15-35 L’usage raisonné de la main gauche au violoncelle chez le débutant
Dans l’apprentissage du violoncelle, la main gauche a autant d’importance que la main droite. Certaines méthodes débutent, soit par l’utilisation de l’archet, soit par les pizzicatos à la main droite, mais jamais par la main gauche ou les deux mains ensemble.
L’âge et le passé musical de l’élève n’étant pas pris en compte pour démarrer correctement le long apprentissage du violoncelle, il faudra donc apporter quelques aménagements à la méthode. Dans la démonstration qui suit, sur l’usage de la main gauche, je vais tenir compte de l’âge et de la morphologie de la main et nous allons voir pourquoi. L’objectif étant d’obtenir, dans des délais très brefs, un positionnement quasi parfait de la main gauche, et dans un second temps, d’approcher la justesse, le tout dans la compréhension morphologique de la main et de son positionnement technique sur l’instrument, sans l’apport de « béquilles » telles que gommettes ou accordeur.
Avant toute chose, la position assise doit être parfaite, la tenue du violoncelle encore incertaine à ce stade de l’apprentissage doit néanmoins être assez approchante de l’idéal, (l’idéal étant le confort de l’élève dans le respect des règles qu’imposent le jeu et la tenue).
Si l’élève est mal à l’aise avec son instrument, ne sachant de quel coté celui-ci risque de « glisser », il y a là un signe de « mal être » qui oblige l’élève à se resserrer sur lui-même. Aidons-le à accentuer sa position recroquevillée et à enserrer son instrument comme s’il enlaçait son nounours ou une personne, ensuite, faisons élargir les bras au maximum et reprendre la bonne position, puis, poser les mains sur les genoux qui serrent l’instrument.
Le violoncelle tient tout seul, les épaules sont en arrière, la position est bonne, occupons-nous de placer la main gauche. C’est donc la main, pas l’index, que nous allons mettre en place.
Première partie, le positionnement de la main gauche
- La position globale de la main gauche (a) est déterminée par la façon dont elle arrive sur le manche, il convient donc de comprendre avec soin cet apprentissage somme toute logique : c’est une posture de main qui monte en position et non pas une main et des doigts qui se placent sur le manche à un endroit x.
Exercice : Partir d’une voûte de main et pouce (b) en bonne posture grâce au ballon ou au gros verre, (voir 15.10) monter l’ensemble de la main au manche, débarrassée de l’accessoire, la main aura gardé sa forme une fois placée sur le manche à la corde de Sol (sans appuyer les doigts sur la corde), ensuite redescendre cet ensemble, main à plat, sur votre genou gauche. Cet apprentissage sera répété jusqu’à ce que la posture arrive de façon parfaite, les quatre doigts sur la corde. Si les quatre doigts sont pile au-dessus de la corde, cela veut dire que la voûte est parfaite, les épaules à leur juste place, perpendiculaires au bassin. Et ce quelle que soit la longueur des doigts (rectifiés par la voûte et le positionnement adéquat du pouce).
- Une fois la position de l’instrument plus affirmée, monter la main voûtée au manche ou l’enlever du genou ne paraîtra, non seulement pas difficile, mais évidente, de plus, cet apprentissage sera déjà acquis pour les autres positions du manche.
Déjà, se dessine une évidence, c’est le pouce qui va déterminer votre justesse, c’est de par sa position sur le manche qui d’ailleurs nomme les positions que vous serez « juste ».
(a) Cette acquisition ne peut se faire que si la position assise est définitivement correcte, je ne parle pas de la tenue globale de l’instrument, mais bien du confort de la tenue du violoncelle. Ainsi, il est évité de s’agripper à l’instrument et de se tortiller afin d’en rattraper les glissades, ce qui bloque toute aisance dans le haut du corps.
(b) Pour avoir une main préformée, faire tenir un verre de gros diamètre ou une grosse balle. La grande ouverture de la main obtenue par la tenue d’une grosse balle ou d’un gros verre est conservée jusqu’à la position sur le manche et va nous donner pratiquement le bon écart 1-4 sur la manche (voir 15.10).
Deuxième partie, la mise en place de la justesse
Les exercices précédents réalisés sur la corde de Sol, ayant pour avantage sa position centrale sur le manche, nous évitent ainsi d’avoir à tourner les épaules pour accéder aux autres cordes (c). Mettons en place de la justesse, le La 1e doigt (La) sera vérifié par une belle et longue corde à vide jouée préalablement (d) et mémorisée par l’oreille, le quatrième doigt (Ut) pourra être immédiatement corrigé par l’usage de la corde à vide voisine. Dans un futur très proche, le professeur aura à cœur de montrer à l’élève les résonances harmoniques procurées par la justesse de ces notes.
L’ensemble - pouce, index et auriculaire en place, coude à la bonne hauteur -, sera mémorisé par la mémoire de proprioception.
Dans le cas d’une justesse La – Ut défaillante, la position sera rectifiée par un déplacement complet du « bloc main gauche » du haut vers le bas selon les besoins et une correction de l’écart. Combien de positions sont rectifiées par le déplacement d’un doigt alors que c’est soit le « bloc » qui n’est pas formé correctement, soit le pouce qui n’est pas à sa place. Cette fameuse mémoire dite de proprioception n’est pas encore figée.
A ce stade de l’apprentissage, l’âge de l’élève va peser très fortement sur la suite de l’orientation pédagogique à donner.
- Si c’est un jeune enfant, l’écart des doigts par demi-tons sera instantané, la formation initiale des doigts de la main le permettant.
- Dans le cas de l’adulte, l’écart 1 - 4 sera tout aussi bon, seul le majeur 2 et l’annulaire 3 qui semblent collés l’un à l’autre vont nous poser quelques soucis.
Il va falloir travailler la souplesse musculaire pour décoller l’écartement de ces deux doigts « copains ». Combien d’élèves déplacent le 2 en même temps que le 3, car ce déplacement aide physiquement au bon positionnement du 3 et inversement. Le long travail quotidien des gammes chromatiques, réglera ce « détail ».
Voilà donc nos deux cas les plus courants (e) avec une main gauche en place, sans avoir dû trop forcer sur les muscles, et sans non plus voir des contorsions des épaules ou pire de la tête pour voir si ..
L’élève aura acquis : une belle main (même pour les futures positions) au bon endroit, une qualité du son par les cordes à vide, une compréhension de l’usage d’un violoncelle par les harmoniques.
A ce niveau d’étude, l’usage de gommettes aurait eu pour effet de placer essentiellement le premier doigt, de bloquer la main sur ce doigt jusqu’à le transformer en pince, donc de remonter le pouce sous l’index et d’assister à de multiples contorsions afin de mettre les autres doigts sur les gommettes correspondantes, ce qui aurait aussi pour effet d’incliner la main, façon guitariste ou violoniste. L’élève aura pour acharnement de redresser sa main alors que c’est le geste d’arrivée en position sur la touche qui est faux et la position « en marteaux (f) » des doigts non appliquée, quand à la voûte, elle est complètement inexistante. L’élève aura, bien sûr, la tête de travers pour vérifier s’il est sur la bonne couleur de gommette et s’il a le bon doigt à la bonne place et voir sur la bonne corde. Tous ces gestes, vous l’aurez compris, ne favorisant pas la souplesse ni la quiétude requises pour l’étude de votre instrument…
De tout ce premier apprentissage sur la corde de Sol, il faut retenir que le bon écartement des doigts, sur les autres cordes, ne pourra se faire que grâce à la compréhension du geste et de la souplesse requise. Lors du travail sur les cordes suivantes, il suffira de porter son attention sur la hauteur du coude, sur le travail effectué par l’omoplate et surtout par le pouce de la main qui devra bouger vers un côté ou l’autre du manche, sans négliger le bras droit qui accompagnera le geste du gauche (voir 15.10).
(c) Objet d’un autre cours : Se déplacer harmonieusement de corde en corde en réduisant le mouvement des épaules.
(d) Les cordes à vide sont étudiées avant l’usage de la main gauche et resteront, durant de longues années, une solide base de travail du son.
(e) Fonctionnement identique pour les gauchers.
(f) La pression exercée par la main sur le manche doit être répartie également sur l’ensemble des doigts exécutants. Il sera utile de faire lever le pouce de temps à autre afin de faire comprendre que les doigts agissent verticalement à l’image des marteaux d’un piano et non pas en « tenaille ».