Septembre

Voici septembre et sa lumière oblique, la plus belle lumière de l’année.

Elle frise, argente et fait des ombres longues. Le colchique fleurit dans les prés froids. La Voie lactée occupe le tiers du ciel. On l’appelait le chemin de Saint-Jacques.

Jamais il n’y eu tant d’étoiles. On entend au loin rentrer un char.

De ma fenêtre on voit une verdure auvergnate, crue, rêche, d’un vert de salade verte ; des marronniers, des sycomores, des acacias, plus verts qu’ailleurs.

Elle encadre un ciel bleu où des lieues d’horizon viennent s’évaporer comme un songe.

(La Montagne – 8 septembre 1964)


Septembre, neuvième mois de l'année, se compose de trente jours de plus en plus rapides et de nuits ornées des étoiles les plus belles. (…) Quel calme ! Voici l'équinoxe. Le jour est plus jaune, la lumière a vieilli. Prends ton panier pour les vendanges, voici déjà l'arrière-saison. Sème les raves, empaille les cardons ; fais couler l'eau sur la feuille bleue, grasse et froide du chou-fleur ; l'air sent le céleri et le feu des fanes de pommes de terre ; cueille la fraise des quatre saisons, le glaïeul, le fuchsia, la sauge et l'héliotrope. Hume la pêche. Assieds-toi sur le gazon râpé. Voici les coings et la citrouille. L'air prend un goût de fleur brouie.

(L'almanach des quatre saisons)

Les marrons d’Inde tombent avec un bruit sec, leurs coques éclatent et les fruits roulent, tout neufs, luisants et lisses comme s’ils étaient huilés.

Du maïs, les oiseaux s’envolent. On allume des feux dans les jardins. Il en monte des fumées. Les astrologues assurent que les gens qui naissent en septembre ont tendance à chanter en chœur et à porter des pantalons rayés. Comment peuvent-ils savoir ces choses ?

L’air sent le céleri, les fanes de pommes de terre. La campagne est calme et sauvage.

On voit au loin, sur les collines, le contour de quelque village.

(La Montagne – 28 septembre 1969)

Les hommes qui sont nés en septembre sont généralement grands, bien faits et vêtus de gris. Ils viennent au monde dans des chambres jaunes qui donnent sur des jardins de province ornés de quelques poiriers de plein vent.

Leur grand plaisir est à l’automne de contempler le vol des oiseaux migrateurs. Ils aiment voir, sur un ciel glacé, les oies sauvages, formées en fer de lance, passer à de hautes altitudes.

(Les mystérieux hommes de septembre – Adam – Septembre 1965)


Voici septembre avec son étonnante lumière. Le soleil entre dans la Balance. Le son du cor se meurt au fond des bois.

L’homme qui naît en septembre, assurent les astrologues, a des gestes ovales et ressemble aux personnages de l’embarquement pour Cythère et à Louis X le Hutin. Du moins en gros. Il est asthénique et vénusien. Les spécialistes lui conseillent de porter des gilets bleu pastel, de s’entourer de roses et de sous-préfets en cas de maladie bénigne, et de protéger toujours ses reins.

(Almanach de Septembre – Almanach des quatre saisons)

Mais voici que la perdrix rappelle. Le peuplier est devenu jaune et la nuit tombe. Des merles crient dans un fourré. La chauve-souris vole en crochets. Voici la brume. Voilà le silence, et même l’appel de la hulotte.

Si vous naissez au mois de septembre, méfiez-vous des gilets voyants, protégez soigneusement vos reins et évitez d’être monarque absolu (vous seriez tué par votre oncle).

Les ramiers foncent en bandes serrées ; droit vers le sud ; j’entends leurs ailes ; adieu, beaux jours, le ciel se rapproche de la terre. Les astrologues sérieux ont décidé que le temps serait principalement probable.

(Chronique des lectures d’Equinoxe – La Montagne – 12 septembre 1961)