Cependant le mal était fait.
Dieu avait lancé le monde comme une pluie d’étoile par la lucarne de l’atelier, et le monde était là pour les enfants des hommes, comme un bilboquet fantastique orné de rayures éclatantes, comme un gros lot, comme un livre d’étrennes, comme une offense aux esprits pondérés.
Tel quel il plut au grand Shakespeare. Mais c’est un auteur exotique d’imagination maladive, dont le cerveau, gâté par les brouillards qui naissent des cours d’eau britanniques, n’enfante lui-même que nuit des rois, parricides, fantômes et sorcières, et d’autres monstruosités telles qu’on n’en trouve que dans les pires auteurs, la Bible ou la Mythologie, Homère, Swift, Rabelais qui ont le curieux parti pris de ne voir partout qu’étrangetés et merveilles.
(Mythologie de la plus petite place – Opéra n° 336, 19 décembre 1951)
L’homme a grand besoin du serpent de mer et de l’éléphant. L’homme ne saurait se passer des monstres. Comment connaîtrait-il sa taille sans la girafe et l’arteron ? Où placerait-il, sans l’homme-sans-tête, sur les atlas le vrai pays des hommes-sans-tête ? Et que serrait un atlas sans Pygmées, sans centaures, sans amazones, et sans Eole qui souffle sur la rose des vents ?
Où serait la fraîcheur du monde, la verte naïveté de la Terre sans l’éléphant et la girafe ?
Dieu a créé le tatou en se cachant des gens graves, et bien d’autres choses, pour le seul plaisir d’amuser les enfants des hommes.
(La Montagne – 5 avril 1966)
Tel est le monde : grand et magnifique ; les choses nous plaisent parce qu’elles sont belles et incroyables ; tel est le monde pour un œil naïf qui n’y cherche que des images. Quel film ! Quelles couleurs ! Quelles techniques ! Un instant d’attention et on ne comprend plus rien.
(Chronique des inventions de janvier – La Montagne – 17 janvier 1962)