Février, deuxième mois de l’année, voué par les Anciens à Februa, compte vingt-huit jours les années communes, vingt-neuf les années bissextiles, qu’on reconnaît précisément à cette particularité. [...] le 29 février, ou bissexte, reste mal vu par les foyers modestes, dont le salaire mensuel ne change pas, et les tireurs de traites qui trouvent sa date trop rare : « Le vingt-neuvième février — Rembourse mal le créancier. »
(Almanach des quatre saisons)
L’homme ne cesse de se chercher à travers l’apparence. Il se poursuit comme un fantôme (...)
C’est un besoin qui s’exaspère le mardi gras. Le mardi gras est un effort de l’homme pour essayer de devenir lui-même : il se cherche à travers cent costumes, il lui arrive même de se rencontrer.
Il se coiffe d’un chapeau pointu, il l’orne d’une plume d’oiseau mouche, il s’entoure les mollets d’une épaisse peau de mouton, il la retient par ces lanières entrecroisées que le brigand calabrais affectionne sur toute chose, il s’arme d’un pipeau et d’un tambour de basque, il se poursuit parmi ses accessoires, il se cherche à travers lui-même, il finit par se trouver.
Le président du tribunal met le masque de Fernandel, le sous-préfet se costume en bergère, l’instituteur se coiffe d’un casque grec, la ménagère se déguise en Peau-Rouge, l’industriel en monarque africain. Il arrive même à l’homme, suprême dépaysement, de se travestir en lui-même : Fantômas, au tome VI, se déguise en Anglais (or il est sujet britannique et sergent dans l’armée anglaise !), et j’ai entendu des enfants, s’ornant de turbans et de voiles d’infirmières, déclarer : « Alors, on serait nous ! ».
Tel est le besoin d’où naquit l’homme de lettres, tel est le désir qui fit Napoléon, les Confessions, les mémoires d’outre-tombe, Cécile Sorel, et tout autobiographe.
Tel est l’homme à travers ses songes ; il se rêve lui-même.
Ensuite il lance des serpentins dans des brasseries.
(Almanach des quatre saisons)
Les hommes qui naissent en février aimeront les étoffes chinées. Ce sont des enfants du Poisson. Mystiques et rêveurs, ils seront attirés par la musique, l’abnégation, l’occultisme, les voyages et les liquides ; à la limite, ils feront donc d’excellents marins ou des placiers en spiritueux. Les Blaise (le 3) sont aimés de l’aristocratie slave ; très forts en métaphysique, ils naissent dans les rues commerçantes Les Armand (le 6) sont heureux, souvent jaloux, volages quelquefois. Selon La Fontaine, ils ont intérêt à ne voyager qu’aux rives prochaines les « Apolline (le 9) se lèvent avec le jour. Yeux verts et foie fragile. Elles naissent à Limoges .Si vous tenez à économiser, par avarice ou par manque de moyens, appelez votre filleul Montan ou Dosithée (fête le 29). Vous ne le fêterez que les années bissextiles.
(Almanach des quatre saisons)
Le mois de février se compose essentiellement du carnaval et des inondations.
Le joyeux viveur met un faux nez. Le gendarme se déguise en bergère et la bergère en chef de gare.
Le fleuve déborde et emporte le tout. Son flot noir, marbré d’écumes jaunes, s’étend jusqu’au ciel ténébreux. Il n’est pas rare de voir passer à l’horizon, au clair de lune, un homme âgé, surpris au cours d’un bal masqué, déguisé en Polichinelle et à cheval sur un meuble ancien que le fleuve emporte vers la mer à une vitesse vertigineuse. Le vent ébouriffe sa barbe blanche.
Un mouton le suit à la nage, précédant la toiture d’une maisonnette rustique. L’agriculteur se signe en les voyant passer.
(L’oiseau de Février ou la vie bourgeoise du Corbeau – Arts Ménagers – Février 1968)