Octobre

Les pluies d’octobre (importance de l’eau)

Réclamées à grands cris au cours des Rogations par les populations rurales, les pluies arrivent enfin autour du 15 octobre, sur l’aile des vents océaniques, tantôt fines, persistantes, merveilleusement têtues, tantôt par épaisses cataractes.

Elles chantent sur les toits, entrent dans les souliers, jouent du tambour dans les gouttières. (…)

La pluie comble un vide national. Elle est universelle, générale, folklorique. C’est pourquoi l’homme la voit revenir avec tant de joie.

Elle le rassure sur la fidélité des saisons à leur rendez-vous et le bon fonctionnement de la nature. Les îles, sans l’eau, deviendraient inaccessibles. Elles disparaîtraient complètement. On ne visiterait plus le château d’If, Napoléon ne serait plus mort à Sainte-Hélène.

Où serait-il mort ? A Carpentras.

On voit par là que la terre, sans eau, deviendrait complètement ridicule. Nous serions privés de l’île de Ré, de l’Australie et de Madagascar ; il n’y aurait plus de zébus, de bagnards, de kangourous (…).

L’arche de Noé, sans l’eau, n’eût jamais pu flotter. Il n’y aurait plus de races animales.

Résumons-nous. L’homme est l’enfant de l’humidité, l’éloge des pluies n’est plus à faire, et il suffit d’aimer son chien ou sa girafe pour bénir ces belles pluies d’octobre qui réjouissent le cœur du sage et même du pharmacien à l’aise quand il s’assied lentement en chaussant ses lunettes derrière son comptoir ouvragé.

(Almanach des quatre saisons – Octobre)

Le soleil d’octobre pendait, miraculeux comme un citron d’or pâle, dans les branches du tilleul jauni.

(La complainte des enfants frivoles)

De Saint-Rémi à Saint-Quentin

C’est octobre tous les matins

Le mois d’octobre apporte à l’homme

Le lièvre, le vin et la pomme

Octobre au coin du feu

Fera venir le leu

(Almanach des quatre saisons – Octobre)


Octobre est le vrai mois des bilans.

L’homme allume sa lampe et fume sa pipe. Le vent assiège sa maison, le souvenir sa mémoire. Il revoit ses vacances d’été : tandis que le soleil du Midi ravage les champs dont il ne laisse qu’une herbe jaune où le grillon pousse des cris plaintifs sous un nuage de poussière abrasive, des pluies abondantes, quotidiennes, régulièrement entretenues, arrosent l’Auvergne dont elles font une éponge verte, un conservatoire de fraîcheur, un musée du lupin, du trèfle et de la luzerne, sans compter le chiendent, la bistorte, l’arrête-bœufs et l’herbe-aux-lapins.

Aussi est-elle pleine de « villes d’eaux » où l’homme se promène en sandales, boit cette eau, la mange et la fume, la mâche, la crache, et l’élimine, l’introduit dans son corps par tous les orifices, la fait gargouiller dans sa gorge et circuler dans son gros intestin.

Il rénove ainsi ses organes.

IL se couche comme les poules ; il se lève comme le lion.

(Almanach des quatre saisons – Octobre)

L’après-midi s’emplit de feux d’herbe : le matin la terre fume comme un cheval. L’érable est couleur de l’aurore et le hêtre couleur de rouille.

Les meules ont disparu des champs. Le fermier regarde ses terres vides.

Je ne saurais trop conseiller à l’homme sage de labourer, de fumer, de repasser la charrue en vue des semailles de printemps. Plutôt que de la tirer vous-même, attelez-la à des bœufs, ou prenez un tracteur.

Cueillez à la lisière du bois, au-dessus du champ de genêts, la langue de bœuf, le verdelet, la chanterelle. Assaisonnez avec de l’ail.

(Almanach des quatre saisons – Octobre)