Pique-nique

Mais voici que le soleil, succédant à la pluie, fait briller les lacs des montagnes.

L’homme met un léger chapeau de paille et s’élance vers les horizons. Assis au somment des collines, il y mange du lapin mort dans des assiettes en plastique bleu.

Rien n’est plus beau à voir que l’homme sur les montagnes quand il mange avec ses enfants du lapin mort dans des assiettes en plastique bleu. Il a les mollets nus et des sandales romaines. Il se grise d’idéal. Il tranche le cervelas. Il fait circuler la bouteille. Il jette au vent les épluchures de saucisson.

(La Montagne – 21 avril 1968)

Assis sur un banc vert dans un site inviolable, il nomme les montagnes à son fils et lui fait admirer les beautés de la nature. Il lui fait lire les poètes du printemps qui ont célébré, sous l’influence du vin et des nourritures échauffantes, les repas d’herbages et de fromages blanc.

Il vante à ses enfants le yaourt tunisien qui fera d’eux des centenaires bulgares. Il prodigue le savoir, il gaspille les maximes. Il a les mollets nus et des sandales romaines. Rien n’est plus beau à voir que l’homme sur les montagnes, dans l’exaltation du printemps, près de la corbeille inséparable des beaux sites, où il jette en partant les pelures de cervelas.

(Tel le lézard sur l’asphalte brûlant)