Journée introductive : La notion d’agir
environnemental
La notion d’agir
environnemental est polysémique : si on l’entend
immédiatemenr comme une contraction du syntagme « agir pour la
protection de l’environnement », elle peut aussi désigner
plus généralement l’ensemble des actions qui impliquent des
modifications notables de notre environnement, que celles-ci soient
intentionnelles ou non. De ce fait, la question des fondements de
l’agir environnemental n’est pas seulement celle des principes de
l’action environnementale, mais aussi celle des conditions
politiques, sociales et anthropologiques qui façonnent notre rapport
usuel à l’environnement.
La première journée de
l’Ecole sera consacrée à l’examen de la notion d’agir
environnemental et à l’amorçage des méthodes de travail
spécifiques qui seront utilisées durant toute la session. Après
une conférence inaugurale, la matinée sera consacrée à la
présentation de la question des fondements de l’agir
environnemental dans deux disciplines différentes : celle de
l’éthique environnementale à travers les avatars du concept de
bio-éthique d’une part, et celle du droit par l’analyse de
l’histoire de la notion de « protection de l’environnement ».
L’enjeu sera de mesurer à la fois leur hétérogénéité et le
degré d’élaboration de leurs approches, et non pas de brasser
l’ensemble des perspectives qui seront abordées au cours de
l’Ecole ; il s’agira en quelque sorte d’évaluer la
difficulté de l’exercice de l’interdisciplinarité avant de s’y
appliquer.
L’après-midi sera
consacré aux premiers échanges « transdiciplinaires »
sur des exemples précis (cas d'école), à l’aide des deux outils
principaux dont nous disposons, les textes d’une part, l’immersion
en situation par des jeux de rôles d’autre part. Il s’agira de
mettre en évidence la manière dont les pratiques s’articulent aux
principes : quels recours les praticiens (juristes, économistes,
ingénieurs en environnement) trouvent-ils ou pas dans les textes
théoriques ? Qu’y cherchent-ils ? Et d’autre part quels
sont les grands types de discours de justifications sur lesquels
s’appuient les pratiques ?
Chacun pourra
confronter son usage des textes à celui des autres au cours de trois
ateliers de lecture correspondant à trois types de texte, un texte
classique de la tradition philosophique, un texte juridique
définissant un principe de référence, et un texte de réflexion
contemporaine.
Les ateliers de jeux de
rôle auront pour but de récréer les conditions de dilemmes, puis
de faire apparaître les discours de justification utilisés par les
disciplines affrontant les problèmes de terrain et de les mettre en
rapport avec les textes théoriques. Leurs thématiques permettront
de balayer un large spectre de discours et de problèmes :
- avec la protection de
la biodiversité, ceux de d’économie de l’environnement, de
l’éthique environnementale, de la préservation des ressources
patrimoniales,
- avec la gestion de
l’eau, ceux de la justice distributive, de prévention des risques,
de la préservation de la ressource, des réparations juridiques de
dommages liés à la pollution,
- et enfin avec les
négociations climatiques, ceux de la justice environnementale, de la
surveillance et de la régulation, du droit à polluer..etc.
Premier Module : La Justice
environnementale, Concepts et pratiques
La notion de justice
environnementale est indissolublement morale, juridique et politique.
Elle est à la fois le fondement d’un grand nombre de discours
justifiant des actions individuelles ou collectives et un sujet de
recherches théoriques sophistiquées.
La partie
« interdisciplinaire » du module sera consacrée à
l’examen théorique critique de ce concept. Les conférences du
matin auront pour but d’en confronter quatre des aspects les plus
problématiques : la première permettra à C. Ansperger
d’exposer sa théorie des quatre régimes de justice, la seconde
visera à retracer l’histoire anglo-américaine de la notion la
seconde à montrer au contraire pourquoi elle demeure une manière
incongrue d’intégrer les problématiques écologiques au champ
politique classique, et enfin une troisième à explorer la question
de la justice intergénérationnelle, telle qu’elle est élaborée
dans la philosophie de Hans Jonas.
Par contraste avec les
conférences du matin, le principe des ateliers de ce module sera
d’explorer la transversalité de concepts considérés comme
« fondements » de l’agir environnemental dans tous les
champs disciplinaires, sachant que cette transversalité ne permet
pas de les définir de façon univoque. Ces deux concepts sont ceux
de « biens communs » et « d’irréversibilité ».
Il s’agira dans chaque cas non seulement d’établir les
différents sens contextuels de ces notions, mais surtout d’examiner
leurs usages. Par exemple, pour la notion de biens communs, s’agit-il
d’une notion princeps essentiellement déclarative ou au contraire
d’une notion opératoire ? Quels rapports les acceptions les
plus contemporaines de la notion entretiennent-elles avec les
définitions canoniques du corpus classiques ? Ou, s’agissant de la
notion d’irréversibilité, pourquoi cette notion si importante
pour décrire l’évolution des écosystèmes n’a-t-elle que très
peu de traductions sur le plan juridique ?
Le premier atelier sera
consacré à la notion de « biens communs » en
philosophie politique, droit public, droit transnational, économie,
éthique environnementale, etc. Il s'agira en particulier d'aborder
le champ contemporain des « communs », récemment mis en
exergue par le prix Nobel d'Elinor Ostrom, et de montrer comment la
complexité des situations environnementales rend les arbitrages
normatifs difficiles. Le
second atelier aura pour but l’analyse de la notion
d’irréversibilité en physique, sciences de la vie, économie,
anthropologie et philosophie et droit.
Second Module : L’agir environnemental
au prisme de l’anthropologie
Le second Module
commencera par deux séances d’atelier visant à illustrer les
difficultés du « gouvernement de la nature » à partir
d’études de cas concrets tirés de la recherche anthropologique.
Elle sera suivie d’une séance de conférences consacrées à la
mise en perspective anthropologique des notions de nature et
d’environnement telles qu’elles sont utilisées dans les
réflexions morales et politiques (matinée du cinquième jour).
Au cours des deux
ateliers des seconde et quatrième soirées seront abordés deux
questions : d’abord, sous la forme d’un jeu de rôles, celle
de la relation aux vivants non humains et particulièrement aux
animaux, telle qu’elle peut se poser dans le cadre de la gestion
d’un parc naturel dans un monde culturel différent du nôtre ;
et, presque par anti-phrase avec la notion de « gouvernement de
la nature », celle de l’approche anthropologique des notions
de catastrophe et de désastre à partir de la projection d’un film
documentaire.
La dernière matinée
sera consacrée à l’approfondissement de cette perspective
anthropologique. Elle sera organisée en deux sections : il sera
demandé à Philippe Descola de montrer en quoi l’anthropologie de
la nature bouleverse et/ou corrobore certains des attendus de
l’éthique environnementale, puis à Barabara Glowczewski de
montrer en quoi l’approche anthropologique des de désastre et de
catastrophe contredisent et/ou complètent celles de l’économie du
risque.
Troisième Module Les fondements de l’Etat
moderne à l’épreuve de l’écologie : souveraineté,
sécurité.
L’Etat moderne face à
l’insécurité écologique
Le troisième Module a
pour objectif de revisiter certains des fondements théoriques de
l’Etat moderne et de voir à quelles conditions les problématiques
environnementales émergentes obligent à leur ajustement. En effet,
l’histoire de la pensée occidentale témoigne d’une opposition
structurante entre l’ordre naturel et l’ordre moral et
politique ; ce qui suppose aussi qu’elle s’est dotée de
médiations plus ou moins subreptices permettant d’élaborer notre
rapport individuel et collectif à notre environnement. Il s’agira
donc à la fois d’explorer la façon dont les questions relevant de
ce rapport ont été rejetées hors des fondements de la sphère
politique et sous quelles formes elles s’y sont réintroduites. De
façon limitée ce module s’attachera à apporter un éclairage sur
les notions de souveraineté et de sécurité, qui seront
l’objet de deux conférences.
L’atelier du soir
mettra en situation la polysémie de la notion de sécurité
appliquée aux questions environnementales. Il s’agira de mettre en
évidence les écarts et les coïncidences entre le discours
théorique de légitimation de l’Etat et les pratiques liées aux
problèmes environnementaux émergents. Trois jeux de rôle seront
proposés :
- atelier 1 : sûreté
du territoire, sécurité des personnes et exposition aux risques
diffus: l’exemple de la politique nucléaire française
- atelier 2 : sûreté
du territoire, sécurité des populations, et changement climatique
- atelier 3 : sûreté
environnementale, souveraineté et financiarisation des ressources
primaires (sols, eau, cultures vivrières)
Quatrième Module : Vers une démocratie
écologique
Pour faire face aux
enjeux environnementaux, de multiples recherches, expériences
pratiques et modifications constitutionnelles travaillent à
revitaliser les pratiques démocratiques. Elles ont donné lieu à
deux grands types de réflexions : sur les formes
constitutionnelles encadrant ces pratiques d’une part, et sur
l’introduction même de nouvelles procédures d’autre part. Le
quatrième module proposera d’examiner chacune de ces
approches dans les quatre conférences du matin : la
première proposant une analyse critique des principes de prévention
et de précaution, la seconde sur les avancées du droit à
l’expertise et à l’information, la troisième sur les
procédures démocratiques, et dont la tentation participative, et la
quatrième explorant la question de la planification et de la
prospective.
Les ateliers porteront
sur des études de cas mettant en évidence les modalités de
l’émergence de nouvelles notions politiques, juridiques,
économico-juridiques. Le premier permettra l’étude de la genèse
du principe d’intégration des exigences environnementales et de
développement durable, le second celui de la notion de
pollueur-payeur et de toutes ses déclinaisons (éco-fiscalité,
marché d’émissions, etc..), le troisième explorera la notion
d’économie de l’environnement visant à quantifier en termes
d’utilité marchande les services rendus par la nature et le
dernier sur l’inscription juridique et administrative de la
participation après la convention d’Aarhus.
Ouvertures
L’Ecole se clôturera
par l’exposé de quatre des pistes les plus prometteuses permettant
d’envisager de donner de nouveaux fondements à l’agir
environnemental
- un exposé sur la
question des valeurs telle qu’elle s’élabore en éthique
environnementale
- un exposé sur les
apories morales et politiques de la notion de personne et la question
du parlement des choses
- un exposé sur la
question de la transition des mœurs de consommation
- un exposé sur la notion de société civile mondiale