits comportent des devoirs corrélatifs, quelles sont les obligations des animaux   ?

    A qui s'adresse la prescription de respecter les droits des animaux   ? Si c'est à l'homme seulement, ne reconnaît-on pas alors qu'il se distingue des animaux en tant qu'être moral (ce que dit Darwin dans La descendance de l'homme). Que peut signifier que tous les animaux ont le droit de vivre   : que le loup n'a pas le droit de tuer et de manger l'agneau   ?

 

Conclusion   : les animaux n'ont pas des droits, mais l'homme a des devoirs envers eux  ; ce sont des devoirs différenciés qui ne traitent pas tous les animaux de la même façon (animaux sauvages, domestiques, de compagnie)

 

Lectures conseillées   : outre les ouvrages signalés, Trois utopies contemporaines (l'utopie animaliste) de F. Wolff chez Fayard   ; Etre le bien d'un autre de Florence Burgat chez Rivages poche   ; L'animalisme est un anti-humanisme, CNRS Editions, Le silence des bêtes. La philosophie à l'épreuve de l'animalité, chez Fayard.