- Sur Vialatte

Sur Vialatte

Il est utile de s’opposer au malentendu : « Vialatte l’Auvergnat. »

Vialatte n’est pas plus auvergnat que Pagnol n’est marseillais. Pagnol était plutôt un Grec, soit dit en passant, et Vialatte une sorte de romantique allemand. Ils sont surtout des écrivains universels. Comme tout bon écrivain. Et peut être le sont-ils en raison de cette loi de la littérature : pour être universels, soyons village.

Le village, c’est cent mètres carrés de la ville de Marseille, comme dans Pagnol, une région pas très peuplée de la France, comme dans Vialatte, ou encore le moi, celui de Montaigne par exemple.

Voilà trois messieurs qui nous entretiennent, l’un d’un bistrotier du Vieux Port et des amours de son fils, l’autre des songes de quelques collégiens ou des mœurs plus ou moins mythifiés des habitants de l’Auvergne, l’autre enfin des ratiocinations dans une bibliothèque où il a affiché des sentences d’écrivains antiques, autrement dit de toutes petites choses qui seraient supposer n’intéresser personne, et ils nous charment.

Le talent, toujours le talent. Quelle injustice.

(Charles Dantzig, avant-propos aux Chroniques de la Montagne - 1962-1971- d’Alexandre Vialatte – Collection Bouquins – Robert Laffont – 2000)

Le marché aux puces, c’est le chaos, la nature et les hommes qui déversent pêle-mêle leurs œuvres. L’éminente fonction de l’artiste (ou de Dieu) est de mettre de l’ordre. C’est ce qu’a fait Vialatte toute sa vie. Il a ordonné le chaos.

Du marché aux puces, il a fait le British Muséum.

Je ne sais pourquoi, je me l’imagine toujours vêtu d’une blouse grise , comme un épicier, et monté sur un escabeau, rangeant soigneusement son butin sur des rayonnages dans une boutique enchantée à l’enseigne des « Fruits du Congo, épicerie métaphysique ».

(Jean Dutourd – Préface à l’Almanach des quatre saisons)

« Alexandre Vialatte (…) était un homme fort cultivé, d’une prose infiniment élégante, d’un humour plus subtil, plus tendre et plus désespéré qu’un la mineur final dans un rondo de Satie ».

(Pierre Desproges - Dictionnaire superflu )

Peut-être aussi ai-je tort de me prendre si au sérieux. C’est en prenant récréation de soi-même qu’on fait les choses les plus ailées, que le poisson-bœuf peut devenir poisson-volant.

Lettre à Ferny Besson du 17 décembre 1950

L’autre à côté, hilare, avec les yeux plissés et ce rire d’asiatique, on me dit que c’est moi ; tout tend à me le prouver.

Je ne me croyais pas si grand, ni si chinois. Nous nous voyons toujours à côté de nous-mêmes. Ces images que nous laissons, et qui semblent fidèles aux autres, éternisent un aspect passager qui nous paraît faux à nous-mêmes, qui nous voyons sous forme de synthèse, une synthèse dont nous faisons une espèce d’identité étrangère aux éléments qui la composent.

(Où sont-ils ?)