Cette chronique traitant de l’homme d’une façon générale, ne saurait s’abstenir de parler du serpent.
Il n’y a pas de bête plus dégoûtante. Elle est faite en forme de lacet. On peut l’enrouler sur des bobines. Comme les vers de Sumatra, qui ont dix mètres de long. En forme de lacet tubulaire, de conduite d’eau, mais plus mince à mesure qu’on approche de la tête, et encore plus à mesure qu’on approche de la queue. Ce n’est pas le moins répugnant de la chose. Et puis au bout il n’y a plus rien du tout. Du moins pour l’œil (car l’imagination travaille). Il continue au-delà de lui-même. Il se prolonge.
Plus ils sont gros, plus ils sont léthargiques. Deux cent kilos de serpent qui somnole sur une chaise sont une chose effrayante à voir. C’est pourtant pavé de mosaïques, incrusté de noir, d’ocre, de brique , de rose, de vert, de jaune citron, de polygones décoratifs, d’un fini presque industriel, et pareil à de la bijouterie. Et plus c’est beau, plus ça dégoûte.
Il y a pire : c’est l’œuf du serpent ; vert avec une peau transparente.
Je parlais de fini industriel. Il n’y a pas de bête qui se rapproche plus de l’épure, de la spirale, de la circonférence, de l’ellipse, et de toutes les courbes qui se dessinent à l’aide d’un compas, d’un pistolet, sur une feuille de Canson. On pense aussi au nœud de cravate, à la mèche de fouet. A la vitrine du joaillier.
(Chronique du mamba vert et même du mamba noir – La Montagne – 22 février 2013)