L’enfance de l’homme, sans la Bibliothèque rose, ne serait qu’une aventure ratée.
L’homme n’a-t-il pas besoin de monstres et de loups ? Qu’est-ce de l’enfant ? Nul ne connaît comme lui le plaisir d’avoir peur. Il a besoin du loup ; pis, de l’ombre du loup. Il lui faut des nains et des ogres ; des anges, du crime, et de la justice ; des diables et des loups garous. Comment, sans cet apprentissage, les reconnaitrait-il dans la vie ? Il en a des frissons de plaisir. Il lui faut le vrai sous une forme très simple. Les contes le nourrissent de schémas ; plus tard il aura Mme Mac Miche, plus tard M. Pickwick, et enfin l’homme lui-même, la forme la plus drôle et la plus compliquée de toute la faune dont l’embryon est dans les contes.
Comment décrypterait-t-il l’homme, sans l’apprentissage progressif qui le fait passer par Perrault, puis par la comtesse de Ségur, par Dickens, par Shakespeare et par Alphonse Allais ?
Le conte d’enfants, c’est la vie décryptée. La comtesse de Ségur est une étape.
Il y a un âge qui exige Gribouille et le Général Dourakine. Il y a un âge où l’on a besoin qu’un général russe corpulent, avec du poil dans les oreilles et des favoris en broussaille, mange un poulet avec ses doigts dans une berline, pour s’ouvrir l’appétit avant le repas de midi. Où il faut des zouaves rassurants, des jardiniers zélés et des petites filles modèles (en pantalons bouffants qui descendent jusqu’aux pieds.
(Faut-il brûler la comtesse de Ségur ? Dernières nouvelles de l’homme)