Le ciel est bleu. Au fond des bois on entend le coucou. Le lilas fleurit, la cytise prospère, les hannetons sont complètement fous. Le soir, ils viennent se jeter sur les lampes, se cognent aux murs, tombent assommés, restent longtemps impuissants sur le dos à agiter leurs longues pattes rousses, se relèvent tant bien que mal, boitent, cherchent la sortie et recommencent.
Leur vol lourd projette sur les murs de grandes ombres cornues qui font peur aux enfants.
Tels sont les prestiges du printemps autour du lac dont les eaux silencieuses font penser aux romans de Fenimore Cooper.
(La Montagne – 19 mai 1964)
Résumons-nous : l’homme est un coléoptère fou : sa vie bourdonne autour de la planète comme un vol de hannetons autour du cognassier.
(Chronique des hannetons - La Montagne – 27 août 1957)
L’abeille s’envole si haut qu’elle peut. C’est le « vol nuptial ». Les mâles la suivent. Ils tombent de fatigue un à un. Elle se donne au vainqueur (toutes les femmes aiment Lindbergh). Il tombe à son tour épuisé : beaucoup d’insectes meurent du mariage.
(Dernières nouvelles de l’homme)
Mais j’exagère. Et premièrement parce que l’homme n’est pas ce que j’ai dit : il est sautillant, primesautier, curieux comme un insecte rare, inattendu dans ses moindres réflexes et coiffé d’un petit chapeau mou. (Ce que je reproche à la plupart des romanciers c’est de nous faire oublier la chose.)
Il possède une âme immortelle. Il l’habille d’un pardessus gris. Il la piétine et il la jette à la poubelle. Il fait mille choses qu’un veau ne se permettrait jamais. (Peut-être le rat ; ou la vipère ; mais tout cela nous mènerait trop loin.)
(La Montagne – 30 novembre 1965)