L’été délire sur la Provence. Le soleil ronge le dessin de la montagne.
L’ombre est rouge sous les parasols. La matière, consumée de lumière, n’est plus qu’une vapeur irisée.
Les glaïeuls montent comme des fusées, les roses s’écroulent sur les roses, les buissons de fleurs moussent comme une crème, débordent les vieux murs comme un lait qui s’échappe.
Les hampes de roses trémières lancent à deux mètres cinquante leur plus haute fleur, percée de flèches d’or jusqu’à la transparence complète. Les jardins croulent sous leur délire. Pourrat n’est plus là pour les chanter.
Il est mort jeudi, à 22 heurse 30. Mais qui le croirait ? Sur la petite place du marché de Vence, les citrons jaunes, les tomates, rouges, les aubergines de faïence bleue, voisinent avec des ceintures d’or. On ne part pas par un tel soleil.
(La Montagne – 24 juillet 1959)
Il était comme un roi des champs. Il savait tous les horizons. Il s’asseyait dans les jardins qu’on lui prêtait (tout le monde lui prêtait un jardin), sur quelque fauteuil de fortune qui en prenait l’air d’un trône rustique. Il a écrit une bonne partie de Gaspard assis dans une brouette, en face de la montagne, dans les jardins de Me Armilhon.
J’ai vu un jour, au musée Grévin, en face de Hitler en boy-scout, de Lapédie en maillot d’or, de Mussolini et de Violette Nozière (la parricide ; en toilette de grand deuil), le Négus sur son fauteuil rustique : avec son chapeau noir et son col officier. J’ai eu un choc : j’ai cru que c’était Pourrat.
Tant il faisait champêtre et royal.
(Dernières nouvelles de l’homme)