12 - L'histoire de l'habitat rétais

 
             
 
On peut dire que l'occupation sur l'île est restée probablement très faible et instable jusqu'au Moyen-Age.
 
Au paléolithique, le relevé d'une présence humaine sur l'actuelle commune des Portes en Ré ne peut pas être représentatif d'une vie insulaire, puisque le niveau de la mer était de -120 m par rapport au niveau actuel, donc le littoral se situait au delà du plateau de Rochebonne, et l'île n'était pas formée.
 
Au néolithique, quelques communautés d'agriculteurs vont progressivement se sédentariser; à cette époque le niveau de la mer est à -12 m par rapport au niveau actuel, on peut donc considérer que les véritables premiers insulaires remontent au début du cinquième millénaire avant notre ère, date à laquelle la terre de Ré, devient une île.
Il faudra attendre l'an -2000 pour avoir l'arrêt de la transgression marine et la définition des contours actuels.
Peu de présence et d'activité humaine a priori sur cette période instable (invasions dévastant le littoral pendant de nombreux siècles et déstabilisant les populations) allant jusqu'à la période du Moyen-Age.
 
Mais à partir du début du XI ème siècle, le Comte de Poitou Guillaume le Grand décide de remédier à cette situation et développe une véritable politique de repeuplement du littoral. C'est à cette période qu'interviennent les donations de vignes qui créeront le début du développement économique.
A partir du XII ème siècle, le mouvement cistercien se développe, accompagne et organise ce développement.
 
        
 
L'habitat rétais se mettra en place à partir de cette période. Répartis en hameaux, les villages rétais se sont progressivement constitués au fur et à mesure du peuplement. A cette époque, ils sont d'abord des centres ruraux. Les villages rétais s'étendent en lisière ou au centre d'espaces agricoles. Les habitants, essentiellement une population agricole, comprennent vite qu'il est nécessaire de s'abriter du vent; associé à une protection contre les invasions, on aboutira à un habitat concentré.
Malgré une relative dispersion, il faudra attendre le début du XVIII ème siècle (période de développement et de prospérité qui permettra l'agrandissement des villages) et la jonction des bâtiments dans certains cas pour structurer plus ou moins les dix villages que nous connaissons de nos jours. Certains garderont leur structure éclatée (ex: les villages de St Clément des Baleines).
 
L'habitat dans son organisation, ses formes et son architecture reflète autant les contraintes du milieu que les influences multiples, locales et extérieures. Son implantation générale reproduit la logique de ce que l'on retrouve en milieu insulaire. Le climat (notamment l'orientation des vents dominants), la nature du trait de côte détermineront l'ancrage des ports le long du littoral abrité. Le groupement de l'habitat rétais, son homogénéité et sa simplicité s'expliquent par l'exiguïté des terres constructibles et l'insularité limitant les matériaux disponibles. L'architecture est d'une grande pauvreté. En effet,  les seigneurs de Ré n'ont jamais résidé sur leurs terres ,  les propriétaires de vignes et salines n'avaient que des pied-à-terre. Seuls quelques hôtels particuliers et demeures entourées de clos font figures d'exceptions, ainsi que les bâtiments nécessaires à la vie économique: moulins, raffineries etc.
 
La présence du calcaire dans la partie sud de l'île, et dans la partie nord (la pierre des Portes) débité sur place, contribuera à réaliser les murs en moellons de l'habitat. Les pierres taillées et les tuiles canal viendront du continent. L'enduit à base de sable et de chaux vive est utilisé pour isoler et protéger les moellons. Blanchies au lait de chaux, les façades donnent un aspect homogène et fini. Ce traitement annuel onéreux était réservé à la partie habitation et notamment les façades des rues. Certains prétendent que cette tradition du blanchiment des murs pourrait provenir des Sarrasins qui, vaincus à Poitiers, se sont réfugiés à Ré. Une particularité des villages portuaires consistait à enduire le bas des murs de coaltar (probablement apparu à l'époque des premiers navires et le calfatage de leur coque) sur une faible hauteur pour éviter la pénétration de l'humidité. Les charpentes et toitures souvent rectangulaires et simples sont réalisées à partir d'éléments de récupération, car à l'époque le bois était un matériau rare sur l'île.
 
            
 
 
Le groupement de l'habitat rétais démontre qu'il n'y a pas de différences fondamentales entre les maisons urbaines, rurales et semi-rurales. Quelques décors sur les façades des rues ou la présence de dépendances peuvent encore aujourd'hui témoignés de cette différence. Les maisons des vignerons sont spacieuses, alignées sur rue; au principal, elles possédaient au moins quatre pièces au rez de chaussée, et quatre à six chambres à l'étage. Les dépendances : chai, écuries, grange.. abritaient les outils de leur activité. Les maisons des sauniers sur deux niveaux, avaient une pièce unique au rez de chaussée et guère plus de deux chambres à l'étage. Les murs des cours ou les clos sont une constante sur l'île de Ré. Ils relient les habitations les protégeant du vent, du soleil, le tout délimitant la propriété. Les jardins situés en limite de l'agglomération sont délimités par des murs en pierres dont la hauteur est variable. Ces murs plus ou moins hauts assurent la continuité des constructions et îlots. Cet ensemble crée les conditions d'un espace bâti dense, composé d'une multitude de rues, venelles, passages, cours communes...Ces voies de circulation plus ou moins étroites étaient la garantie d'une protection essentielle: celle du vent, et assuraient aux espaces des lieux de rencontres, d'échanges, générant le lien social de l'époque.
 
Sans vouloir trop détailler les composantes de l'habitat rétais, on peut se rendre compte à l'évidence que, depuis, les époques ont apporté et nourri avec parcimonie l'architecture locale. De tout temps la conséquence des facteurs économiques, sociaux et culturels n'auront eu qu'un faible impact sur l'habitat rétais. Le miracle et la richesse dans la simplicité des villages rétais sont l'oeuvre d'une architecture vernaculaire, sans architecte, ou tout simplement celle des hommes qui utilisaient déjà le développement durable, sans en attribuer le vocabulaire.
Aujourd'hui l'impact économique lié au tourisme, les modes de vie sociale et culturelle  en constante évolution modifient logiquement les envies.
Les insulaires et les amoureux de cet habitat local ont compris qu'il fallait défendre une autre forme d'invasion; alors ils ont mis en place des règlementations soucieuses de protéger cet héritage.
Personne ne semble douter de ces bonnes raisons qui encore aujourd'hui agissent, comme les murs agissent contre les vents et les digues contre les marées.
 
L'île et ses habitants ne font qu'un.
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