Zodiaque
Les enfants qui naîtront entre le 7 et le 14 donneront des vieillards barbus et vétilleux qui marqueront une préférence pour les blouses grises et les chapeaux de paille dure de forme « canotier ».
Ils aimeront les instruments à vent, tels que la clarinette, le piston, le cor de chasse, les conférences internationales ; ils vivront sur les ponts ou sur les hautes montagnes ; ils adoreront manger la chair du sanglier.
Plusieurs feront des veufs célèbres, et quelques-uns des chansonniers connus par des chansons sur les oiseaux utiles.
Maigres, mais brusques dans leurs mouvements, ils devront éviter de tenir des commerces de verrerie, ou d’élever des orphelins au-dessus du cinquième étage dans les cités européennes de plus de 500 000 habitants.
On leur conseillera le sous-marin, à petites doses, des laxatifs légers, des promenades en montagne, et les chansons à quatre voix d’un rythme lent.
Les hommes qui sont nés dans le bélier feront bien d’éviter les tournois.
(La Montagne – 6 février 1962)
C’est pourquoi les enfants d’avril ont une vieillesse pleine de soucis. On les trouve à l’automne, en fin d’après-midi, dans un tout petit café-tabac de la rue Saint-Jacques où la lumière est d’un jaune pâle, autour de quelques verres de vin blanc. Ils font semblant de lire le journal, ils rêvent d’une grande expédition d’où ils ramèneraient des oiseaux bleus et jaunes, et chassent les mouches d’un geste machinal. C’est là que se réunit aussi l’Amicale des sonneurs de trompe. Elle répète au sous-sol, au fond d’une cave obscure, pour ne pas déranger les voisins, et tandis que les enfants d’avril rêvent des autruches et des serpents qui pourraient payer leurs dernières dettes, ils entendent faiblement les cors qui sonnent la mort du cerf dans les entrailles du sol.
Ces circonstances les dépriment beaucoup malgré leur robuste optimisme. C’est pourquoi, au printemps, ils reviennent au pays afin de respirer l’air natal. Ils y meurent dans leur lit par une journée d’avril qui sent légèrement la vase molle et où le tonnerre roule sans fracas à l’horizon.
(la Montagne – 2 avril 1967)
Les hommes qui naissent sous le signe des Poissons ressemblent, assurent les astrologues, à la baleine, au phoque, à Renan et au turbot. Ils ont l’œil globuleux, la chair pâle, le regard vague, perdu dans des songes infinis ; le pied court, large et mou de la baleine (du moins de la baleine idéale) ; la moustache rare du veau marin.
Ce sont des Poissons de type « dilaté ». Ils épaississent en se ramollissant, comme Charles VII et Sébastien Bach. On leur conseille le soluté physiologique de sel marin isotonique en bains de pieds ou en compresses chaudes et une chaussure large à bout dur. Ils doivent éviter comme la peste les eaux stagnantes, l’humidité, les rez-de-chaussée, parfois même certains entresols.
Et c’est pourquoi leur cabinet de travail est toujours au premier étage, dans des maisons de style néogothique, où la lumière tombe obliquement par des vitraux losangés de vert et de jaune, sur des planchers à chevrons merveilleusement cirés qui sentent le miel dans une pénombre de sacristie. Leur bibliothèque aux meubles noirs, éclairée d’un jour d’aquarium, est vaste comme une cathédrale. Ils s’y tiennent derrière leur bureau, à la façon du poisson rouge derrière un gravier de porcelaine, et regardent fixement à travers le vitrage.
Deux gravures sont pendues au mur, avec des personnages en costume Charles VII : Le Droit de Cuissage, La Chasse aux lévriers. Pourquoi ? Nul ne le saura jamais.
(La Montagne – 8 février 1966)
Les enfants de janvier seront curieux, discrets et porteront des pardessus rayés ; le ciel bénira leurs entreprises. Les femmes seront généreuses et sincères ; les astrologues très renseignés assurent qu’elles feront des voyages et vieilliront comme les grands vins.
(Almanach des quatre saisons)
Plus larges de face que de dos, les enfants du pur Capricorne sont souvent somnolents et monumentaux. Leur peau, couleur de cigare blond, se trouve tendue sur de vastes surfaces aisément cartilagineuses, qui présentent des dépressions où le doigt enfonce un peu quand on appuie beaucoup.
Leur attitude mentale est un sommeil profond dans lequel les problèmes se résolvent en songe.
De grand os soutiennent leurs grands corps, plus symétriques que la moyenne.
Leur danger principal (rouille, arthrite, fléchissement) se situe au niveau des genoux et dans toute la partie des cuisses avoisinantes, exactement depuis le débouché de l’entonnoir fémorali-vasculaire.
(…)
JEUNES, ils ont l’enfance ailée, luisante, chorégraphique de l’hirondelle ; on les voit alors, vêtus de noir, jouer dans la neige fraîche avec espièglerie, n’y laissant que des traces légères.
Ils deviennent ensuite puisatiers, hommes d’Etat ou maîtres d’hôtel, diplomates, généraux, et les femmes, égéries de personnages très importants.
Ils font parfois même des schismatiques modestes mais profondément convaincus.
(L’almanach des quatre saisons)
Les hommes qui naissent sous le signe du Lion sont petits, velus, gracieux et fiers. Ils aiment les gilets de couleur vive et se trouvent souvent portés à jouer du tambour.
Les fillettes qui naissent sous son signe ressemblent à Junon et à Garibaldi. Elles sont impérieuses et superbes et se distinguent communément par une grande majesté du buste.
Il n’est pas rare qu’elles épousent un monarque, un comptable, un maître d’hôtel ou même parfois le patron d’une brasserie importante.
(L’homme velu de juillet – Adam – Juillet 1965)
Les enfants qui naîtront dans le mois seront élancés, ardents, barbus et vétilleux.
Ils vivront sur les ponts et sur les hautes montagnes. Avec l’âge leur barbe carrée, mais peu soignée, prendra de plus en plus d’importance et deviendra d’une couleur gris fer. Ils aimeront les longues blouses du même ton, d’un tissu mou et sans cati, et les chapeaux de paille dure de forme de canotier, les instruments à vent, tels que la clarinette, l’accordéon, le piston, le serpent de bois, les conférences internationales, et mourront en faisant beaucoup de bruit dans des endroits déserts plantés de genévriers.
Plusieurs feront des veufs célèbres et quelques-uns des chansonniers connus par des couplets sur les oiseaux utiles.
(L’Almanach des quatre saisons – Avril)