Superfétation et superfécondation: zoom sur les gestations "super"

Note: certaines sources semblent ne pas être très rigoureuses dans l'emploi des termes "superfétation" et "superfécondation".

Superfétation: super..! Deux gestations en une !

Définition de la superfétation

La superfétation (aussi écrit "superfœtation") est l'implantation, chez une femelle gestante, d'une nouvelle grossesse. Ainsi, une femelle qui a eu une portée, a fini son œstrus (ses "chaleurs") et à laquelle on a retiré le mâle en aura une seconde 2 ou 3 semaines après. Les facteurs de risque semblent multifactoriels.

Ce phénomène est extrêmement rare et peut s'observer en particulier chez certaines espèces animales comme le lièvre et le blaireau d'Europe, le vison d'Amérique ou encore les poissons d'eau douce. En temps normal, le développement d'un follicule ovarien est inhibé par le système hormonal lors de la gestation. De fait, il est normalement impossible qu'une femelle gravide ait des chaleurs ou conçoive une seconde grossesse en parallèle de la première.

Ainsi, 80% des lapines accepteraient un accouplement au cours de leur gestation, sans pour autant que le phénomène de superfétation ne se présente. De même, on estime que 10% des chattes peuvent présenter des chaleurs durant la gestation, généralement entre le 21e et le 24e jour, parfois au cours de la 6e semaine.

Chez l'humain, la superfétation est envisagée en cas de discordance de taille entre plusieurs fœtus. Cependant, d'autres causes doivent être soupçonnées, telles que le syndrome transfuseur-transfusé.

De même, certains chercheurs estiment que la superfétation peut la plupart du temps être confondue avec la reprise du cycle ovarien suite à une gestation avortée ou avec une diapause embryonnaire qui ne peuvent pas être considérées comme des grossesses actives.

Superfétation chez le rat domestique

Chez les rats en lactation, on sait que l'implantation d'ovules fécondés est retardée de plusieurs jours ("nidation différée" ou "gestation retardée"). Ainsi, chez les rates accouplées immédiatement après le post-partum, l'implantation peut être retardée jusqu'à 20 jours (Brambell, 1937).

Signalée dés 1966, par Deanesly, la superfétation a principalement été introduite expérimentalement. Pour ce faire, Canivenc et Mayer ont injecté de la progestérone dans le mur d'une corne utérine chez des rates en lactation. Une implantation localisée d'ovules a été induite dans la région traitée et une superfétation a pu être observée. De même, 400 couples monogames ont été étudiés. Le cas d'une femelle décédée pendant sa gestation a intéressé les examinateurs. Elle avait du sang dans la région périvaginale et semble avoir tué ses bébés durant la mise-bas. A l'autopsie, un fœtus logé partiellement dans le corps de l'utérus et partiellement dans la corne gauche a été observé. Il y était présent en plus de 6 fœtus qui semblaient avoir environ 15 jours. Dans la corne utérine droite, les examinateurs ont pu observer des cicatrices placentaines révélant qu'elle contenait 7 fœtus matures (ceux que la femelle a tué). La rate a donc transporté 8 fœtus à un stade de développement environ supérieur à 6 jours par rapport à 6 autres fœtus.

Helen Dean King signale la naissance en décembre 1910 de la portée contenant 4 bébés de la femelle "nommée"'4A29". Le mâle avait été laissé avec la femelle jusqu'à découverte de la naissance. Environ 14 jours plus tard, "4A29" a mis au monde 7 nouveaux bébés.

Il semble plus probable pour certains auteurs que la superfétation naturelle chez le rat soit la conséquence de l'implantation retardée d'une proportion des embryons d'un unique accouplement fertile (et donc plutôt une superfécondation). Pour d'autres, comme Helen Dean King, il semble improbable que des ratons ayant deux semaines d'écart puissent être conçus durant la même période d'ovulation.

Quand le rat est effectivement amené à porter des fœtus à deux stades de développement visiblement différents (dans le cas d'une superfétation expérimentale telle que celle vue ci-dessus), les examinateurs ont pu mettre en évidence l'importance du "décalage".

En effet, si le rapport entre les fœtus "âgés" et "jeunes" est moindre, la parturition aura lieu lorsque les "jeunes" fœtus seront devenus matures tandis que les fœtus "âgés" mourront in-utero. A l'inverse, si le rapport entre les fœtus est plus important, la parturition aura lieu lorsque les fœtus les plus "âgés" seront matures tandis que les "jeunes" seront avortés. Transporter les fœtus issus des deux cycles de développement jusqu'au terme de la mise-bas s'est révélé exceptionnel en conditions expérimentales.

L'incidence des cas de superfétation a été estimée, sur une colonie de la souche Porton-Wistar, à 0,09-0,27% des portées nées.

Superfécondation: une portée avec plusieurs pères, c'est super..!

Définition de la superfécondation et de la superfécondation hétéro-parentale

La superfécondation est la fécondation d'ovules (deux ou plus) par plusieurs rapports sexuels successifs ayant eu lieu durant la même période d'œstrus.

La superfécondation hétéro-parentale est une fécondation de plusieurs ovules par plusieurs mâles différents lors d'une même période d’œstrus.

Selon certaines sources, les cas présentés comme "superfétation" combinés à une diapause (cas du blaireau d'Europe et du vison d'Amérique) devraient être classés comme des cas de superfécondation et non pas de superfétation. Dans le cas du lièvre brun possédant un œstrus pré-partum et une possible nouvelle implantation lors de l'approche de la parturition (≃ 4 jours), l'utilisation du terme "superconception" est plutôt suggéré (Roellig, 2011).

Chez le chat, espèce à ovulation provoquée, la femelle se fait saillir par plusieurs mâles (polyandrie). On estime qu'une femelle peut être saillie 10 fois par heures et si le premier mâle provoque l'ovulation (et féconde probablement quelque-uns des ovules), les ovules de la femelle restent viables pendant environ 24h. D'autres mâles peuvent donc saillir et féconder la femelle à leur tour (Paragon et al., 2000).Des paternités multiples d'origine naturelle ont aussi été observées chez le vison d'Amérique (Yamaguchi et al., 2004) et en captivité chez des tigres dans 66,7% des cas de polyandrie observés.

Si peu de recherches ont été effectuées sur le sujet, certaines sources estiment la superfécondation "commune chez les espèces multipares".

Superfécondation et superfécondation hétéro-parentale chez le rat domestique

Le phénomène de paternité multiple est peu documenté chez le rat domestique. Dans les cas où la possibilité existe, on notera la tendance des passionnés à conseiller de se référer à la génétique pour trouver l'identité du (ou des) père(s). Il semble que la superfécondation hétéro-parentale soit avant tout un moyen pour augmenter la diversité génétique. Une étude effectuée sur le rat noir (rattus rattus) a analysé les embryons de 17 femelles gestantes: la paternité multiple semble être la norme. Sur ces 17 portées, une seule peut être attribuée à un seul et unique mâle tandis que les autres avaient entre 2 et 4 pères.

Helen Dean King (1913) semble être l'auteur ayant le plus documenté le phénomène de superfécondation. Elle rapporte le cas de 8B5, rate qui a eu une portée le 8 avril 1912. Les examinateurs ont déplacé la mère et son nid dans un autre logement le lendemain de la naissance et ont observé 6 bébés uniformes en taille et en poids. Cependant, lors d'une vérification de l'état de la portée effectuée 3 jours plus tard, ils ont pu constater qu'elle contenait à présent 8 ratons. Les deux "nouveaux" étaient visiblement plus petits et étaient nés au moins 2 jours après les autres au vu de leur stade de développement. Helen Dean King signale qu'au bout de 2 mois la différence n'était plus visible, ce qui soutient la théorie que tous les ratons plus malingres dans une portée ne sont pas forcément des "avortons" ou des "gringalets" ayant une faiblesse de constitution ou un accès limité aux mamelles. Ce sont peut-être parfois des témoins du phénomène de superfécondation.

Sources:

Lemonde.fr - "Des jumeaux de pères différents, c'est possible. Retomber enceinte alors qu'on l'est déjà, aussi".

"Élaboration d'un protocole de visite d'élevage de rongeurs et lagomorphes de compagnie"

Vetopsy.fr

"Superfétation: à propos d'un cas et revue de la littérature"

"Effects of local application of ovarian hormones on the delay in implantation in lactating rats"

"Naturally occuring superfoetation in the rat"

"The concept of superfetation: a critical review on a ‘myth’ in mammalian reproduction"

"Wildlife Conservation on Farmland: Conflict in the countryside"

"Superconception: European brown hares, while pregnant with one litter, can start a new pregnancy"

"Développement, comportement maternel et relations au sein de la fratrie chez le chat"

"Les pathologies de la gestation chez les ruminants"

"Biologie et génétique des populations d’une espèce invasive: le cas du vison d’Amérique en Bretagne"

"Simultaneous polyandry and heteropaternity in tiger (Panthera tigris altaica): Implications for conservation of genetic diversity in captive populations of felids"

"Some anomalies in the gestation of the albino rat (mus norvegicus albinus)"

"Multiple paternity and differential male breeding success in wild ship rats ( Rattus rattus )"