Sociobiologie: les vibrisses dans le comportement du rat

Que sont les vibrisses ?

Les vibrisses des rongeurs sont ce que l'on peut appeler les "moustaches".

Il existe deux types de vibrisses, organisées en rangées et en arcs: les microvibrisses qui se trouvent en avant, autour de la bouche, et les macrovibrisses qui sont placées caudalement. Ces dernières sont au nombre de 33 et organisées selon des positions fixes que l'on nomme matrice mystaciale.

Le rat est capable de bouger des groupes de vibrisses à une vitesse de 8 fois par secondes, selon des mouvements d'avant en arrière appelés le"whisking". Elles analysent à la fois dans le mode horizontal, vertical et radial pour appréhender le mode en 3 dimensions mais leur utilisation est unique à chaque rat.

Chaque vibrisse provient d'une papille vibrissale en composée de différentes couches (gaines et membranes), le folicule vibrissal où se trouve plus de 2000 récepteurs. La surface de la vibrisse présente une structure écailleuse et son volume est majoritairement composé du cortex. L'autre partie, plus interne, est creuse et composée de la medulla. Une vibrisse pousse de manière synchronisée sur les deux faces du museau de l'animal.

Environ 2/3 des rats sont droitiers au niveau de la performance d'utilisation de leurs vibrisses.

Rôle des vibrisses dans le comportement social du rat

Le rat est sensible à un comportement nommé le thigmotactisme, qui consiste à raser les murs pour lui permettre d'analyser son environnement, ses dangers, ses obstacles ou ses ouvertures (lire "mon rat rase les murs" pour en savoir plus). C'est un comportement étroitement lié aux vibrisses: par exemple, une vibrissectomie (ablation des vibrisses) du côté gauche de l'animal le forcera à longer les murs avec ses vibrisses subsistantes à droite.

Les chercheurs de l'Université de Sheffield au Royaume-Uni ont prouvé que l'utilisation des vibrisses par le rat différait en fonction de leur environnement. Dans un environnement familier, les vibrisses passeraient d'un mouvement exploratoire à une simple recherche d'obstacles.

Dans le cas d'une vibrissectomie totale, le rat devient subitement agressif avec ses congénères et adopte un comportement mordeur. Les dominants peuvent aller jusqu'à tailler les vibrisses des dominés qui se laissent faire et qui présentent d'eux-mêmes leur museau aux dominants pour se les faire ronger.

Un animal au repos ou plongé dans le sommeil verra ses vibrisses repliées vers l'arrière et rétractées, tandis qu'à l'inverse, un rat éveillé et stimulé déploiera sa matrice vibrissale.

Le rôle comportemental des vibrisses ne s'arrête pas là: le rat peut les utiliser pour estimer sa vitesse, se maintenir hors de l'eau lorsqu'il nage, percevoir les ondes sonores ou même séduire un partenaire.

De plus, la stimulation des vibrisses chez un jeune rat produit une augmentation de la densité synaptique du cerveau (environ 36%) et donc une amélioration de la performance d'apprentissage.

Et chez le rat rex ou nu ?

Les vibrisses recourbées du rat de type rex (poils et moustaches ondulés voire frisés) sont-elles une gène pour son comportement social ? Sans aucun doute, la perception d'un rat rex serra limité à la taille de ses vibrisses et donc son monde sensoriel serra appauvri.

Les études menées par M Armstrong-James, ME Diamond et FF Ebner tendent à penser qu'un rat auquel on coupe les vibrisses de manière inégales (vibrisses D2 et D1 ou D3 restées intactes et les autres coupées par les chercheurs) sont capables de réorganiser leurs capacités sensorielles pour s'appuyer sur les vibrisses encore intactes plutôt que sur celles qui ont été taillées.

Cependant, dans le cas du rat nu dont les poils sont -par définition- les plus absents possibles, il se pose la question des vibrisses. Il serrait possible de voir naître des rats nus dépourvus de vibrisses. Ce type de handicap étudié en laboratoire (par Stella Burnham Vincent notamment) a mis en évidence des attitudes déviantes: en effet, les rats privés de leurs vibrisses ont des problèmes d'équilibre et de mouvements. On peut donc aisément supposer que des problèmes comportementaux peuvent en découler (aucune appréciation des distances et de l'approche: stress, états de panique, asociabilité...).

Sources:

"Collecte d’information tactile chez le rat : biomécanique de la vibrisse et stratégie d’exploration"

par Yves Boubenec

"Rôle des vibrisses dans le codage sensoriel chez les rongeurs: stratégies et mécanismes"

"Motor-Sensory Confluence in Tactile Perception", The Journal of Neuroscience

"An innocuous bias in whisker use in adult rats modifies receptive fields of barrel cortex neurons",

par M Armstrong-James, ME Diamond et FF Ebner

"Neuromodulation et Plasticité des Propriétés Fonctionnelles des Neurones Corticaux :

Etude dans les Cortex Primaires Visuel et Somatosensoriel" par Valérie Ego-Stengel

"La bionique" par Agnès Guillot & Jean-Arcady Meyer

"Existe-t-il des gènes comportementaux ?" Par Pierre Roubertoux

Psychologie zoologique et biologie. In: L'année psychologique. 1912 vol. 19. pp. 312-344

"Rats alter the way they use whiskers to help navigation", par Nature News