- La grille

Il tourna vers moi, sans me voir, un sourire vindicatif.

- J’avoue que je n’ai d’abord pas aimé particulièrement qu’ils fassent de la première cour, devant la grille, derrière les écuries aux chevaux – une espèce de préau à sécher la lessive… Oui, j’avoue !… Mais je n’y ai pas trop fait attention, parce que j’attendais le « moment de la grille ».

- Quel moment de la grille ?

Il claqua des doigts, impatienté.

- Voyons… Tu vois le loquet de la grille ?

Comme si j’allais le saisir, – de fer noir, poli et fondu – je le vis en effet…

- Bon. Depuis toujours, quand on le tourne comme ça, – il mimait – et qu’on laisse aller la grille, alors elle s’ouvre par son propre poids, et en tournant elle dit…

- « I-î-îan… » chantâmes-nous d’une seule voix, sur quatre notes.

- Oui, dit mon frère en faisant danser fébrilement son genou gauche. J’ai tourné… J’ai laissé aller la grille… J’ai écouté… Tu sais ce qu’ils ont fait ?

- Non…

- Ils ont huilé la grille, dit-il froidement.

Il partit presque aussitôt. Il n’avait pas autre chose à me dire. Il recroisa les membranes humides de son grand vêtement, et s’en alla, dépossédé de quatre notes, son oreille musicienne tendue en vain, désormais, vers la plus délicate offrande, composée par un huis ancien, un grain de sable, une trace de rouille, et dédiée au seul enfant sauvage qui en fût digne.

(Sido)